Les femmes Ministre Sous La Vème République
Compte Rendu : Les femmes Ministre Sous La Vème République. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar maroc0 • 26 Mars 2013 • 3 192 Mots (13 Pages) • 1 104 Vues
LES FEMMES MINISTRES SOUS LA VE RÉPUBLIQUE
par Mariette Sineau, directrice de recherches au CEVIPOF
Alors que dans la plupart des démocraties européennes, les femmes entrent en politique par la voie parlementaire, en France elles sont souvent ministres avant d'être élues députées. Comme la voie du suffrage universel leur est barrée dans les faits (compte tenu d'un système électoral « discriminant », le scrutin uninominal), elles se sont imposées par la nomination.
Ce mode d'accès des Françaises à la politique, par la nomination et la compétence technocratique, n'a pris une telle ampleur qu'en raison d'une double particularité de la Ve République : un système où il n'est pas nécessaire d'être parlementaire pour devenir ministre (la Constitution pose même en son article 23 l'incompatibilité entre les deux fonctions) et qui, en outre, accorde au chef de l'État de larges pouvoirs de nomination aux fonctions exécutives.
« En France, que l'on soit homme ou femme, on est nommé ministre par la seule volonté du président de la République » écrit Élisabeth Guigou45(*). Sauf périodes de cohabitation, c'est le président, véritable homme-orchestre de la Ve République, qui donne l'impulsion décisive pour faire - ou ne pas faire - place aux femmes à la table du Conseil des ministres. C'est pourquoi, nous allons le voir, la proximité des femmes au pouvoir gouvernemental a beaucoup fluctué en raison des différents chefs d'État.
1. Les pionnières de Giscard ou des « profanes » à la barre
Les débuts de la Ve République sont marqués de culture virile. Durant les quinze premières années, seules trois femmes accèdent à des fonctions gouvernementales. Modestes secrétaires d'État, Nafissa Sid Cara, Marie-Madeleine Dienesch et Suzanne Ploux sont reléguées dans le social et l'éducatif. Charles de Gaulle, archétype de l'homme d'État « viril », souhaitait gouverner entre hommes, percevant les femmes comme agents déstabilisateurs du corps politique46(*). Son successeur, Georges Pompidou, ne reconsidère pas davantage l'inégal partage du pouvoir entre les sexes : ainsi le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas (juin 1969-juillet 1972), pourtant porteur d'un projet de « nouvelle société », ne comprend qu'une seule femme.
C'est Valéry Giscard d'Estaing qui rompt le premier avec cette culture masculine. Président jeune et « moderne », il saisit toute l'importance des mouvements de femmes des années 70. Il y répond de deux façons : en élargissant les droits de la citoyenneté des Françaises, et en faisant place à celles-ci au sein de l'exécutif. Sous sa présidence, la part des femmes dans le personnel gouvernemental passe à 9,5 %, contre 2,4 % sous de Gaulle et 3 % sous Pompidou, neuf personnalités féminines accédant à des responsabilités ministérielles (tableaux 1 et 2).
Le gouvernement Chirac, constitué le 27 mai 1974, comprend trois femmes, dont une ministre à part entière, établissant ainsi un double record. Tandis que Simone Veil est ministre de la Santé, Annie Lesur et Hélène Dorlhac de Borne sont secrétaires d'État, la première à l'Enseignement pré-scolaire, la seconde à la Condition pénitentiaire. Un mois et demi plus tard, la nomination de Françoise Giroud à la tête du secrétariat d'État à la Condition féminine, porte à quatre le nombre de femmes dans l'équipe (10,8 %). Le mouvement de féminisation va s'amplifier ultérieurement. Le deuxième gouvernement Barre (mars 1977-mars 1978) comporte six femmes après le remaniement de janvier 1978, soit 15% des effectifs, un record du monde prétendait-on à l'Élysée !
L'audace du nombre est tempérée par la modestie des fonctions attribuées aux femmes. Seules deux sur neuf seront ministres à part entière, une ministre déléguée, les autres étant secrétaires d'État. À ce confinement au bas de la hiérarchie s'ajoute leur relégation dans les secteurs socio-éducatifs : santé, famille, condition féminine, condition pénitentiaire, université, enseignement préscolaire.... Moderne sur la forme, Valéry Giscard d'Estaing reste traditionnel sur le fond, gardant intacte la vieille division du travail entre les sexes.
Celles qui entrent au gouvernement sont représentatives de la nouvelle génération de femmes qui veulent cumuler les rôles. Elles sont assez jeunes, (49 ans en moyenne lorsqu'elles accèdent au pouvoir), diplômées du supérieur, mariées, mères de famille et professionnellement actives. En revanche, elles manquent de ressources politiques, donc de poids. La plupart font leur entrée dans l'arène sans être élues, et parfois sans appartenir à un parti politique (c'est le cas de Simone Veil). Une seule est députée au moment de sa désignation, Hélène Missoffe. Les femmes ministres de Giscard sont des « techniciennes » avant d'être des politiques. Et cela a été très critiqué. On les accuse peu ou prou de devoir leur promotion à leur seule qualité de femme, sinon à leurs charmes physiques.
Deux personnalités sauront en particulier inscrire leur action dans la durée : Alice Saunier-Séité qui, plus de cinq ans durant, sera en charge des Universités et Simone Veil, qui sera, pendant la même durée, la très populaire ministre de la Santé. L'aura politique que lui confère le règlement d'un problème qui divisait la majorité - la légalisation de l'avortement - lui vaut d'être de tous les gouvernements du septennat. La popularité de Simone Veil (comme celle de Françoise Giroud) a contribué à bousculer les représentations. C'est dans la seconde moitié de la décennie 70 que les Français changent d'attitude quant au partage du pouvoir entre les sexes, acceptant de plus en plus volontiers que les femmes occupent des postes importants.
2. Des militantes aux technocrates : la génération Mitterrand
La féminisation de l'exécutif va prendre un tour décisif sous la présidence de François Mitterrand. Celui-ci choisit avec talent des femmes, le plus souvent jeunes et titrées, pour occuper des fonctions importantes tant au gouvernement que dans son cabinet et dans la haute fonction publique.
Les gouvernements Mauroy comptent 14 % de femmes. En 1981, François Mitterrand choisit les femmes ministres parmi les fidèles. Ainsi, quatre d'entre elles ont participé à la Convention des Institutions Républicaines
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