L’émergence d’une conception politique de la responsabilité sociale de l’entreprise
Compte Rendu : L’émergence d’une conception politique de la responsabilité sociale de l’entreprise. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar anodine • 20 Mai 2014 • 9 090 Mots (37 Pages) • 1 568 Vues
L’émergence d’une conception politique de la responsabilité sociale
de l’entreprise : Une perspective généalogique
Inès DHAOUADI
Doctorante
ISG – Université de Tunis
Université de Toulouse 1 Capitole – CRM
ines.dhaouadi@gmail.com
Karim BEN KAHLA
Maître de Conférences en Sciences de Gestion
Habilité à diriger des recherches
Institut de Comptabilité et d’Administration des Entreprises
kbenkahla@gmail.com
Résumé :
Même si la conception politique de la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) et le nouveau rôle qu’elle confère aux entreprises ont été soulignés par les travaux récents dans le domaine de recherche Business and Society, ces derniers ne permettent pas d’étudier les conditions d’émergence de cette nouvelle conception de la RSE et les effets de pouvoir qu’elle induit sur les parties prenantes de l’entreprise. Pour dépasser ces limites, cette communication se propose de montrer l’apport d’une approche historique celle du cadre de la gouvernementalité développé par Michel Foucault. Après avoir présenté la conception politique de la RSE et le rôle politique qu’elle accorde aux entreprises transnationales dans une société globalisée, nous passerons en revue les quatre cadres d’analyse qui ont contribué à sa formalisation théorique. Les limites théoriques et pratiques de ces cadres d’analyse seront ensuite soulignées. L’intérêt du cadre de la gouvernementalité pour l’étude de la politisation de l’entreprise comme un nouveau régime de gouvernementalité de l’interface entreprise-société et ses effets de pouvoir en termes de développement de nouvelles techniques et formes de gouvernement sera enfin discuté.
Mots clés : conception politique la RSE, cadre de la gouvernementalité de Michel Foucault, méthode d’analyse généalogique, lien pouvoir-savoir.
Depuis le début des années 2000, nous remarquons une tendance constante au niveau des entreprises transnationales qui ne répondent pas seulement aux attentes de leurs parties prenantes les plus influentes en se conformant aux standards légaux et moraux de la société mais s’engagent aussi dans des discours et des actions qui ont pour objectif de redéfinir ces standards et ces attentes dans un monde globalisé (Scherer et Palazzo, 2008). Ces entreprises s’engagent notamment dans la santé publique, l’éducation, la sécurité sociale et la protection des droits de l’homme dans les pays à régime répressif. Elles s’attaquent à des problèmes sociaux et environnementaux globaux tels que le sida, la malnutrition, l’illettrisme, le réchauffement climatique et la déforestation ou encore optent pour l’autorégulation afin de combler un vide dans la régulation légale au niveau national ou international (Margolis et Walsh, 2003; Matten et Crane, 2005 ; Scherer et al., 2006).
Ces activités vont au-delà de la compréhension "traditionnelle" de la RSE consistant pour une entreprise à s’engager dans des actions dans le domaine social et environnemental qui permettent de maximiser ses profits à long terme tout en se conformant aux normes et attentes de ses parties prenantes (Jensen, 2002). Elles traduisent en effet une redéfinition de la relation entre l’entreprise et la société et l’émergence d’une nouvelle conception politique de la RSE qui renvoie à la participation de l’entreprise aux processus de détermination des règles publiques et à la résolution des problèmes environnementaux et sociaux globaux (Dubbink , 2004 ; Scherer et Palazzo, 2007).
Un tel débat sur la conceptualisation politiquement élargie de la RSE et le rôle politique qu’elle accorde aux entreprises transnationales est reflété dans les travaux récents dans le domaine de recherche Business and Society à travers le développement de quatre principaux cadres d’analyse à savoir l’approche républicaine de l’éthique des affaires, l’éthique économique intégrative, la conception théoriquement étendue de la Citoyenneté d’entreprise et la théorie de la démocratie délibérative. Cependant, l’étude de ces approches théoriques révèle qu’elles ne permettent pas d’analyser les évènements historiques qui expliquent l’engagement des entreprises dans des actions sociales et environnementales ayant un caractère politique et les effets de pouvoir induits par ces actions sur leurs différentes parties prenantes. Afin de dépasser ces limites, nous présenterons dans une première section, la conception politique de la RSE qui constitue une redéfinition du rôle de l’entreprise dans une société globalisée. Nous passerons ensuite en revue les quatre cadres d’analyse qui ont contribué au développement théorique d’une conception politique de la RSE et nous soulignerons leurs limites théoriques et pratiques. Enfin, nous analyserons les apports de l’approche historique basée sur le cadre de la gouvernementalité développé par Michel Foucault pour l’étude des conditions d’émergence d’une conception politique de la RSE et des effets de pouvoir qu’elle induit sur les parties prenantes de l’entreprise.
1. La conception politique de la RSE : la redéfinition du rôle de l’entreprise dans une société globalisée
Dans un contexte transnational caractérisé par l’expansion des activités sociales et commerciales au-delà des frontières nationales et par une régulation légale et morale fragile (Beck, 2003), « les entreprises deviennent des acteurs politiques qui ont des responsabilités sociales au-delà de leur rôle économique et leur conformité à la loi et aux règles de décence communes ne constitue plus une réponse adéquate aux nouveaux défis » (Scherer et Palazzo, 2008 : 419). Dans ce qui suit, nous soulignons tout d’abord que la globalisation de l’économie constitue le facteur principal qui explique l’émergence d’une conception politique de la RSE à la fin des années 1990. Nous présentons ensuite les cinq formes de politisation de l’entreprise et nous les étayons par des exemples précis.
1.1. La globalisation de l’économie comme facteur d’émergence d’une conception politique de la RSE
La globalisation est un processus de démantèlement
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