Le nomos de la Terre
Fiche de lecture : Le nomos de la Terre. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar lucas.levien • 14 Avril 2016 • Fiche de lecture • 1 841 Mots (8 Pages) • 738 Vues
C. Schmitt, Le Nomos de la Terre : dans le droit des gens du Jus Publicum Europaeum (1950)
Puf, Collection de poche Quadrige Grands Textes, 2008
L’auteur et le contexte de l’ouvrage :
Carl Schmitt est un juriste (constitutionnaliste) et philosophe allemand né 1888 dans le Sauerland en Westphalie, et mort en 1985 dans la même région. Théoricien du droit pendant la République de Weimar, Schmitt s’associe ensuite au régime nazi et en justifie dès lors ses pires aspects. Il y voit (selon certains) une solution à ce qu’il considère être le pire des fléaux : le libéralisme. Sa vision du droit est d’ailleurs profondément inspirée de T. Hobbes, surtout son caractère décisionnel devant forcément émaner d’un leader politique fort, et prenant des mesures d’exception en temps de crise, en particulier en temps de guerre. Surtout lue par les souverainistes, la théorie de Schmitt attache le droit à un territoire fermé et réfute les avantages d’un marché trop libre.
Dépoussiérant ainsi les vieilles critiques marxistes, sa théorie est devenue pour les penseurs des deux bords extrêmes de la politiques “un antidote au consensus ultra-libéral de la majorité républicaine” — une majorité qui se voudrait, selon lui, “dépolitisée”. Les intellectuels contemporains restent méfiants lorsqu’ils manipulent les outils apportés par Schmitt, puisqu’ils ont auparavant servi à cautionner les lois antisémites du IIIe Reich. Cependant, Schmitt était un grand intellectuel reconnu avant les années 30, et sa méthode de lecture juridique des crises internationales lui donne encore aujourd’hui un certain crédit académique. Schmitt est par ailleurs particulièrement étudié quand des interventions occidentales viennent “faire de l’ordre” au Moyen Orient.
Dans Le Nomos de la Terre publié en 1950, Carl Schmitt commence ce long chemin de croix où il faudra qu’on lui pardonne sa collaboration. Dans cet essai — qui s’apparente selon la présentation de P. Haggenmacher comme la continuité de son travail Terre et Mer (publié en 1942) — Schmitt s’oppose au projet de droit universaliste lorsqu’il s’agissait de créer un nouvel ordre juridique global à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. En effet, un nouvel ordre international sans souveraineté étatique sur les espaces délimités au sol tend, selon lui, à une anarchie, caractérisée par de nouvelles guerres. Cet ordre justifierait par exemple la légitimité de certaines interventions par les états puissants, s’octroyant une souveraineté universelle sur des espaces qui ne leur ont pas été attribués.
Les arguments de l’oeuvre :
Définition : Le “Nomos de la Terre” c’est le rapport entre le sol et le droit, étymologiquement du grec νομειν (nomein) signifiant partager ou faire paître. Ainsi pour Schmitt, le nomos ne se résume pas à la loi, mais il est tridimensionnel : il est d’abord la prise, l’appropriation d’un territoire, puis son partage et enfin son exploitation. Le nomos suit alors le mouvement suivant : prendre, partager, paître. Au début de l’ouvrage, l’auteur explique que les nations veulent bâtir un Droit universel à la fin des hostilités de la Seconde Guerre Mondiale, en espérant une paix perpétuelle. Pour lui, ce Droit est “utopique” et n’a pas lieu d’être au sens propre — de u absence, et de topos le lieu. De cette utopie surgit l’admonestation d’une violence et d’une tyrannie. Pour l’auteur, il faudrait plutôt voir la guerre comme une menace constante et la paix réelle comme limitée dans l’espace et le temps. Les relations internationales, tentant de définir et de délimiter la guerre, s’articulent donc entre les différents nomos de l’Histoire qui organisent le monde dans un ordre de Droit. L’ordre moderne est le jus publicum europaeum, et il se fonde sur un ancien ordre: la vieille respublica christiana. Cette dernière s’étendait en phagocytant de nouvelles terres grâce à des guerres considérées comme “justes” à l’époque de par leurs causes théologiques (elle étaient menées contre les non-croyants).
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