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La démocratie est-elle une impuissance?

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Par   •  6 Février 2020  •  Dissertation  •  2 526 Mots (11 Pages)  •  510 Vues

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La démocratie est-elle une impuissance ?

Accroche : la démocratie « haine impuissante » (Stendhal). Ce trait constitutif de la société démocratique évoque l’insatisfaction qu’elle génère en raison des passions partisanes qu’elle demande pour fonctionner, mais qui ne peuvent être réalisées sauf à distendre son ressort même – l’impossibilité de tout réaliser, de réaliser ce qui heurte les droits des citoyens.

Définitions :

  1. Démocratie : un régime politique où tous les pouvoirs puisent leur légitimité dans le peuple, où tous les pouvoirs sont exercés par le peuple ou par ses représentants. La démocratie peut prendre plusieurs formes, mais on retient généralement qu’elle cherche à maintenir une dialectique équilibrée entre les besoins de l’individu (qui veut que ses droits soient protégés) et les besoins du citoyen (qui veut que sa volonté comme tout politique soit respectée). Cette dialectique, par définition, est contradictoire. Différents régimes démocratiques peuvent ainsi choisir de privilégier les besoins du citoyen au détriment des besoins de l’individu et vice et versa.  
  2. Impuissance :  l’inverse de la puissance, entendue comme la volonté et la capacité de faire. Renvoi évidemment ici à l’impuissance de la communauté politique (« les actions et les raisons des citoyens » selon la formule d’Aristote).

Enjeux : la démocratie se définit comme un régime politique où la souveraineté appartient à la communauté politique elle-même (Article 3 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en n’émane expressément »). Ainsi définie, la démocratie semble être le régime de la puissance par excellence, puisque le peuple n’est pas sujet passif d’un pouvoir s’exerçant sur lui de manière autonome, mais au contraire l’acteur de la souveraineté. La démocratie, comprise dans sa formule antique, est l’acmé de cette puissance : la liberté des Anciens se définit en effet par la liberté politique de la collectivité en tant que telle plutôt que la liberté du particulier qui la compose (Benjamin Constant, De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes). Pas de représentation à Athènes ou Lacédémone : le citoyen est directement acteur du pouvoir. Aussi, la relation commandement-obéissance n’est pas univoque ; chaque citoyen goûte ainsi tantôt au commandement, tantôt à l’obéissance. Pourtant, la démocratie, telle que nous nous la représentons, est aujourd’hui plutôt synonyme d’impuissance : la volonté collective, nos actions et nos raisons, se heurtent à des séparations empêchant la réalisation pleine et entière de l’intérêt général défini par Rousseau dans Du contrat social. Ces séparations sont le filtre de la représentation, qui empêche les citoyens de se gouverner directement par eux-mêmes, la séparation des pouvoirs, qui vise à ne pas concentrer toute la puissance politique en un seul corps, et la séparation des affaires privées et publiques, qui vise à multiplier les intérêts, les faction, de sorte que le citoyen ne soit jamais immédiatement citoyen, mécanisme entravant ainsi précisément la réalisation de l’intérêt général.

Problématique : en quoi la démocratie a-t-elle évoluée d’une forme politique privilégiant les besoins du citoyen vers une forme politique privilégiant les besoins de l’individu ?

I – La démocratie a originellement été perçue comme le régime par excellence de la puissance de la communauté politique, suscitant des critiques quant à son caractère potentiellement liberticide, et entraînant donc son recentrage vers une forme privilégiant la liberté de l’individu

  1. La démocratie comme régime de la puissance de la communauté politique, donc potentiellement despotique

A1 – La démocratie antique comme mode d’organisation politique pleinement « naturel » (Aristote)

La vie du citoyen en cité démocratique est le seul mode de vie conforme à la nature selon Aristote. L’homme est un animal politique, c’est-à-dire spécialement fait pour vivre en cité démocratique. La cité démocratique est naturelle car elle correspond au pouvoir humain de connaître (la cité est synoptique) et d’aimer (le citoyen peut s’identifier à une communauté qui lui est immédiatement présente et familière : par exemple, les citoyens se montrent nus à la palestre pour délibérer).

La cité permet la réalisation de la liberté des Anciens. Cette liberté se compose de la participation active et constante au pouvoir collectif, et consiste à exercer collectivement, mais directement, plusieurs parties de la souveraineté toute entière. Dans cette optique, le collectif est tout et l’individu n’est rien. La liberté est compatible « avec l’assujettissement complet de l’individu à l’autorité de l’ensemble » (Constant). La liberté est contradictoire dans la Grèce antique, car la souveraineté dans les affaires publiques coexiste avec l’esclavagisme dans la sphère privée. Ainsi, Constant encore : « Comme citoyen, il décide de la paix et de la guerre ; comme particulier, il est circonscrit, observé, réprimé dans tous ses mouvements ». Exemple : l’ostracisme, vote par lequel certaines cités grecques bannissent pour dix ans les citoyens qui ont encouru la défaveur publique.

A2 – « La Belle unité » (Hegel) facteur de guerre permanente

Le désir permanent de puissance du corps politique démocratique dans l’antiquité grecque ne doit pas être interprété comme une absence de tensions. Le citoyen, participant lui-même, sans représentant, ni fonctionnaire, à la délibération souveraine et à la magistrature, est la source d’une agitation permanente : il n’y a pas de « liquide de refroidissement » dans la cité ; celle-ci est en incandescence permanente. Ce caractère incandescent se montre dans les guerres perpétuelles que se livrent les cités entres-elles. Ces guerres sont rendues d’autant plus facile que la cité, qui exige une petite population homogène pour être « synoptique », est ainsi instinctivement en opposition, en concurrence, par rapport aux autres cités. La liberté politique des Anciens, c’est se gouverner soi-même, ce qui, pour un groupe politique homogène au milieu d’autres corps politique, implique la possibilité, la probabilité, peut être même la nécessité de frottements, de heurts, de conflits, de guerres.

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