Introduction à la sociologie de l’action publique
Analyse sectorielle : Introduction à la sociologie de l’action publique. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Hanaa Jribi • 17 Janvier 2022 • Analyse sectorielle • 19 760 Mots (80 Pages) • 810 Vues
Introduction à la sociologie de l’action publique
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Étudier l’action publique consiste essentiellement à s’interroger sur la manière dont une société tente de régler ses propres problèmes. L’action publique (= politique publique) peut être décrite comme l’ensemble des moyens, formels et informels, dont se dote une société pour prendre en charge les problèmes qui peuvent en fragiliser la cohérence et le fonctionnement. La prise en charge « publique » des problèmes liés aux bonnes conditions d’existence, bien souvent par l’État, signifie qu’ils sont traités collectivement : devant la difficulté à trouver des solutions, une société s’équipe peu à peu de « politiques publiques », c-à-d de règles, de financements, de personnels spécialisés, de programmes, d’indicateurs, lui permettant d’inventer des formes de prise en charge. En ce sens, l’action publique cherche moins à résoudre les problèmes sociétaux qu’à les rendre supportables.
Proposer une « sociologie » de l’action publique revient alors à considérer a priori que la forme prise par l’action publique dans une société dépend de l’organisation même de celle-ci. Ce qui est considéré comme problématique varie d’une société à l’autre, d’une époque à l’autre. Face aux enjeux, plusieurs types d’acteurs se mobilisent, s’affrontent, se coalisent pour tenter de définir ce qu’il convient de faire, de ne pas faire, et surtout comment le faire, avec quels moyens et à quelle échéance.
En reprenant les définitions plurielles données au terme « politique » par la science politique, on peut saisir facilement la place qu’occupent les politiques publiques dans la construction d’un gouvernement et d’un ordre social :
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La sociologie de l’action publique constitue une discipline profondément empirique, son matériau de base restant l’observation du réel. Accumulation de données et d’observations puis proposition de modèle théorique qui est ensuite discuté, critiqué, etc.
- La sociologie de l’action publique : genèse et enjeux
Considérée comme une sous-discipline de la science politique.
- Une discipline aux contours flous
Historiquement : « analyse des politiques publiques » jusque à la fin du 20ème siècle. Aujourd’hui, bcp d’auteurs lui préfèrent d’autres notions, comme « sociologie de l’action publique ». Cela traduit un changement de focale : « analyse des pp » se centre sur la capacité de l’État à réguler la société ; « sociologie de l’action publique » renvoie à l’idée d’une coproduction des règles collectives impliquant une multitude d’acteurs.
Ambiguïté du terme anglais policy analysis : il désigne à la fois la science for policy process et la science of policy process.
Malgré les nuances d’approche, l’ensemble des travaux de ce manuel se situe dans une histoire intellectuelle et scientifique commune. Les chercheurs travaillant sur le pp se différencient fortement tout en ayant des héritages théoriques communs.
- La genèse américaine de l’analyse des politiques publiques
L’histoire intellectuelle de cette discipline suit une trajectoire semblable à celle de la science politique. Inventée aux États-Unis au début du xxe siècle, dans un souci de mieux gouverner, elle s’affirme comme véritable discipline scientifique à partir des années 1950 et est importée en France en 1960. À la base, le but de l’analyse de pp était d’améliorer l’action de l’administration publique. Incarnation : W. Wilson, prof de sciences po et président. Pour lui, il faut constituer une science politique capable d’accompagner les réformes administratives. L’émergence de l’analyse des pp est donc le résultat d’une demande émanant des autorités publiques nord-américaines, qui vont la financer et la promouvoir. Deux chercheurs connus de l’Entre-deux-guerres : C. Merriam et H. Lasswell, qui participent à des programmes de formation des fonctionnaires alors que ce sont des universitaires. Leur projet : policy sciences dont le but est à la fois de comprendre le fonctionnement de l’action des autorités publiques, mais également de fournir des pistes d’amélioration. On qualifie cette posture de problem solving. Les universitaires deviennent donc les experts et conseillers en matière de programmes gouvernementaux d’action publique. Ils appartiennent aux acteurs des pp, tels que les hauts fonctionnaires, les think tanks (« laboratoires d’idées »), les militants ou encore les élus.
Sortie des policy sciences et affirmation de policy analysis : Mais à partir des années 1950, des chercheurs comme H. Simon, C. Lindbom et A. Wildavsky critiquent les ambitions réformatrices de leurs prédécesseurs et l’analyse des pp se distancie avec le projet initial. Cette nouvelle génération de chercheurs va mettre en lumière des concepts clés : rationalité limitée des acteurs décisionnel, le caractère incrémental (progressif, négocié et lent) des changements, l’incertitude de la mise en œuvre. Ils pointent les failles de l’État fédéral américain, souvent inefficace.
- Entre circulation des savoirs et des méthodes et extension des domaines d’étude
Le contexte intellectuel français a marqué la manière dont s’est pratiquée et développée l’analyse des politiques publiques, la rendant plus sensible à certains enjeux (sociologie compréhensive des acteurs, rôle de régulation de l’État, place et rôle de l’histoire et des temporalités) qu’elle ne l’était jusqu’alors aux États-Unis. Volonté d’étudier l’ordre social « par le bas » 🡪 étudier la manière dont s’organise très concrètement la prise en charge des problèmes qui se posent à une société donnée.
La diffusion du savoir sur de « nouveaux » continents, comme l’Afrique, l’Amérique du Sud ou l’Asie, a amené de nouveaux angles d’analyse.
La sociologie de l’action publique évolue aussi à travers l’actualité et les controverses du débat public. Faire de la sociologie de l’action publique impose de devenir un observateur attentif de ce qui divise et cristallise les débats politiques au sens large. Exemple : augmentation des études sur les inégalités sexuelles et de genre suites aux mouvements #metoo et #balancetonporc.
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