Commentaire Hannah Arendt
Commentaire de texte : Commentaire Hannah Arendt. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar alexbou07 • 12 Septembre 2019 • Commentaire de texte • 2 093 Mots (9 Pages) • 1 659 Vues
Commentaire du texte : Hannah Arendt, “Qu’est-ce que l’autorité ?”, in Crise de la culture, 1972, (extraits).
Dans son texte intitulé « Qu'est-ce que l'autorité », publié en français dans La crise de la culture en 1972, Hannah Arendt présente une vision de l’état de l’autorité dans le monde contemporain. En effet, la philosophe américaine écrit ce livre dans l’après-guerre, période marquée notamment par l’apparition aux yeux du monde des atrocités commises par des régimes alors désignés comme autoritaires dû à leurs pratiques arbitraires du pouvoir et à la soumission qu’ils imposaient à leurs peuples. Nonobstant, l’auteur dresse un constat différent, l’autorité comme elle la conçoit a disparu. Et rien ici n’est lié à une quelconque aversion pour l’autorité de l’auteur, au contraire, elle ne cessera d’ailleurs jamais au cours de sa réflexion, de rappeler au monde la nécessité que l’autorité doit être et ne plus jamais disparaitre, seulement faudrait-il encore la faire renaitre. C’est la pensée qu’elle va étayer tout au long de ce texte ; comment expliquer qu’alors que l’humanité sors tout juste de la pratique la plus personnelle, totalitaire et absolue du pouvoir dans certaines parties du monde, l’autorité est en perdition ? En se posant la question du véritable sens du mot autorité, Hannah Arendt nous devançait, car au jour où le monde crie à la crise de la démocratie, et cherche pour des coupables, celle de l’autorité dénoncée et expliquée il y’a 60 ans pourrait bien en être. L’écrivaine semble apporter à son dilemme une réponse qui interpelle : la disparition de l’autorité serait principalement due à la méconnaissance de ce qui la constitue.
Nous pouvons alors nous poser la question, comment Arendt montre que l’incompréhension des facteurs qui définissent l’autorité sont à l’origine de sa disparition ?
Nous verrons dans un premier temps que pour la définir, l’auteur utilise des oppositions à des lieux communs d’interprétation qu’elle déconstruit en les rapportant à la notion de légitimité, puis qu’elle expose en quoi la disparition des fondements de l’autorité a finalement amené à son incompatibilité avec le monde moderne.
Tout d’abord, la définition de l’autorité par le plus grand nombre n’est pas celle d’Hannah Arendt, elle se consacre donc à déconstruire dans un premier temps des fausses interprétations qui ont pu parfois, amener à de grands bouleversements.
Lorsqu’elle se demande comment elle définirait l’autorité, Hannah Arendt répond simplement : ‘‘ En l’opposant à la fois à la contrainte par la force et à la persuasion par arguments’’. Cela démontre toute sa pensée selon laquelle justement c’est parce que l'autorité est une forme d'obéissance qui ne requiert ni la persuasion, ni la contrainte, que l’autorité est en crise ; parce qu’elle fut initialement mal interprétée. En effet, lorsqu’elle écrit : ‘‘ On la prend souvent pour’’, elle dénonce des conceptions courantes erronées, elle va donc s’attarder à les défaire, car pour comprendre pourquoi l’autorité a disparu, il faut d’abord savoir comment elle est perçue. L’autorité donc en premier lieu, pour elle, ne doit pas être confondue avec la persuasion, car si la persuasion présuppose une égalité mutuelle et se fait au moyen d'une argumentation, l'obéissance liée à la notion d'autorité opère selon un ordre hiérarchique, donc une inégalité et sans argumentation. Cet ordre préexiste même pour Arendt, c’est la hiérarchie qui crée la relation entre les individus et non l’inverse. Voilà donc un premier point qui s’oppose à une traduction de l’autorité comme force d’argumentation. Dans un second temps elle oppose l’autorité à l’usage de la force ou de violence. En outre, l'utilisation de la contrainte au moyen de la force s'oppose à l'autorité, puisque dans une situation d'autorité, la légitimité et la justesse de la hiérarchie est reconnu par tout un chacun, l'autorité implique une obéissance dans laquelle les hommes gardent leur liberté et sans être contraint par la force. Il est notamment ici sous-entendu par l’auteur que c’est la légitimité admise de l’autorité auprès des individus qui fait sa force, et qu’il ne faut pas l’amalgamer avec des processus comme l’argumentation ou la contrainte qui au contraire, ne sont que des mécanismes de légitimation. Elle fait référence à ce qui fait toute la puissance d’une légitimité déjà fondée, qui ne serait plus à prouver : le fait qu’elle soit conforme et instaurée dans la norme, sorte d’obéissance pleinement consentie recherché par n’importe quel régime en place. C’est d’ailleurs sur cette idée qu’elle finira son propos : ‘‘la violence est censé démontrer qu’aucune société ne peut exister hors d’un cadre autoritaire’’. Ce qui signifie que les totalitarismes en sont l’exemple, sans autorité, donc sans légitimité reconnue fondamentalement par le peuple, les régimes, pour rester en place, devront sans cesse faire appel à des processus de légitimation permanent comme la violence ou l’argumentation. De nombreux auteurs comme Weber, Bourdieu ou Leca se sont penchés sur ce processus de légitimation dans le cadre pour eux, de l’Etat, et avec la réponse de Arendt, l’état lui-même ne pourrait plus être considérer comme une autorité, puisqu’il ne correspondrait plus à ces critères de légitimité intrinsèque. On peut en conclure que la définition de l’autorité, trop souvent confondue avec la violence et la persuasion se tient donc au lien qu’entretiennent les concepts avec la légitimité.
De plus, l'autorité est une notion complexe qui est souvent mise comme allant de pair avec le totalitarisme. Dans son extrait, Arendt se sert de cette confusion pour pousser encore plus loin la définition qu’elle fait du concept d’autorité par rapport à la tyrannie. Elle en vient au fait que la différence fondamentale entre les deux, est ce pourquoi le régime est place, en quel nom et dans quel dessein. Elle montre que le tyran gouverne en son nom et pour lui seul, alors que l’autoritaire est comme elle dit soumis à : ‘‘ une force extérieure et supérieure au pouvoir qui est le sien’’. C’est cette idée de transcendance pour une idée supérieure qui fait la force et encore une fois la légitimité de l’autorité reconnue par tous sans processus quelconque de légitimation. Pour illustrer le propos de Hannah Arendt, il ne semble pas y avoir meilleur exemple que celui qu’elle utilise elle-même, Platon. Le penseur antique l’illustre aussi bien dans son opposition aux méthodes de la persuasion et de la violence qui étaient d’usage dans la politique grecque, que dans son idée de faire diriger la cité par des philosophes, et de placer ainsi une autorité transcendée par la raison et le logos : sorte de gouvernement de la Raison qui serait ainsi automatiquement légitime aux yeux de tous.
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