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La Constitution De 1795

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Par   •  16 Mars 2015  •  2 568 Mots (11 Pages)  •  2 137 Vues

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La Constitution du 5 Fructidor an III – 1795

Le 9 Thermidor an 2 voit la chute de Robespierre et la fin de la dictature des Comités de Salut Public et de Sûreté Générale. Débarrassée d’un exécutif tout puissant, la Convention à nouveau dominée par les éléments girondins ou « Thermidoriens », tente de trouver un juste équilibre entre les pouvoirs exécutifs législatifs et judiciaire. Mais il faut attendre la grande insurrection des Sans Culottes parisiens le 21 Mars 1795, pour voir la Convention nommer une commission chargée de rédiger une Constitution « définitive ». Cette commission, composée essentiellement de modérés qui se seraient volontiers accommodés d’une monarchie constitutionnelle (Daunou, Boissy d’Anglas), rédigea une nouvelle Constitution prenant le contre- pieds des principes défendus dans celle du 24 Juin 1793.

La forme républicaine du gouvernement n’est pas remise en cause, bien au contraire ; en revanche tous les principes sociaux d’inspiration rousseauiste contenus dans l’ancienne Constitution du 24 Juin 1793 sont battus en brèche par les Thermidoriens.

Pour les nouveaux Constituants, il s’agit d’épargner à la France, le retour de la dictature de quelques hommes se prétendant mandatés directement par le peuple. Dans ce but, les thermidoriens s’élèvent contre toute proclamation de droits sociaux et s’abstiennent de déclarations pouvant donner prétexte à des revendications d’ordre économique, préludes à une vaste et périlleuse contestation de l’ordre social. Les hommes de l’an III ne veulent plus d’un pouvoir schizophrénique comme celui de 1793, qui proclamait un droit à l’insurrection tout en gouvernant par la Terreur.

Les Constituants de l’an III affirment avec force l’indispensable symétrie qui doit exister entre les droits et les devoirs de l’Homme. Ils donnent par ailleurs une définition de la liberté et de l’égalité a minima et préfèrent valoriser le travail, le mérite, les bonnes mœurs et le respect de la propriété d’autrui. L’esprit conservateur qui caractérise cette Constitution, se retrouve également dans les mécanismes qui assurent son fonctionnement. Le système électoral est au service du conservatisme et d’une bourgeoisie issue de la Révolution, soucieuse de garantir ses acquis. Le suffrage universel prévu dans la Constitution du 24 Juin 1793 est remplacé par le suffrage censitaire, au nom de considérations politiques justifiant la domination politique des classes aisées de la population sur celles considérées comme indignes de gouverner. Les assemblées primaires et électorales sont organisées comme autant de filtres ultra-sélectifs destinés à assurer la représentation d’à peine 30 000 français. La première partie de cette dissertation, traitera de tous ces aspects, en insistant sur l’inspiration girondine de cette constitution. Le second mouvement de notre réflexion sur la Constitution de l’an III, permettra de présenter les grands équilibres de cette Constitution de l’an III, en expliquant l’organisation du pouvoir législatif et en montrant comment s’est manifesté dans le texte de cette Constitution, la défiance des Constituants à l’égard du pouvoir exécutif. Les Constituants ont fondé un bicamérisme, bâti sur l’existence d’une Chambre Basse (le Conseil des Cinq-Cents) et une Chambre Haute (le Conseil des Anciens). Nous verrons que la Constitution de l’an III organise une répartition des rôles entre ces deux Chambres, en tentant de concilier l’esprit d’initiative et la prudence tout au long du processus législatif. La volonté de déséquilibrer légèrement l’organisation du pouvoir législatif en faveur de la Chambre « Haute » jugée plus prudente, demeure manifeste tout au long de la lecture de cette Constitution. On retrouve également ce déséquilibre recherché dans l’organisation du pouvoir législatif en faveur de la prudence et de l’expérience, dans la manière dont est organisé le pouvoir exécutif. La composition et les compétences du Directoire seront présentées dans le développement. Tout au long de la Constitution du 5 Fructidor an III, on retrouve l’idée selon laquelle la neutralisation mutuelle des pouvoirs via une Constitution censée prévoir tous les cas de figures, permettra de trouver l’équilibre institutionnel parfait. Le Directoire ne peut pas dissoudre les Chambres et les Conseils ne peuvent pas non plus censurer l’exécutif. L’exemple de l’organisation du pouvoir judiciaire dans la Constitution du 5 Fructidor an III témoigne également bien de cette volonté de cloisonner les pouvoirs lorsqu’il n’est pas possible d’organiser leur neutralisation. Ainsi, le Titre VIII de la Constitution précise dans son article 202, que « les fonctions judiciaires ne peuvent être exercées, ni par le Corps législatif, ni par le Pouvoir exécutif ». Les juges, qui doivent avoir au moins trente ans et sont élus, ne doivent sous aucun prétexte s’immiscer dans les sphères de compétence de l’exécutif et du législatif.

Arrivés au terme de notre réflexion, il sera permis de s’interroger sur l’efficacité et la pérennité d’un tel édifice.

I. Une Constitution d’inspiration girondine

Les Constituants de Fructidor an III considéraient que la Constitution du 24 Juin 1793, était dangereuse pour l’ordre et les libertés publiques. Tout l’édifice constitutionnel qu’ils ont bâti s’inscrit dans cette conviction.

A. La Constitution de 1795 : Une réaction contre les idées sociales et universalistes des montagnards

Les Constituants veulent à tout prix éviter le retour au gouvernement des Comités, inexorablement entraîné sur le terrain de la dictature. La Constitution de 1793 proclamait de grands principes idéalistes. Ce texte déclare notamment que « le bonheur est le but commun » et que « l’insurrection est le plus sacré des devoirs ». La Constitution de 1793 prétend que la tyrannie existe dès lors qu’un seul membre de la société est opprimé. Toutes les lois devaient être soumises à référendum. Robespierre évoquait souvent le « droit au travail » ou « les droits du peuple ». Toutes ces proclamations effraient les thermidoriens qui n’y voient qu’une possibilité de désordre et de violence contre la propriété. En conséquence, on ne les retrouve pas dans la Constitution de Fructidor an III.

La « liberté » est définie de manière restrictive : Elle consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui. L’égalité consiste en ce que la loi est la même pour tous. La propriété est le droit de jouir et de disposer de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie. La contrepartie des droits reconnus à l’Homme réside dans ses devoirs vis à vis de la société : Faire le bien, être soumis aux lois, être bon père de famille, bon époux, bon ami, respecter la propriété d’autrui « sur laquelle repose l’ordre social tout entier » et défendre la patrie lorsqu’elle est en danger. Par ailleurs, nul citoyen ne vivra volontairement aux frais de la société.

B. Un système électoral favorable au conservatisme et à la bourgeoisie issue de la Révolution

On parle de « suffrage censitaire », lorsque le droit de vote ou celui d’être éligible, sont accordés uniquement sur des critères d’impositions ou de possessions de biens. Le système électoral de Fructidor an III, a pour but de favoriser la classe aisée et éclairée du peuple. Les critères d’acquisition ou de perte de la citoyenneté sont à cet égard éloquents. Pour être citoyen, il faut avoir au moins 21 ans, savoir lire et écrire, être un homme, être domicilié sur le territoire de la République au moins depuis les 12 mois qui précèdent l’élection, et payer une contribution directe foncière ou personnelle. On accède à la qualité de citoyen, même sans paiement d’impôts, à partir du moment où il est possible de prouver sa participation à « une ou plusieurs campagnes pour l’établissement de la République ». Les conditions dans lesquelles se perd la qualité de citoyen sont révélatrices de l’état d’esprit nourri par les Constituants à l’égard des « émigrés ». En effet, la qualité de citoyen se perd après une naturalisation en pays étranger, l’acceptation d’une pension d’un gouvernement étranger, ou encore suite à une durée de résidence à l’étranger de sept années sans mission officielle du gouvernement français. Enfin, la citoyenneté se perd après une condamnation à une peine « infamante ».

Les assemblées primaires sont les assemblées composées de citoyens domiciliés dans le même canton. Il en existe au moins une par canton. Elles se réunissent pour accepter ou refuser les changements à l’acte constitutionnel proposé par les assemblées de révision. Les assemblées primaires nomment les membres de l’assemblée électorale, le juge de paix, le président du canton ou les officiers municipaux dans les communes au-dessus de 5000 habitants. Chaque assemblée primaire nomme un électeur à raison de 200 citoyens présents ou absents, avec droit de vote dans l’assemblée électorale. Pour être électeur, il faut avoir au moins 25 ans et satisfaire aux conditions d’accès à la citoyenneté. Dans les communes de plus de 6000 habitants, l’électeur devra être propriétaire ou usufruitier d’un bien d’une valeur égale à au moins deux cents journées de travail. Il lui sera aussi possible d’être locataire à hauteur d’un certain montant de loyer.

Les Constituants de Fructidor an III ont voulu rompre avec l’idéalisme des montagnards et la terreur des comités. L’état d’esprit girondin est prégnant dans la manière dont est organisé le système électoral. Tout est fait pour éviter l’émergence de fanatiques ou de dictateurs dans la vie institutionnelle.

II. La recherche d’un équilibre idéal entre exécutif et législatif

La Constitution de l’an III cherche à atteindre l’équilibre institutionnel idéal entre un pouvoir législatif composé de deux Chambres aux pouvoirs inégaux, mais interdépendantes et un exécutif certes pourvu de pouvoirs considérables, mais maintenu en permanence sous le contrôle du corps législatif. La séparation des pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires est très stricte.

A. Un bicamérisme bâti sur la division entre une Chambre Haute et une Chambre Basse

Dans la Constitution de l’an III, il est impossible de cumuler une fonction législative et une fonction publique. Les membres des deux Chambres ne sont pas les représentants de leurs départements, mais les « élus de la Nation ». Afin probablement d’éviter une professionnalisation de la politique et l’émergence de personnalités trop fortes, nul ne peut être membre d’une assemblée législative plus de 6 ans. Les deux Conseils sont renouvelés tous les ans par tiers (ce qui constitue une pratique identique à celle en cours au sein de l’exécutif). Le corps législatif est permanent, les séances sont publiques et ni les Cinq-Cents, ni les Anciens, ne peuvent créer en leur sein de « comités permanents » (afin d’éviter le retour aux funestes pratiques de 1793). Le corps législatif n’assiste à aucune cérémonie publique (pour éviter l’émergence d’une personnalité populaire). Les citoyens qui sont ou ont été membres du corps législatif ne peuvent être recherchés, ni poursuivis, ni jugés en aucun temps pour ce qu’ils ont dit ou écrit dans l’exercice de leur fonction (article 111). Une Haute Cour de Justice est créée pour juger les crimes des membres du corps législatif.

La Chambre « basse » (le Conseil des Cinq cents) représente l’élément dynamique au sein du législatif. Pour siéger, il faut avoir trente ans et avoir été domicilié sur le territoire de la République pendant les dix ans qui ont précédés l’élection. C’est la garantie que des émigrés royalistes, même revenus en France, ne pourront pas être élus. La proposition des lois appartient exclusivement aux Cinq-cents. Les propositions adoptées par le Conseil des Cinq-cents s’appellent « résolutions ». Elles sont adoptées au terme d’un processus électoral très lourd, qui peut durer plusieurs semaines.

La Chambre « Haute » (le Conseil des Anciens au nombre de 250 membres) représente l’élément modérateur au sein du corps législatif. Pour siéger « aux Anciens », il faut avoir 40 ans et être marié ou veuf. Il faut avoir été domicilié sur le territoire de la République pendant les quinze ans qui ont précédé l’élection (sauf bien entendu pour les diplomates). C’est le Conseil des Anciens qui approuve ou rejette les résolutions du Conseil des Cinq-Cents. Dans le cas de rejet, les Cinq-Cents doivent attendre une année pour représenter un projet identique. Seul le Conseil des Anciens peut changer le lieu de résidence du corps législatif.

B. Un pouvoir exécutif volontairement affaibli

En répartissant le pouvoir exécutif sur cinq têtes, les Constituants ont voulu se protéger de la dictature d’un seul homme, tout comme de l’élection éventuelle d’un Bourbon au sommet de l’Etat. Les cinq Directeurs de l’exécutif sont nommés par le législatif (article 132). Ils doivent avoir quarante ans au moins. Ils sont renouvelables par l’élection d’un nouveau membre chaque année. Aucun des membres sortants ne peut être réélu avant un laps de temps de cinq ans. Chaque membre du Directoire exerce la présidence pendant trois mois. Etrangement, le Directoire exécutif ressemble de par son organisation au Comité de Salut Public, sauf que dans le cas de la Constitution de Fructidor an III, il n’y a que 5 Directeurs au lieu de 12 commissaires.

Le Directoire exécutif pourvoit à la sûreté intérieure et extérieure de la République. Il arrête et signe les traités avec les puissances étrangères. Il peut décerner des mandats d’amener et d’arrêt lorsqu’il se trouve face à une conspiration. Le Directoire nomme les Généraux en chef de l’armée, il surveille et assure l’exécution des lois dans les administrations et tribunaux par l’intermédiaire de commissaires nommés. Il nomme aussi les ministres et les révoque à discrétion, ainsi que les hauts fonctionnaires de l’administration fiscale. Le Directoire dispose de prérogatives importantes dans les colonies, surtout dans le domaine de la nomination des fonctionnaires. Le Directoire est tenu, chaque année, de présenter aux deux Conseils législatifs, un rapport sur la situation financière de la France. Enfin, notons que le Directoire exécutif peut, s’il le souhaite, « inviter » le Conseil des Cinq-Cents à réfléchir sur l’opportunité de déposer un projet de résolution. Dans ce cas, le Directoire ne joue qu’un rôle de conseil, mais en aucun cas il ne pourra adresser des injonctions au Conseil des Cinq-Cents. La Constitution du 5 Fructidor an III, se méfie de l’exécutif. Il s’agit de se prémunir contre toute tentative de complot ou de déstabilisation. Ainsi, aucun membre du Directoire ne peut sortir du territoire de la République, sans respecter un délai de deux ans postérieur à la cessation de ses fonctions. Durant ces deux ans, cet ancien Directeur doit justifier de sa résidence auprès du corps législatif. Par ailleurs, aucun membre du Directoire ne peut s’absenter, sans autorisation du corps législatif, plus de cinq jours, ni s’éloigner au-delà de 4 myriamètres (huit lieues) du lieu de résidence du Directoire (article 164). Le Directoire doit résider dans la même commune que le corps législatif.

La présence du Directoire doit être fortement signalée. Les Directeurs se déplacent avec leurs gardes, vêtus d’un costume spécialement dessiné pour eux. Signalons enfin que le Directoire ne peut communiquer avec le corps législatif que par l’intermédiaire de « messagers d’Etat » et d’huissiers, ce qui signifie qu’aucun Directeur n’a accès aux locaux des Conseils législatifs.

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La Constitution du 5 Fructidor an III repose sur une organisation complexe qui organise la neutralisation des grands pouvoirs législatifs et exécutifs afin d’empêcher que l’un d’eux n’acquiert la suprématie au détriment de l’autre. Le pouvoir judiciaire, totalement isolé des deux précédents est aussi placé dans une situation qui le protège de toute influence extérieure.

Au final, cette Constitution de 377 articles qui devait ouvrir une nouvelle ère constitutionnelle pour la France, ne durera que quatre ans. L’absence de toute instance de contrôle de constitutionnalité des lois, une séparation trop stricte des pouvoirs et l’impossibilité de déterminer clairement une hiérarchie des pouvoirs, sont les trois facteurs essentiels qui conduiront au coup d’Etat du 18 Brumaire an VIII et à une victoire éclatante de l’exécutif sous le Premier Empire.

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