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Droit International Et Action Diplomatique: le cas de la France

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Par   •  11 Septembre 2014  •  6 276 Mots (26 Pages)  •  1 068 Vues

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Droit international et action diplomatique Le cas de la France

Gilbert Guillaume *

Introduction

En vue de traiter des relations entre droit international et action diplomatique dans le cas de la France, il convient au préalable de décrire brièvement l’organisation gouvernementale en ce domaine.

Celle-ci remonte à plusieurs siècles, puisque le poste de jurisconsulte auprès du ministère des Affaires étrangères fut créé par Louis XIV lors du rattachement de l’Alsace à la France. A cette époque en effet se sont posés à l’administration des problèmes de droit d’Empire que les bureaux de Versailles n’étaient pas en mesure d’aborder. Un juriste originaire de ces régions fut désigné pour se pencher sur ces questions au sein du département des Affaires étrangères.

La charge ainsi créée resta dans la même famille au XVIIIème siècle. Elle disparut avec la Révolution et il fallut attendre la fin du XIXème siècle pour que la fonction et l’emploi réapparaissent. Cette renaissance coïncida avec le développement du droit international public positif et le renouveau de son enseignement devenu obligatoire dans toutes les facultés. En août 1890 était nommé un jurisconsulte-conseil auprès du Ministère des Affaires étrangères.

La fonction fut pendant des décennies occupée à temps partiel par des universitaires ou des avocats qui venaient à leur bureau une ou deux fois par semaine pour donner les avis qui leur étaient demandés. Cette formule était adaptée à la vie internationale telle qu’elle se présentait avant la seconde guerre mondiale, époque où la plupart des problèmes diplomatiques touchaient aux relations bilatérales entre un nombre limité d’Etats. Depuis lors, le développement des organisations internationales, et notamment celui des Nations Unies et des Communautés européennes, l’élargissement de la société internationale et la multiplication des traités ont conduit à une évolution profonde des structures. Au jurisconsulte à temps partiel succéda un jurisconsulte à plein temps, puis un service, et enfin à partir de 1969 une direction des affaires juridiques, comportant un certain nombre de sous-directions et de bureaux. A l’heure actuelle, cette direction compte une soixantaine d’agents dont 25 de catégorie A et 35 de catégorie B (personnel de soutien, secrétariat, bibliothèque, bureau d’ordre, etc.).

La direction ainsi constituée est autonome et placée au sein du ministère sur le même pied que la direction des affaires politiques, la direction des affaires économiques et financières ou les directions géographiques. Elle est rattachée directement au secrétaire général et au cabinet du Ministre. Elle se trouve de ce fait dans une position de parfaite indépendance vis-à-vis des autres directions et est par suite en mesure de faire valoir directement son point de vue auprès des autorités compétentes du ministère, voire auprès du Ministre lui-même.

Au plan des structures, la situation apparaît donc satisfaisante (sous réserve des inévitables problèmes de personnel et de budget). Reste à s’interroger d’une part sur les attributions en droit (I) et d’autre part sur le rôle de fait de la direction des affaires juridiques (II) et, par voie de conséquence, sur l’influence du droit international sur l’action diplomatique de la France (III).

* Juge à la Cour internationale de Justice, ancien Directeur des affaires juridiques au Ministère français des Affaires étrangères.

2 EJIL (1991) 136

Droit international et action diplomatique

I. Les attributions de droit

Au plan des compétences, la direction des affaires juridiques remplit au sein du Quai d’Orsay trois fonctions distinctes: celle de conseil, celle d’agent au contentieux et celle d’interprète des traités.

A. La fonction de conseil

La fonction de conseil est rappelée dans le texte même qui détermine la compétence de la direction:

Celle-ci donne son avis au Ministre des Affaires étrangères, à son cabinet et à toutes les directions et services du ministère sur tous les problèmes juridiques que peut soulever l’activité diplomatique de la France, ainsi que sur les diverses questions de droit que pose le fonctionnement du département.

Cette activité porte donc sur deux catégories de problèmes de droit: d’une part les diverses questions de droit international public ou privé nées de l’activité diplomatique, d’autre part les problèmes variés résultant du fonctionnement même du ministère (par exemple en ce qui concerne la gestion du personnel ou celle des immeubles utilisés par le département).

Seule la première catégorie de problèmes nous intéresse ici. A cet égard trois questions se posent. A qui la direction donne-t-elle ses avis? Sur quelles bases? Selon quelles procédures?

1. A qui la direction donne-t-elle ses avis? En principe, comme nous l’avons dit, au Ministre des Affaires étrangères et à son cabinet, comme aux directions et services compétents du Quai d’Orsay.

Cette solution serait parfaitement satisfaisante si le Ministère des Affaires étrangères était le seul à intervenir dans les relations internationales.

Or il n’en est rien et la politique étrangère de la France, comme ses relations dans des domaines techniques de plus en plus nombreux, font intervenir de nombreuses administrations autres que le Quai d’Orsay. La question se pose dès lors de savoir comment le droit international public est pris en considération par ces administrations dans leur activité journalière.

La situation est à cet égard très variable. A une extrémité du spectre se situe le ministère de la Coopération. En ce qui le concerne, les textes applicables précisent en effet que la direction des affaires juridiques du Quai d’Orsay est compétente. Elle constitue donc un service commun aux deux départements ministériels, et par voie de conséquence, un membre de la direction participe à la négociation des accords avec les pays africains.

A l’autre extrémité, se situent certains ministères qui estiment bénéficier en leur sein des compétences juridiques requises et ont par suite tendance à agir de manière autonome. C’est ainsi que le ministère de la Justice dispose de juristes en de nombreux domaines relevant essentiellement du droit international privé. Le problème est en pareil cas pour le Ministère des Affaires étrangères de demeurer informé des négociations en cours, de manière à pouvoir

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