Une entreprise gérant un SPIC est-elle une entreprise ordinaire ?
Dissertation : Une entreprise gérant un SPIC est-elle une entreprise ordinaire ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Chachou0203 • 28 Février 2017 • Dissertation • 2 519 Mots (11 Pages) • 1 535 Vues
Sujet : Une entreprise gérant un SPIC est-elle une entreprise ordinaire ?
« Le service public industriel ou commercial n’est, rappelons-le encore, qu’un moyen par lequel la puissance publique entend répondre à un besoin d’intérêt général, et qu’elle choisit lorsque les procédés du droit public lui paraissent mal adaptés à la tâche qui lui incombe ». Dans les conclusions du commissaire du gouvernement Laurent, est explicité la nature du régime juridique du SPIC : en plus d’être de nature privée, la jurisprudence et le droit positif conduisent à définir la nature de ce service par « l’adjonction de la notion d’entreprise, inséparable du service industriel ou commercial ».
Selon l’approche juridique du terme, une entreprise est un ensemble de moyens, de projets, de lieux de décision et de gestion économique. L’entreprise définie sous cet angle n’a stricto sensu, c’est à dire aucune consistance ni réalité : l’entreprise ne fait pas l’objet d’une définition juridique unique. Il s’agit d’une notion mouvante dont la nature varie en fonction de la branche du droit dans laquelle elle est considérée. Dans l’intérêt du sujet, l’entreprise est perçue comme une entreprise privée. Dans ce cas-là, il s’agit d’une affaire agricole, commerciale ou industrielle, dirigée par une personne publique ou physique privée en vue de produire des biens ou services pour le marché. Un SPIC, ou service public industriel et commercial, est en France une forme de gestion de service public soumise principalement aux règles de droit privé et à la compétence du juge judiciaire. En reprenant sa définition jurisprudentielle, il s’agit d’un service public économique soumis à une gestion privée. Les deux notions ci-dessus définies sont liée par le participe présent du verbe gérer, soit ici l’action d’assurer la gestion, l’administration d’un SPIC. La question est donc de savoir si l’entreprise qui assure la gestion d’un SPIC est une entreprise « normale », conforme à celles qui n’en gèrent pas, conforme à l’ordre établi, soumise au droit privé.
Si un public utility britannique est un service marchand presque comme les autres, il a la particularité de mettre davantage en jeu l’intérêt collectif. De même, un service public industriel et commercial est un service différent des autres : engageant l’intérêt général, il ne peut être commercialisé selon les voies ordinaires et il est assujetti à un fort contrôle de l’état.
L’apparition des SPIC est l’aboutissement d’un long processus de reconnaissance des cas de gestion privée dans l’action administrative. Après l’arrêt Blanco de 1873, dont les conclusions du commissaire du gouvernement David expriment implicitement cette idée, les services publics évoluaient dans un régime juridique exorbitant du droit commun. Historiquement, la soumission au droit privé est présentée comme une sanction pour les personnes publiques qui ont exploité « dans les mêmes conditions qu’un industriel ordinaire » un service public, leur faisant ainsi perdre leur privilège de juridiction et de droit selon les conclusions du haut-commissaire du gouvernement Matter dans l’arrêt du tribunal des conflits de 1921, Société commerciale de l’Ouest Africain. La notion même de SPIC apparaît sous la plume du Conseil d’État dans l’arrêt du 23 décembre 1921, Société générale d’armement. Utilisé comme critère de répartition des compétences juridictionnelles, la définition de service public est apparue lors de la dissociation entre les pouvoirs publics et les activités de service public qui s’est faite en deux sens : des personnes privées se sont vues reconnaître la possibilité d’exécuter des missions de service public et l’administration s’est vue reconnaître la possibilité d’exercer des missions de service public comparables à des activités commerciales qui pourraient être entreprises par des personnes privées.
Dans l’arrêt de 1921, Société commerciale de l’Ouest Africain, plus connu sous le nom de Bac d’Eloka, il est reconnu pour la première fois que l’administration peut avoir une activité industrielle et commerciale, ce qui a pour conséquence une large application du droit privé à des pans entiers de l’administration. Le commissaire du gouvernement va alors parler de service public qui serait comparable à celui des entreprises privées et qui pourrait être pris en charge par des pouvoirs publics, mais de manière occasionnelle parce qu’aucun particulier n’a voulu exercer cette activité. Le tribunal des conflits estime que le juge judiciaire est compétent car ce service fonctionnait dans les mêmes conditions qu’une entreprise privée. Néanmoins, un SPIC reste assujetti au pouvoir de l’État car il engage l’intérêt général.
S’interroger sur le caractère ordinaire ou non d’une entreprise gérant un SPIC c’est tenter de faire la lumière sur l’application du régime juridique qui sera le plus adéquat au vu de sa gestion. Même si les SPIC engagent l’intérêt général et comporte une part de droit public, ils restent de nature privée régis par le droit privé. Une entreprise gérant un SPIC reste une entreprise mais passe d’un statut « ordinaire » à « spéciale » puisque cette gestion recouvre des exceptions dont la nature relève de l’exorbitance du droit commun.
Si par la qualification « ordinaire » il est entendu que la nature du régime juridique de l’entreprise est privée, les conséquences attachées à cette notion de SPIC remettent elles-en cause la nature « privée » de l’entreprise ?
- Le régime juridique des SPIC : des missions de service public comparables à des activités commerciales
Les SPIC ont un régime propre qui relève du droit privé (A) confortant ainsi l’idée qu’une entreprise qui en gère un reste semblable à une entreprise « ordinaire » (B).
- Le régime juridique des SPIC : la soumission d’un régime juridique propre au droit privé
Le concept de « services publics industriels et commerciaux » est une spécificité française, qui dérive de la distinction faite parmi les services publics entre les SPIC et les SPA, service public administratif.
Cette distinction est très importante tant pour le juge administratif que judiciaire car elle permet de déterminer la compétence juridictionnelle. Dans l’arrêt du tribunal des conflits Société commerciale de l’Ouest Africain de 1921, cette distinction entre deux catégories de services gérés par une puissance publique est établie : certains seraient de « l’essence même de l’État ou d’une administration publique » alors que certains seraient comparables à celles des entreprises privées et pourraient être pris en charge par des pouvoirs publics mais de manière « occasionnelle » et « accidentelle » pour reprendre les mots de Matter, parce qu’aucun particulier n’a voulu exercer cette activité. Dans cet arrêt, le tribunal des conflits estime que le juge judiciaire est compétent car ce service fonctionnait dans les mêmes conditions qu’une entreprise privée. Depuis l’arrêt Caisse primaire Aide et protection de 1938, il est admis qu’en dehors même du procédé de la concession, un service public peut être géré par une personne privée quand elle y est habilitée unilatéralement. Ce mode de gestion est devenu de nos jours, banal, et concerne aussi bien le SPA que le SPIC.
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