TC, 14 octobre 2014, SA AXA France IARD, n°3963
Commentaire d'arrêt : TC, 14 octobre 2014, SA AXA France IARD, n°3963. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar flavien13 • 13 Octobre 2019 • Commentaire d'arrêt • 4 292 Mots (18 Pages) • 2 612 Vues
Commentaire d’arrêt
Document 6 : TC, 14 octobre 2014, SA AXA France IARD, n°3963 :
Dans son traité de la juridiction administrative, Edouard Laferrière a pu dire que « la matière des contrats est peut-être celle où les règles de compétence sont les plus complexes ». En effet, dans le silence de la loi, c’est au juge qu’est revenu la mission d’apprécier de la nature juridique des contrats. Pour cela, la jurisprudence a dégagé à travers le temps des critères pour distinguer la nature des contrats. L’arrêt commenté est une illustration de cette démarche opérée par le juge.
Par un contrat conclu le 5 octobre 2005, une commune, personne morale de droit public, donne a bail pour une durée de soixante-dix-neuf ans et un loyer d’un euro à une association, personne morale de droit privé, un ensemble immobilier destiné à la pratique de l’aviron dont elle est propriétaire et sur lequel elle s’est engagée à réaliser différents travaux de réhabilitation. Mais un incendie survenu le 25 octobre de la même année détruit le bâtiment objet du contrat. La commune reçoit en dédommagement 4 millions d’euros de la part de son assurance : la société Axa France IARD (société AXA).
La société AXA France IARD, personne morale de droit privé, engage alors une action directe contre la Mutuelle Assurance des Instituteurs (MAIF), personne morale de droit privé également, et assureur de l’association.
Par une ordonnance du 9 octobre 2008, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Créteil a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la MAIF.
La Cour d’appel de Paris, par un arrêt du 1er juin 2010, estime qu’il revient à la société AXA de saisir la juridiction administrative pour déterminer les responsabilités dans l’incendie qui a détruit le bâtiment objet du contrat conclu entre la commune et l’association. La Cour d’appel sursois à statuer réciproquement sur l’action engagée par la société AXA contre la MAIF.
La société AXA se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 1er juin 2010. La Cour de cassation ne fait cependant pas droit à la demande de la société AXA et décide du rejet de son pourvoi par un arrêt du 16 mai 2012. Elle estime en effet que le contrat en question est un contrat administratif.
La société AXA décide alors de saisir le Tribunal administratif de Melun, lequel estime que le contrat en question n’est pas un contrat administratif. Que par un jugement du 12 février 2014, ce dernier décide de saisir le Tribunal des conflits afin de décider de la question de la compétence.
Le problème qui se pose en l’espèce est donc un problème de compétence juridictionnelle. Il s’agit de déterminer en effet la juridiction compétente pour connaitre d’un contrat par lequel une commune donne à bail à une association un ensemble immobilier destiné à la pratique de l’aviron. En réalité, il revient au Tribunal de déterminer la nature du contrat. Effectivement, puisque la compétence suit le fond, il s’agit plutôt pour le tribunal de déterminer la nature du contrat car en découlera le droit applicable et le juge compétent. En l’espèce donc, le Tribunal devra se demander si un contrat par lequel une commune donne à bail à une association un ensemble immobilier destiné à la pratique de l’aviron peut-être qualifié ou non de contrat administratif. Qu’est-ce qui justifie alors que le contrat en question ne soit pas un contrat administratif selon le Tribunal des conflits ?
Le raisonnement du juge semble pouvoir être retracé comme suit :
Le contrat peut-il être qualifié d’administratif par détermination de la loi ? En l’espèce, le Tribunal des conflits estime qu’il ne peut être qualifié de contrat administratif par détermination de l’article L. 2331-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP - CG3P).
Le contrat peut-il être qualifié d’administratif selon les critères jurisprudentielles ? En l’espèce, le contrat litigieux ne comporte aucune clause qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, implique, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs.
Afin donc de déterminer la nature du contrat, le Tribunal s’attache tout d’abord à regarder la nature du contrat en usant des dispositions législatives (I), puis en usant des critères de la jurisprudence (II).
I. La vérification minutieuse du domaine législatif dans l’appréciation de la nature du contrat
Le Tribunal des conflits va d’abord s’attacher à vérifier la nature du contrat selon la loi, tout d’abord en regardant si celui-ci peut être concerné par le domaine public (A), puis en regardant s’il peut faire l’objet d’un bail emphytéotique administratif (B).
A. L’élimination classique mais pertinente du critère du domaine public dans le cadre de l’article L. 2331-1 du CGPPP
En l’espèce le juge estime dans son considérant 2 : « que si l'ensemble immobilier donné à bail par la commune de Joinville- le-Pont a été spécialement aménagé pour la pratique d'activités sportives, il ne résulte pas de cette seule circonstance qu'il appartiendrait au domaine public de la commune, une telle appartenance étant en outre subordonnée à la condition que le bien en cause soit affecté à l'usage direct du public ou à un service public ». De ce fait et comme le juge le rappel, ce dernier va en effet vérifier l’existence de l’usage direct du public dans un premier temps, puis du critère du service public dans un second temps pour caractériser l’absence en l’espèce du critère de domaine public. En effet, si le juge caractérise l’existence d’un contât portant occupation du domaine public, ce contrat sera porté considéré comme administratif par rapport au domaine législatif selon l’article L. 2331-1 du CGPPP. Mais d’abord devons-nous définir la notion de « domaine public » afin d’analyser le raisonnement du juge. Pour cela, nous pouvons prendre par exemple la définition qu’en a fait le projet de la Commission de réforme du Code civil de 1947 et qui définit la domanialité publique comme « l’ensemble des biens des collectivités publiques et établissements publics qui sont soit mis à la disposition directe du public usager soit affectés à un service public ». Le juge
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