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Succession : caducité de l'offre en cas de décès de l'offrant

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Par   •  29 Octobre 2015  •  Fiche de lecture  •  5 462 Mots (22 Pages)  •  3 875 Vues

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Chronique de jurisprudence de la Cour de cassation – Isabelle Darret-Courgeon – Isabelle Guyon-Renard – D. 2014. 1715

7 - Succession : caducité de l'offre en cas de décès de l'offrant

L'offre qui n'est pas assortie d'un délai est caduque par le décès de celui dont elle émane avant qu'elle ait été acceptée. - Civ. 1re, 25 juin 2014, n° 13-16.529, FS-P+B+I (cassation partielle) : D. 2014.1449, et 1574, note A. Tadros.


Les faits sont les suivants : deux frères étaient propriétaires indivis d'immeubles provenant de la succession de leur père. Par acte sous seing privé, l'un d'entre eux a « déclaré vendre » à l'autre sa part indivise. Il décède quelques mois plus tard, laissant pour lui succéder deux enfants. Des difficultés se sont élevées entre eux quant au sort des biens, leur oncle prétendant en être entier propriétaire pour avoir acquis la part indivise de leur père.


Il avait été jugé par un premier arrêt définitif que l'acte litigieux constituait une offre de vente qui n'avait pas été acceptée avant le décès de son auteur.


Le pourvoi critiquait l'arrêt en ce qu'il a décidé que l'offre était caduque et qu'en conséquence les biens faisaient partie de la succession du défunt, et a refusé la demande d'attribution préférentielle que son frère avait formée.


La question essentielle, posée par la première branche du premier moyen du pourvoi, est celle de savoir si la volonté du défunt de proposer de contracter lui survit et, dès lors, si ses héritiers sont engagés par l'effet de la saisine.


Elle donne l'occasion à la haute juridiction de l'envisager sous un angle plus large que celui des précédents rendus en matière de droit de préemption applicable aux fonds ruraux, celui de la transmission successorale(14).


Faut-il privilégier la nature de l'offre, un acte unilatéral, qui tire sa force obligatoire de son acceptation et ne peut perdurer que par la volonté de son auteur, ou la responsabilité du pollicitant, qui peut être engagée s'il retire son offre dans un délai déraisonnable, pour en déduire que l'obligation de maintenir l'offre serait alors transmise en cas de décès de celui-ci ?


La haute juridiction a tranché dans le sens de la caducité de l'offre en cas de décès du pollicitant, la cour d'appel ayant souverainement apprécié que le délai qui s'était écoulé entre l'offre et le décès avait été suffisamment long pour permettre au bénéficiaire de l'accepter.


Cette solution présente l'avantage de ne pas placer les héritiers, qui peuvent légitimement ignorer l'existence de l'offre émise, dans la situation d'être tenus par une simple proposition de contracter, alors qu'elle aurait pu être révoquée par son auteur à tout moment de son vivant, en l'absence de délai fixé pour l'accepter.

I. G.-R.

Recueil Dalloz 2014 p. 1574

Retour sur la nature juridique de l'offre

Antoine Tadros, Professeur à l'Université de Picardie - Jules Verne

Alors que la réforme du droit des contrats semble imminente, on ne peut qu'espérer que certaines notions gagneront en clarté au moment de la modification effective du code civil. Tel est le sentiment qu'inspire l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 25 juin 2014(1) à propos d'une notion essentiellement jurisprudentielle : l'offre de contracter.


Par acte unilatéral sous seing privé du 22 juillet 2005, un homme a « déclaré vendre » à son frère la moitié indivise d'immeubles qu'ils ont recueillis dans la succession de leur père. Le « déclarant » est décédé le 6 novembre 2005 laissant pour héritiers deux enfants. Des difficultés sont alors apparues entre ces derniers et leur oncle, lequel a prétendu être devenu plein propriétaire des immeubles litigieux après avoir acquis la quote-part indivise du de cujus.


C'est dans ces circonstances que le litige a été porté à la connaissance des tribunaux.


Les juges du fond ont considéré que l'offre de vente du 22 juillet 2005 était devenue caduque au décès du pollicitant et, qu'en conséquence, les immeubles litigieux faisaient partie de la succession du pollicitant. Par ailleurs, la cour d'appel a débouté le frère dude cujus de sa demande d'attribution préférentielle des immeubles litigieux en relevant d'office que le montant de la soulte ne pouvait être déterminé faute de connaître la valeur des biens et que le demandeur n'avait fourni aucun élément permettant de savoir s'il était en mesure de régler ladite soulte.


C'est contre cette solution que le frère du de cujus a formé un pourvoi en cassation composé de deux moyens.


Aux termes du premier moyen, il était reproché à la cour d'appel d'avoir considéré l'offre caduque alors que le décès de l'offrant ne peut être regardé comme une cause de caducité de l'offre, et que cela est d'autant plus vrai lorsque les pourparlers ont atteint un stade avancé.


Le second moyen concernait une question de procédure civile et ne retiendra en conséquence pas notre attention si ce n'est pour indiquer qu'il est à l'origine d'une cassation partielle de l'arrêt de la cour d'appel.


La Cour de cassation était donc invitée à répondre à la question suivante : une offre de contracter devient-elle caduque du seul fait du décès du pollicitant ?


La haute juridiction a commencé par rappeler que « l'offre qui n'est pas assortie d'un délai est caduque par le décès de celui dont elle émane avant qu'elle ait été acceptée ». Elle a ensuite indiqué « qu'ayant relevé qu'aucun délai de validité de l'offre n'avait été fixé la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, en a, à bon droit, déduit que l'offre était caduque en raison du décès de Philippe X (l'offrant) ». Les hauts magistrats ont ainsi considéré que le moyen n'était pas fondé. Ce n'est pas dire que le pourvoi a été rejeté. En effet, l'arrêt de la cour d'appel a fait l'objet d'une cassation partielle au visa de l'article 16 du code de procédure civile motif pris que les juges du fond ont rejeté la demande d'attribution préférentielle sur un moyen relevé d'office « sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ». Toutefois, seule nous retiendra ici la partie de la décision relative à l'offre de contracter.

Le décès de l'offrant conduit à constater la caducité de l'offre, mais seulement si cette offre n'est pas assortie d'un délai. En effet, la solution est différente si le destinataire bénéficiait d'une certaine durée pour accepter la pollicitation. On en déduit que la conception de l'offre est dualiste en droit français (I). A l'heure où les projets de réforme du droit des obligations se multiplient et pourraient enfin se concrétiser, la question du maintien de cette conception jurisprudentielle de l'offre ne peut être écartée (II).

I - La conception dualiste de la notion d'offre

Le régime de la caducité de l'offre en raison du décès du pollicitant est plus complexe qu'il n'y paraît de prime abord. L'absence de délai encadrant l'acceptation auquel la Cour de cassation fait référence dans la décision n'est pas anodine. En effet, le sort de l'offre en raison du décès de l'offrant est différent suivant que l'offre est assortie ou non d'un délai. En l'absence de délai, la Cour rappelle dans l'arrêt commenté que l'offre est caduque(2), laissant ainsi entendre que la solution pourrait être différente en présence d'un délai. Effectivement, la Cour de cassation considère que lorsque l'offre est assortie d'un délai, elle n'est pas affectée par le décès de son auteur et se transmet ainsi aux héritiers(3). On en déduit que la nature juridique de l'offre serait influencée par l'existence ou non d'un délai. Assortie d'un délai, l'offre serait assimilée à un acte juridique transmissible en tant que tel aux héritiers en vertu de l'article 1122 du code civil ; la pollicitation ne serait qu'une simple volition intimement liée à son auteur et donc intransmissible en cas de décès si elle n'est pas assortie d'un délai. Que penser d'une telle distinction ?


A première vue, elle est pour le moins curieuse. Il est rare dans notre droit de constater une différence de nature juridique d'une opération en fonction du point de savoir si cette opération est ou non insérée dans un cadre temporel déterminé. Le contrat en fournit certainement l'exemple le plus significatif : nul ne songe à discuter la qualification d'un contrat en acte juridique en fonction du point de savoir s'il est à durée déterminée ou indéterminée. Pourquoi en irait-il différemment pour l'offre ? La doctrine s'est employée à répondre à cette question et certains auteurs ont fourni une explication qui permet de donner une légitimité à la distinction réalisée par la jurisprudence quant au sort de l'offre en cas de décès du pollicitant suivant qu'elle est ou non assortie d'un délai.


Pour comprendre le raisonnement mené, il convient de rappeler que la qualification de l'offre en acte juridique suppose que l'on reconnaisse l'existence de l'engagement unilatéral de volonté. Or une telle reconnaissance n'est pas évidente. Classiquement, pour qu'un engagement juridique naisse de la volonté, il faut une volonté de s'engager et une acceptation de l'engagement pris par celui qui en profite. On en déduit que l'engagement unilatéral de volonté est à tout le moins résiduel en droit français(4). En principe,une déclaration unilatérale de volonté n'engage pas son auteur. Ainsi, en principe, l'offre ne saurait être analysée comme un acte juridique. Mais, comme tous les principes, celui-ci admet des exceptions. Cette exception prendrait corps, serait commandée par les besoins du commerce, par la sécurité juridique des transactions(5). L'offre nécessiterait d'être maintenue, même en cas de décès de l'offrant, lorsqu'elle est adressée à personne déterminée et qu'elle comporte un délai. Dans cette hypothèse, le destinataire de l'offre doit pouvoir croire qu'en cas d'acceptation dans le délai indiqué, le contrat sera formé. Quant aux autres offres, elles ne seraient que de simples faits juridiques intransmissibles à cause de mort(6).


Ainsi expliquée, la dualité de la notion d'offre semble avoir un sens en droit français, mais elle semble seulement. En effet, la comparaison entre la révocation de l'offre sans délai et la caducité de l'offre sans délai en raison du décès du pollicitant soulève une nouvelle difficulté. Lorsque l'offre est réalisée sans délai, la Cour de cassation considère que l'offrant ne peut la révoquer sans avoir respecté un délai raisonnable. Concrètement, l'interprétation souveraine de la volonté de l'offrant par les juges du fond doit les conduire à découvrir un délai implicite d'acceptation, d'une durée fixée à ce qui apparaît comme « raisonnable » en fonction des circonstances(7). Comme l'a fait remarquer le professeur Deshayes, la découverte d'un délai raisonnable remet en cause la distinction des offres avec délai et des offres sans délai ; toutes les offres seraient assorties d'un délai explicite ou implicite (cas du délai raisonnable)(8). On en vient alors à se demander pourquoi ce délai raisonnable ne pourrait pas jouer un rôle en cas de décès de l'offrant. De la même manière que la révocation ne peut intervenir avant l'expiration du délai explicite ou implicite, ne faudrait-il pas considérer que le décès de l'offrant n'est pas, en soi, une cause de caducité de l'offre, celle-ci pouvant encore être acceptée par le destinataire si le délai explicite n'est pas écoulé - ce qui est la solution en droit positif - ou si un délai raisonnable n'est pas encore écoulé - ce qui n'est pas la solution en droit positif. Une telle proposition aurait le mérite, d'une part, d'unifier la nature juridique de l'offre. Il s'agirait en toute hypothèse d'un acte juridique transmissible en tant que tel aux héritiers. Elle aurait le mérite, d'autre part, d'en finir avec des distinctions subtiles qui nuisent fortement à l'accessibilité du droit, thème cher au législateur contemporain à en juger par les différentes lois de simplification du droit qui se sont succédé ces dix dernières années. Ces deux raisons suffisent pour s'interroger sur le sort de cette conception dualiste de la notion d'offre alors que la réforme du droit des contrats est peut-être pour demain.

II - L'avenir incertain de la conception dualiste de la notion d'offre

Au moment où l'on ne s'interroge plus sur le principe d'une réforme du droit des contrats, mais simplement sur la date de celle-ci, la question du sort du régime juridique de la formation du contrat est de celles qui attisent de vives discussions. Le code civil est totalement silencieux sur la phase de formation du contrat. Le régime des pourparlers, de l'offre, de l'acceptation est essentiellement jurisprudentiel. Le code civil doit évoluer sur ce point. Comme on a pu le faire remarquer : « Le contraste est saisissant avec le luxe de détails dont font preuve le législateur français contemporain, notamment dans le domaine des contrats de consommation, et les projets d'harmonisation européenne du droit des contrats qui, eux, régissent avec une extrême minutie les différentes étapes qui conduisent de la simple intention de contracter à la conclusion de l'accord définitif »(9). Sans doute est-ce la raison pour laquelle les avant-projets de réforme du droit des obligations en France se sont attachés à régir avec un soin particulier la rencontre des volontés. Dès lors, la question mérite d'être posée : la décision rendue par la Cour de cassation aurait-elle pu être identique sous l'empire des propositions connues de réforme du droit des contrats ?


On peut d'abord s'interroger au regard de l'avant-projet de réforme dirigé par Pierre Catala et remis au garde des Sceaux le 22 septembre 2005. Il s'avère que la solution de la Cour de cassation n'aurait pas souffert la critique à la lumière de ce texte. En effet, aux termes des articles 1105-3 et 4 de ce dernier, il s'avère que l'offre est caduque par le décès de l'offrant avant l'acceptation. L'offre semble ainsi considérée par principe comme un fait juridique. L'état du droit positif ne serait pas bouleversé par l'adoption de cet avant-projet puisque le texte prévoit, à titre d'exception, que la caducité est écartée lorsque l'offre est assortie d'un délai. L'ambiguïté quant à la nature de l'offre demeure donc. Tout au plus peut-on dire que l'offre y est considérée par principe comme un fait juridique et par exception comme un acte juridique.

On peut ensuite confronter l'état de la jurisprudence sur l'offre au projet de réforme de l'Académie des sciences morales et politiques dirigé par le professeur Terré ainsi qu'au projet de la Chancellerie(10). Dans ces derniers, l'offre devient caduque par le décès de l'offrant qu'elle soit ou non assortie d'un délai(11). On en trouve la justification suivante : « si l'absence d'effet de la révocation peut paraître justifiée au regard de l'engagement de l'offrant et de la confiance qu'il a fait naître chez le destinataire, il en est différemment du décès de l'offrant. Là est précisément toute la particularité de l'offre dont l'engagement peut produire ou non des effets sans le situer au niveau d'un engagement de nature contractuelle »(12). Ainsi, la décision de la Cour de cassation n'aurait pas été différente sous l'empire de ces projets, mais la jurisprudence affirmant que l'offre avec délai continue à produire ses effets malgré le décès de l'offrant ne pourrait être maintenue si l'un de ces projets devait finalement être adopté. Quoi qu'il en soit, on note que la nature de l'offre devient unitaire... mais seulement en ce qui concerne le décès ou l'incapacité de l'offrant. Quant à la révocation, elle n'est pas admise lorsqu'elle intervient dans le délai explicite ou implicite (délai raisonnable), car cette révocation est contraire à l'engagement pris par l'offrant ou l'engagement que le destinataire pouvait légitimement espérer. Où l'on retrouve la nature hybride de l'offre suivant la question posée : si cette question intéresse le décès ou l'incapacité du pollicitant alors l'offre est un fait juridique ; si la question intéresse la révocation de l'offre, alors elle serait, à tout le moins, assimilée à un acte juridique(13).


On terminera ce tour d'horizon par les propositions supranationales. On sait que les projets fleurissent aussi au-delà de nos frontières avec un souci d'harmonisation entre les différents droits des contrats étatiques. Sur la question de la caducité de l'offre en raison du décès du pollicitant, on note, parfois avec regret(14), que Les Principes Lando et les Principes Unidroit ne se prononcent pas. Il ne reste alors que le code Gandolfi, lequel a pour ambition de proposer un code européen des contrats, qui envisage l'hypothèse. On notera que ce texte se prononce en faveur de l'efficacité de l'offre malgré le décès ou l'incapacité de l'offrant, « sauf si cela est justifié par la nature de l'affaire ou par les circonstances » (art. 18). On serait ainsi en présence d'une offre assimilée à un acte juridique, sauf circonstances particulières, lesquelles restent à définir. Là encore, la conception dualiste de l'offre refait surface, moyennant l'interversion du principe et de l'exception : par principe, l'offre serait un acte juridique, par exception, elle ne suivrait pas le régime des actes juridiques.


Les discussions sur la nature et, en conséquence, sur le régime juridique de l'offre promettent d'être vives, le cas échéant, si cette question doit être débattue en vue de la modification effective du code civil tant les opinions divergent sur ce qu'est une offre de contracter. La complexité des solutions proposées invite à réfléchir à une véritable unité de la notion d'offre. L'accessibilité du droit et la sécurité juridique des transactions auraient beaucoup à y gagner.

Mots clés :
VENTE * Formation * Offre de vente * Absence de délai de validité * Décès de l'offrant * Caducité 


(1) A paraître au Bulletin ; D. 2014. 1449.

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