Repenser Les Relations Entre La Belgique Et La R.D. Congo
Mémoire : Repenser Les Relations Entre La Belgique Et La R.D. Congo. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Tovo • 19 Juin 2014 • 2 114 Mots (9 Pages) • 927 Vues
Repenser les relations entre la Belgique et la R.D. Congo ( Kä Mana)
Tous ceux qui connaissent à fond l’histoire des relations politiques entre la Belgique et la République démocratique du Congo ont dû sans doute sourire à l’annonce de la nouvelle du rappel à Kinshasa de notre ambassadeur à Bruxelles. Ils ont dû sans doute replonger dans la mémoire tumultueuse des crises multiformes entre le gouvernement belge et le gouvernement congolais depuis l’indépendance de notre pays. Face à ce que nous avons vécu dans le passé lointain ou récent, sur le mode de l’alternance de longues périodes de calme avec des courtes périodes de tension et d’orage qui finissent toujours par s’apaiser, ils n’ont pas pu ne pas se dire que les turbulences liées aux déclarations intempestives de Karel de Gucht sur la néo-colonie que nous sommes ne représentent qu’une tempête dans un verre d’eau. Un coup d’épée dans le vide. Une petite montée de fièvre qui se calmera comme se sont calmées les précédentes périodes de crise, sous la pression des intérêts de nos deux nations qui ne peuvent, d’un côté comme de l’autre, se permettre une rupture réelle et profonde de nos relations diplomatiques.
Si l’on veut donner une certaine signification à la crise actuelle, il n’est pas utile de la prendre comme un événement politique de première importance qui aurait des conséquences fracassantes sur notre présent et notre avenir. Elle ne l’est pas. Il convient plutôt de la prendre pour une occasion, profondément propice, de repenser les principes qui régissent et structurent les liens entre le gouvernement belge et notre gouvernement, et plus globalement, entre notre peuple et le peuple belge.
LA LONGUE MEMOIRE DES RELATIONS POLITIQUES BELGO-CONGOLAISES
Pour repenser ces liens belgo-congolais, nous devons prendre au sérieux l’affirmation qui a mis le feu aux poudres de la susceptibilité des dirigeants de notre pays, quand ils ont appris que le bouillant et comique ministre belge Karel de Gucht s’arroge un devoir moral et un droit de regard de la Belgique sur tout ce qui se déroule en République démocratique du Congo, particulièrement sur la manière dont la « néo-colonie » congolaise est politiquement et économiquement gérée.
Répondre à cette prétention par l’énervement et la colère, ou par un futile complexe de la grenouille qui se gonfle et se met à croasser face au bulldozer pour affirmer son « indépendance» et son inaliénable « souveraineté », ne sert de rien. Il ne s’agirait là que d’un signe d’immaturité de la part d’une classe dirigeante qui devrait plutôt, si elle était tant soit peu intelligente, garder son calme et sa sérénité, réfléchir sur le sens de ce qui est dit et réagir avec lucidité pour se remettre en question et imaginer une transformation radicale du type de relation qui nous arrime à la vie politique belge. Ces relations, incroyablement bizarres, qui poussent un ministre belge à dire ce qu’il a dit, et qu’il ne cesse de dire depuis un certain temps, concernant la gouvernance globale mise en œuvre en RDC.
Que dit, en fait, le ministre Karel De Gucht ? Des vérités d’une affligeante banalité pour ceux qui connaissent l’histoire des liens entre le Royaume de Belgique et notre pays, pour ceux qui savent que la situation que nous vivons depuis notre « indépendance » est une situation d’échec de la colonisation belge et des principes néo-coloniaux qui régissent les relations entre nos deux nations.
De mon point de vue, le devoir moral de la Belgique à l’égard du Congo a trait à cet échec. Un échec que tout belge devrait éprouver comme la conséquence tragique d’une politique dont Léopold II et son Etat Indépendant du Congo, tout comme la Belgique dans sa politique coloniale désastreuse et sa gestion actuelle des relations entre son gouvernement et le nôtre, sont historiquement responsables.
Sur ce point, aucun doute n’est permis : la présence belge au Congo a été et est encore, du point de vue congolais, une catastrophe. Je ne parle pas avant tout de « l’holocauste oublié » et du système d’exploitation inhumaine que fut le système léopoldien dans notre pays. Je ne pense pas prioritairement à la manière dont furent orientées l’économie, la politique, l’éducation et la formation des hommes et des femmes du Congo tout au long de l’ère coloniale belge. Je parle de la décision, consciente et mûrie, que les hommes politiques belges prirent en 1960, froidement et cruellement, de nous accorder une fausse indépendance, une coquille politique vide où aucun «transfert de destin » n’eut lieu. L’assassinat de Lumumba et l’avènement de Mobutu furent des crimes contre le Congo et son peuple aux premières heures de notre auto-détermination politique. De ce crime, la Belgique restera toujours comptable et rien ne peut effacer de notre mémoire historique cette responsabilité qui est au cœur de la faillite de notre pays. J’ajoute que le soutien constant et indéfectible des gouvernements belges successifs au règne de Mobutu, dont tous les Belges savaient pourtant qu’il constituait un règne de violence et de sang, demeure l’une des manifestations les plus visibles de ce crime.
Souvent, le grand public belge, et même le public congolais, ont tendance à oublier cette réalité de nos relations. Ils ont tendance à oublier qu’en instaurant l’ère de « l’indépendance » comme l’ère d’une néo-colonie que les Belges et leurs alliés devaient contrôler, on installait à la tête de nos pays des dirigeants dont la gouvernance ne pouvait être qu’une calamité : un mélange de terreur, de corruption, de gabegie, d’incompétence, de désorganisation, de vol généralisé, d’enrichissement sans honte et de destruction à large échelle de tous les intérêts du peuple congolais. De Mobutu à la troisième République, la gouvernance globale du Congo obéit à une logique dont les ressorts profonds sont ceux d’une néo-colonie.
En fait, le Congo auquel Karel de Gucht s’attaque, c’est un Congo qui n’a jamais cessé d’être belge au sens colonial et néo-colonial du terme. Le devoir moral de la Belgique dans ce Congo doit être perçu et interprété comme tel : c’est le devoir de reconnaissance de la responsabilité de la Belgique dans sa colonie devenue aujourd’hui une néo-colonie poudrière. Un pays dont le gouvernement « établi » par les Belges et leurs alliés ne fait qu’appliquer les principes d’une néo-colonie.
Malheureusement, je ne pense pas que Karel De Gucht et tous ceux qui pensent comme lui réfléchissent selon cette interprétation
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