Nation sans état ?
Dissertation : Nation sans état ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Anne Lan • 11 Février 2020 • Dissertation • 1 574 Mots (7 Pages) • 686 Vues
Peut-on penser la Nation sans l’État ? À cette question, la Nation kanake a répondu positivement le 4 novembre 2018. Appelée à se prononcer sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie de l’État français, elle a rejeté ce processus, à une majorité, certes faible, de 54%. Est-ce à dire qu’une Nation peut être pensée sans l’État ? Ou les kanakes ont-ils abandonné, par ce référendum, toute prétention nationale ? C’est là tout l’enjeu de la question.
Une Nation, a, en effet et pour certains, nécessairement vocation à s’organiser sous la forme étatique là où une simple population peut, éventuellement, mais pas nécessairement, trouver son unité dans l’État. La Nation, que l’on retienne la thèse objective allemande (Fichte et Treischke) ou la thèse subjective française (Fustel de Coulanges, Renan), c’est l’identité : l’identité par la géographie, la langue, la religion, l’idéologie ; l’identité par « le désir de vivre ensemble ». La population c’est l’indifférence : c’est une collectivité donnée, dont l’unité peut éventuellement se trouver dans l’État. La population peut ainsi se concevoir sans l’État. C’est toutefois plus discuté en ce qui concerne la Nation, dès lors que parmi les éléments constitutifs d’un État on trouve bien, à côté du territoire et de la puissance publique, une population suffisamment unie pour souhaiter vivre ensemble, c’est-à-dire une Nation. La Nation peut-elle, en conséquence, se concevoir sans l’État ? C’est la première question qui se cache derrière le sujet de la possibilité de penser la Nation sans l’État. Mais ce dernier ne s’y résume pas. Si « penser » c’est effectivement « concevoir par l’esprit, par l’intelligence », « élaborer des théories », c’est aussi « avoir une opinion », « avoir pour conviction ». Interroger la possibilité de penser la Nation sans l’État revient en réalité à se poser deux questions. La théorie de la Nation peut-elle être conçue sans la vocation de cette dernière à se structurer sous la forme étatique ? Peut-on défendre l’idée qu’une Nation peut perdurer sans devenir un État autonome ?
De telles interrogations présentent un intérêt théorique immédiat. Il s’agit de tenter de saisir les liens entre phénomène sociologique que constitue la Nation et le phénomène juridique que constitue l’État. Mais l’intérêt d’un tel sujet est, surtout et avant tout, pratique. Il permet de comprendre et d’éclairer nombre de situations politiques, actuelles ou passées : Pourquoi la population arabe d’Israël a-t-elle protesté lorsque la Knesset a approuvé le 19 juillet 2018 un projet de loi tendant à affirmer qu’ « Israël est l’État-nation du peuple juif dans lequel il réalise son droit naturel, culturel, historique et religieux à l’autodétermination » ? Pourquoi est-il aussi compliqué pour la Nation catalane d’obtenir l’indépendance ? Pourquoi constate-t-on autant d’instabilité politique dans certaines régions africaines ? Comment l’État suisse assure-t-il sa pérennité alors qu’il reconnaît trois langues nationales là où la France s’est sentie un temps obligée de créer un ministère de l’identité nationale et de réaffirmer le principe de francité ?
Répondre à ces interrogations nécessite de comprendre ce qui relie l’État et la Nation. Conceptuellement tout d’abord : la Nation a-t-elle besoin de l’État pour se définir ? Politiquement et juridiquement ensuite : la Nation peut-elle exister en ignorant sa vocation à se structurer sous forme étatique ? C’est ainsi qu’il convient d’étudier la possible indifférence de la Nation à l’État.
Peut-on alors penser la Nation sans l’État ? Conceptuellement la réponse est assurément positive, même si elle est débattue (I). La réalité politique, plus qu’une quelconque obligation juridique, témoigne cependant du caractère redoutable d’une telle opinion (II.).
I. La Nation sans l’État : une conception soutenable
Il peut sembler contre-intuitif d’affirmer que la Nation peut se concevoir sans l’État tant le modèle d’État-Nation a pu être mobilisé pour expliquer l’évolution moderne de l’Europe, si ce n’est du Monde. C’est pourtant une certitude dès lors que le concept de la Nation, et en particulier sa définition, est indépendante de la théorie de l’État (A.) et qu’en pratique, Nation et État sont loin de toujours se superposer (B.).
A. Une indépendance conceptuelle théoriquement avérée
Que l’on reprenne les définitions objective ou subjective de la Nation, elles sont, au moins en apparence, indépendantes de toute vocation étatique : la volonté de vouloir vivre ensemble ou l’existence de caractéristiques communes n’appelle pas nécessairement à se structurer sous la forme d’un État. Il ne faut toutefois pas se cacher derrière ces apparences. Ces différentes définitions de la Nation sont presque toutes fondées sur l’idée que l’identité qui permet d’identifier un sentiment national justifie qu’on associe à chaque Nation un État : la théorie de l’État-Nation n’est jamais très éloignée de ces définitions, en témoigne le passage du discours d’Ernest Renan où il affirme qu’ « une nation n’a jamais un véritable intérêt à s’annexer ou à retenir un pays malgré lui ».
Toutefois, et de la même manière
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