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Lecture analytique de « Les Usines », Les Villes Tentaculaires d'Émile Verhaeren

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Par   •  20 Février 2020  •  Guide pratique  •  2 508 Mots (11 Pages)  •  2 962 Vues

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Français : lecture analytique de « Les Usines », Les Villes Tentaculaires d'Émile Verhaeren

Emile Verhaeren, Les Villes Tentaculaires, « Les Usines », 1895

Emile Verhaeren est poète belge qui est né en 1855 et mort en 1916. Il avait 2 ans lorsque Beaudelaire a publié Les Fleurs Du Mal. Dans ses premiers recueils, il traite de sujet urbain, de la vie rurale, de paysage. A partir de 1887, il change ‘esthétique en s’intéressant à la modernité. Parallèlement, c’est un poète qui s’est engagé au côté de socialistes : certains de ces poètes laissent comparaitre la compassion de la misère, de la condition ouvrière. En 1895, il publie Les Villes Tentaculaires, un recueil qui s’intéresse à la modernité urbaine. Cependant, il a un aspect négatif d’un monde moderne. Le poème « Les Usines » est composé de 12 strophes et dresse un tableau menaçant mais néanmoins complet et complexe des faubourgs industriels. L’extrait étudié comprend les quatre premières strophes : les strophes 1 à 3 donne sur une vue générale des usines et la strophe 4 est un élargissement, plan d'ensemble. Quelle image poétique Verhaeren donne-t-il des usines dans ce poème moderne ? Pour répondre à cette question, nous verrons le tableau des usines dépeint par ce poème moderne, puis nous étudierons la portée fantastique et poétique des usines.

I. Un poème moderne qui fait un tableau des faubourgs industriels

1. Un poème moderne par sa forme

Tout d’abord, il s’agit d’un poème en vers libres.

Le mètre n’est pas régulier : par exemple au vers 11 à 12 « Et sur les toits, dans le brouillard, aiguillonnées / De fers et de paratonnerres,».

Les rimes sont parfois disposées de manière classique : ils sont plates au début « fenêtres » (vers 1), « salpêtre » (vers 2) mais on note des écarts : au vers 12 « paratonnerres » ne rime avec rien ; au vers 8 « fabriques » rime avec « briques » au vers 7 mais ils ne font pas partie de la même strophe (dans la prosodie classique, on ne fait pas rimer deux vers qui ne sont pas dans la même strophe.)

2. Un motif moderne

Le titre « Les Usines » annonce un poème moderne. Verhaeren dépeint les « faubourgs » industriels aux vers 5 et 6 ; les « banlieues » : au vers 10 et 15 ; « les quartiers rouillés » au vers 18.

Verhaeren choisit un aspect du paysage urbain souvent négligé, en effet il choisit un espace où ne s'aventurent pas les visiteurs, les bourgeois.

3. La description met l'accent sur le caractère sinistre de cet espace

Il s'agit en effet d'un texte essentiellement descriptif qui ne contient que peu de verbes d'action, mais une abondance de phrases nominales. C'est le cas dans la strophe 2 où aucun verbe n'est exprimé, tandis que dans les deux dernières strophes, les verbes n'apparaissent que dans les propositions subordonnées relatives (« où s'ouvre » vers 20, « d'où luit » vers 26, « qui [...] rayonnent » vers 28 et « dont les larges langues lapent » vers 31). Tout se passe comme si Verhaeren faisait surgir les éléments du décor devant nos yeux.

D'autre part, l'élément important est souvent nommé en fin de proposition voire en fin de strophe, comme « les cheminées » au vers 13 et « les usines et les fabriques » au vers 17, créant un effet de surprise.

Enfin, les différentes parties du décor sont juxtaposées par la conjonction « Et » qui sert de relance pour ajouter un nouvel élément (vers 9, 11, 19, 20, 27, 28 et 30) venant s'accumuler sur ce fond d'usines. S'il existe une organisation, elle est d'ordre pictural.

a. La géométrie de l’espace

Le poème est organisé comme un tableau, avec d'abord une insistance sur les lignes horizontales (celles que dessinent le « canal droit marquant sa barre à l'infini » et les « longs murs noirs durant des lieues ») et verticales (« les cheminées » d'autant plus hautes qu'elles sont « aiguillonnées de fers et de paratonnerres ») qui constituent le cadre du tableau.

Verhaeren s'intéresse aussi aux formes et volumes : les usines forment des « rectangles de granit » (vers 8) et les verres de bières des « pyramides » (vers 29).

Le paysage décrit frappe par son aspect géométrique, le canal étant à la fois l'axe de symétrie (« se mirant ... face à face » vers 2-5 « de leurs yeux ... symétriques » vers 14) et la ligne de fuite de ce tableau.

b. Les couleurs

Enfin, comme un peintre, le poète s'attache aux couleurs qui apparaissent par taches, les couleurs ternes du début (rouge des « monuments de briques », blanche des « plâtras », grise du « granit ») laissant place à la fin aux couleurs éclatantes du bar (« étains, cuivres », « ales d'or » et « whisky couleur topaze »).

c. L’insertion dans le décor

Le lecteur est donc à même de s'imaginer cette ville, et d'y pénétrer avec l'auteur.

En effet le regard progresse à travers un champ de vision de plus en plus resserré avec un effet de zoom. Nous avons au début des plans d'ensemble (vers 1 à 17) qui donnent à voir la cité de loin, puis on pénètre dans les « quartiers » en s'approchant assez pour voir les habitants, même furtivement ( « les femmes et leurs guenilles apparues » au vers 19 ) et la flore dans les squares.

Puis le regard s'arrête sur un lieu précis, le bar, où l'on entre au vers 24 pour y détailler le « comptoir » et y voir les « gens » de plus près. Nous sommes comme attirés nous aussi irrésistiblement vers ce lieu de lumière qui fait contraste avec la tristesse ambiante.

Avec sa description réaliste et dépourvue d'action et de mouvement, autre que celui du regard, le poète crée une atmosphère sombre et déprimante.

4. Un espace sordide

L'ambiance que Verhaeren attache à cette cité industrielle est plutôt morose.

Cette tristesse tient en premier lieu au fait que le décor dégage une uniformité monotone. Ce sont les indications spatiales qui donnent d'abord cette impression puisque le canal s'écoule « à l'infini »

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