Le préjudice réparé
Commentaire d'arrêt : Le préjudice réparé. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar f.canovas • 24 Mars 2020 • Commentaire d'arrêt • 2 369 Mots (10 Pages) • 607 Vues
TD n°6 : le préjudice réparé :
Exercice : L’appréciation du préjudice dans les affaires Hoffman - Glemane et Mechalikh - Tamazount
La 2ème chambre civile, le 1er avril 1963 a affirmé que « le propre de la responsabilité civile, est de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit ». En d’autres termes, il faut réparer l’entier préjudice, tous les préjudices, rien que le préjudice. Or, c’est en se basant sur ce principe fondamental, que les arrêts Hoffman Glemane et Mechalikh Tamazount vont apprécier le préjudice subit par des victimes historiquement afin de trouver l’indemnisation la plus adéquate, leur correspondant.
Dans l’affaire Hoffman Glemane, en l’espèce, le Conseil d’État avait été saisi par le tribunal administratif de Paris d’une demande d’avis sur les conditions dans lesquelles la responsabilité de l’Etat pouvait être engagée du fait de la déportation de personnes victimes de persécutions antisémites durant la seconde guerre mondiale et sur le régime de réparation des dommages qui en avaient résulté. Le Conseil d’État, statuant en Assemblée, a rendu un avis contentieux dans le prolongement de la décision Papon. Il a en effet estimé que l’article 3 de l’ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental, constatant la nullité de tous les actes de l’autorité de fait se disant « gouvernement de l’État français » qui « établissent ou appliquent une discrimination quelconque fondée sur la qualité de juif », n’a pu avoir pour effet de créer un régime d’irresponsabilité de la puissance publique à raison des faits ou agissements commis par les autorités et services de l’État dans l’application de ces actes. La responsabilité de l’État est donc engagée en raison des dommages causés par les agissements tels que les arrestations, internements et convoiements à destination des camps de transit et qui, ne résultant pas d’une contrainte directe de l’occupant, ont permis ou facilité la déportation à partir de la France de personnes victimes de persécutions antisémites.
En revanche, dans l’affaire Mechalikh Tamazount, en l’espèce, un fils de harki, né et ayant vécu dans des camps dits de transit et de reclassement de 1963 à 1975, a demandé réparation à l’État français des préjudices qu’il estime avoir subis du fait des conditions d’accueil et de vie dans ces camps.
Après un rejet de sa demande par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 10 juillet 2014, puis par la cour administrative de Versailles le 14 mars 2017, l’intéressé s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’État. Par la décision de ce jour, le Conseil d’État condamne l’État à verser à l’intéressé une somme de 15000 euros au titre des préjudices matériels et moraux subis du fait des conditions dans lesquelles il a vécu entre 1963 et 1975.
Le juge administratif affirmait pendant longtemps une irresponsabilité de l’État concernant, c’est notamment l'objet de l'arrêt Époux Giraud rendu par le Conseil d’État en 1952. Toutefois, cette position du Conseil d’État a évolué, et ce grâce à la reconnaissance politique de la responsabilité de l’État français du fait des agissements du régime de Vichy en 1995. Cette reconnaissance symbolique a été suivie par un retournement de la jurisprudence du Conseil d’État en 2002 en changeant son interprétation de l’ordonnance de 1944. Le Conseil d’État affirme donc depuis 2009 que la politique de persécution antisémite mise en place par la France sous le régime de Vichy constitue une faute de service de l’État de nature à entraîner sa responsabilité. Désormais on constate que la jurisprudence récente s’appuie sur cette solution qui paraît pour autant, au regard de la doctrine, approximative ou floue.
Ainsi, comment l’évolution de l’appréciation du préjudice par la jurisprudence, a-t-elle permit d’engager la responsabilité de l’Etat ?
En premier lieu, l’engagement de la responsabilité de l’administration suppose l’existence d’un préjudice dont la preuve pèse sur la victime. Pour autant, pour obtenir une indemnisation, il ne suffit pas que le préjudice existe, il doit présenter certains caractères. Or, les arrêts étudiés ici, montre dans leur raisonnement une évolution de l’appréciation du préjudice. Cette évolution va influencer finalement la réparation dû aux victimes des actions de l’Etat. En effet, l’évolution va mettre en lumière la distinction entre deux types de préjudices qui influencera considérablement la solution des arrêts. Pour autant, dans le premier arrêt, la responsabilité de l’Etat est reconnue mais il n’indemnise pas. Dans le second arrêt on constatera que la responsabilité de l’Etat est reconnue mais indemnise de manière symbolique. Ainsi, beaucoup de contradictions se forment dans la réflexion du Conseil d’Etat ce qui engendre des flous dans la construction du régime de responsabilité de l’Etat.
Nous verrons donc dans une première partie, l’appréciation d’un préjudice caractérisant la responsabilité de l’Etat (I) et dans une seconde partie nous verrons l’apparition d’un régime de responsabilité de l’Etat évidemment flou (II).
- L’appréciation d’un préjudice caractérisant la responsabilité de l’Etat :
L’arrêt Mechalikh Tamazount étant plus récent que l’arrêt Hoffman Glemane, c’est donc celui-ci qui est basé sur le second pour développer un raisonnement dans la construction du régime de responsabilité de l’Etat. En effet, les deux arrêts ont fait le choix de distinguer deux types de préjudice. Pour autant, la solution finale concernant l’indemnisation ne sera pas la même pour les deux arrêts en présence. Dans un premier, ils permettent la caractérisation de préjudices individuels et collectifs (A) qui entrainent des réparations inégalitaires fondées sur l’appréciation des préjudices (B).
- La caractérisation de préjudices individuels et collectifs :
L’arrêt Hoffman Glemane est confronté à une demande d’engagement de la responsabilité de l’Etat pour avoir déporté des personnes victimes de persécutions antisémites durant la seconde guerre mondiale. En effet, cette action commise par l’Etat s’apparente à un crime contre l’humanité. Or, un crime contre l’humanité est un acte illégal. C’est ainsi que la jurisprudence Papon et la jurisprudence Hoffman ont affirmé la responsabilité de l’Etat pour la première dans l’histoire jurisprudentielle. En s’appuyant sur cet arrêt, l’arrêt Mechalikh Tamazount a également dégagé une solution concernant la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat pour assurer la réparation des préjudices subis par les harkis à la suite de la fin de la guerre d’Algérie.
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