Le laboratoire constitutionnel français
Cours : Le laboratoire constitutionnel français. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Célia Bouffard • 22 Février 2016 • Cours • 51 561 Mots (207 Pages) • 865 Vues
Partie 2 : Le laboratoire constitutionnel français
Introduction
A-Les particularités de l'histoire constitutionnelle (française)
❆ Le laboratoire constitutionnel français
Analyser l'histoire et les institutions constitutionnelles françaises comme espace dans lequel ont été reçus divers matériaux, au développement brut, puis pliés aux exigences culturelles françaises. Gilles Deleuze parle de concept nomade voire de nomadologie. Les voyages se transforment selon les temps et les lieux.
On est en permanence confronté à des institutions nomades. Il y a une dynamique institutionnelle.
Ex : - l'élection du doge de Venise au XIIIe/XIVe siècle,
- l'éclatement de l'URSS : le constitutionnalisme français pour doter tous les États d'une constitution.
Les modèles américain et anglais ont servi de repoussoir et un modèle plus attrayant. Montesquieu n'avait pas le détail du régime anglais. Il y a une part de représentation mentale.
❆ Les fruits d'une sédimentation professionnelle
L'horlogerie constitutionnelle française est le résultat de nombreux mouvements pendulaires. Il est très fréquent qu'un nouveau régime ait tenté de corriger les régimes précédents, ses faits ou abus. L'histoire constitutionnelle française fourmille de phénomènes réactifs.
Les éléments endogènes et exogènes dans l'histoire constitutionnelle française.
Ex : - évolution de la IIIe République, montée en puissance du pouvoir exécutif (ce qui n'est pas typiquement français)
La sédimentation professionnelle renvoie au fait que dans de trop nombreux ouvrages, on utilise comme horizon de référence les Lumières, la Révolution française.
Refoulement d'influences antérieures.
Depuis le XVIIIe siècle, le Président de la République est le gardien coprince d'Andorre et chanoine honoraire de Rome.
B- Constitution (de la Ve République) et « art à deux temps »
Le droit constitutionnel peut tirer partie d’une comparaison avec l'histoire de l'art. Henri Gouhier, grand connaisseur de l'histoire de la philosophie qui a écrit Le théâtre et les arts à deux temps. Il distingue dans l'histoire des arts 2 grands types :
-les arts à 1 temps : la littérature, la peinture, l'architecture, la sculpture. Cet art à 1 temps se caractérise par le fait que l'œuvre produite par son auteur est achevée en tant que telle. Il faut toujours ajouter à ce temps, le temps de la perception. Ce sont des arts à 1 temps car l'œuvre est terminée dans le geste même de la création première.
-les arts à 2 temps : la musique ou le théâtre. Pour lui, la caractéristique de ces arts à 2 temps est que ces œuvres ont besoin pour se donner à voir en plus du temps de la création brut, un temps de l'exécution ou de l'interprétation.
Cette notion d'art à 2 temps est extrêmement intéressante pour qui s'intéresse au droit constitutionnel, pour saisir la particularité du droit constitutionnel. A certains égards, on ne saurait rien de la constitution si on se limite aux choses qui ont été écrites (la partition). Le texte existe en tant que tel, mais la Constitution ne prend son sens, sa signification réelle, que lorsqu'elle est jouée. Il existe des interprètes officiels. Le théâtre constitutionnel ne saurait faire l'économie d'institutions incarnées.
La Constitution est à certains égards ce qu'en disent ses interprètes. Avant cela, tout est supputation. Il se trouve qu'une constitution est un texte en quête d'auteurs car il n'y a pas d'auteurs à strictement parler. Ce sont des secrétaires, des porte-paroles du peuple français.
C'est par un jeu de fictions complexes qu'on peut faire croire que lors du referendum de 1958, la majorité du corps électoral qui a voté « oui », l'a fait en représentant fidèlement la nation entière, que tout le monde avait la même compréhension de ce texte. C'est un point d'unification qui nous fait croire que l'auteur est désigné.
Nous sommes donc tous confrontés à l'existence d'un texte sans auteur. Cette absence d'auteur braque le projecteur sur ses interprètes. La très grande importance attachée aux interprètes est le manque d’indications scéniques, de didascalies.
Une constitution repose sur un agencement de mots dont l'attribution du sens suppose l'intervention des interprètes. C'est le rapport de force de légitimité qui détermine la capacité d'un interprète à donner du sens à telle disposition de la Constitution.
Chapitre I. La Révolution et les réactions (1789/1870)
Voir pour ce chapitre : Olivier Duhamel, Histoire constitutionnelle de la France
Chapitre II. Le parlementarisme dévoyé : la IIIe République (1870-1940)
Section 1. Le contexte de l'avènement de la IIIe République : une transition difficile
1. Le contexte historique
L'organisation provisoire des pouvoirs publics
Il faut garder à l'esprit qu'après la chute de Napoléon III (début Septembre 1870) et le vote de la dernière des trois lois constitutionnelles de 1875, pas loin de 5 années s'écoulent qui démontrent que l'installation de la IIIe République fut longue et difficile. La journée parisienne qui va faire suite à la défaite de Sedan permet la constitution d'un gouvernement provisoire de la défense nationale. Ce gouvernement provisoire est incapable d'enrayer l'invasion prussienne et il est donc contraint de signer un armistice le 28 janvier 1871 et de traiter avec l'ennemi. Des élections sont organisées en France pour savoir s'il fallait poursuivre la lutte contre l'envahisseur. Les monarchistes, les bonapartistes et les droites souhaitent arrêter la guerre. Les républicains veulent récupérer le territoire. Les campagnes veulent largement la fin de la guerre, ce qui explique la victoire des monarchistes.
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