Le Sénat joue-t-il toujours un rôle indispensable dans l’équilibre des pouvoirs ?
Dissertation : Le Sénat joue-t-il toujours un rôle indispensable dans l’équilibre des pouvoirs ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Cazenave Anaïs • 25 Janvier 2021 • Dissertation • 2 598 Mots (11 Pages) • 507 Vues
Dissertation : « Le Sénat joue-t-il toujours un rôle indispensable dans l’équilibre des pouvoirs ? »
« Le Sénat ne sert à rien, il faut le supprimer. » Cette phrase prononcée par l’avocate, Raquel Garrido, en octobre 2014, représente le débat au cœur duquel se trouve plongé le Sénat. En effet, on questionne sa légitimité depuis le début de la Vème République. Charles De Gaulle disait en 1962, qu’il souhaitait « transformer » cette chambre « inutile », en une assemblée consultative ouverte sur la société. Malheureusement, la France n’était pas prête à se passer d’une si haute institution et en 1969, c’est le référendum sur la réforme du Sénat qui a poussé le général De Gaulle à démissionner, suite à un « non » massif des français. Depuis, on observe régulièrement des remises en cause sur l’utilité de cette chambre parlementaire, sans que toutefois aucune réforme ne change fondamentalement le fonctionnement de l’institution.
Le Sénat est l’une des deux chambres qui constitue le Parlement, avec l’Assemblée Nationale. Élu au suffrage universel indirect par un collège électoral, il est la chambre haute censée tempérer la chambre basse, en soumettant à l’examen de cette deuxième chambre, tous les textes. Il s’inscrit dans un bicamérisme inégalitaire, c’est-à-dire que l’une des deux chambres dispose de davantage de pouvoirs que la seconde, ce qui permet d’éviter le blocage de la procédure législative. C’est le cas en France. La séparation des deux chambres permet de conserver un certain équilibre des pouvoirs. En effet, les pouvoirs sont équilibrés lorsqu’ aucun des pouvoirs (exécutif, législatif ou judiciaire) n’a l’avantage sur les deux autres. L’Assemblée Nationale et le Sénat font partie du pouvoir législatif mais l’Assemblée Nationale est plus proche du système exécutif lorsqu’elle est du même bord politique, permettant à l’exécutif d’avoir une majorité sur laquelle s’appuyer, réduisant une séparation claire des pouvoirs et limitant donc son équilibre. Il est alors du rôle du Sénat de tenter de rééquilibrer les pouvoirs.
Le bicamérisme est un système d’organisation politique qui est né en Angleterre au Moyen-Age. Ce système sépare le Parlement en deux chambres comme l’explicite clairement son nom, le suffixe « bi » veut dire deux en latin, et « camera » : chambre. En France, les deux chambres sont appelées « chambre haute » pour le Sénat, chargé de représenter les collectivités territoriales et « chambre basse » pour l’Assemblée nationale, chargée de représenter la nation.
Tout d’abord rejeté en 1789 car considéré comme anti démocratique, le système bicaméral est introduit dans le système politique français avec le Directoire (constitution de l’an III), avec l’élection de deux assemblées : le Conseil des Anciens et le Conseil des Cinq-Cents. Avec la Restauration en 1814, la dynastie des Bourbons ajouta une nouvelle chambre : la Chambre des pairs, pour s’inspirer du modèle britannique. Cependant, avec la proclamation de la Deuxième République, on constate la suppression du système bicamériste, avec l’existence d’une seule Assemblée nationale détentrice du pouvoir législatif. Après le coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte, la promulgation d’une nouvelle Constitution prévoyait de nouveaux deux chambres détentrice du pouvoir législatif, donc une appelée Sénat. Sous la Troisième République, le même système est conservé, avec deux chambres : le Sénat et la Chambre des députés. Le bicamérisme était égalitaire, les deux chambres avaient le même pouvoir. Le régime de Vichy ajourne les chambres avant que la Constitution de 1946 ne prévoit de nouveau le principe de deux chambres : l’Assemblée Nationale et le Conseil de la République et d’un bicamérisme inégalitaire, que l’on retrouve pendant la Vème République, avec la réintroduction du nom Sénat, disparu en 1940 avec le régime de Vichy. On remarque en retraçant l’histoire du Parlement à travers les temps, qu’il s’agit d’une institution qui a subi de nombreuses modifications et que le Sénat n’a pas toujours été présent depuis la Révolution Française.
Il est donc légitime de se questionner sur son utilité, son caractère indispensable qui signifierait qu’on ne peut se passer de lui, puisque s’il n’a pas toujours été présent, cela signifie qu’il n’était pas toujours considéré comme utile. Il est donc nécessaire d’étudier cette institution qui est actuellement considérée comme un contre-pouvoir de l’exécutif.
Dans quelle mesure le Sénat cherche à conserver sa légitimité dans le maintien de l’équilibre des pouvoirs dans la Vème République ?
Nous montrerons que si le Sénat est une institution qui est très vivement critiquée sur le fond et sur sa forme (II), il cherche quand même à faire respecter l’équilibre des pouvoirs (I) avec dans l’exercice de ses pouvoirs.
I. Une recherche d’équilibre des pouvoirs sous la Vème République
Il est tout d’abord important de remarquer que le Sénat à une place d’équilibre des pouvoirs en tant que moyen de modération de la majorité que représente l’Assemblée Nationale (a), avant de voir qu’il a le pouvoir de contrôler l’exécutif (b).
a. Un moyen de modération de la majorité
Depuis l’apparition des premières républiques françaises, le bicamérisme semble être un système politique du pouvoir législatif qui conviendrait à ses citoyens, puisqu’ils ont eu deux fois l’occasion de remettre en cause ce système, en 1946 et 1969, et ils ont rejeté cette remise en cause par deux fois. En effet, le Sénat serait un instrument essentiel au fonctionnement du travail législatif puisqu’il représente l’une des deux chambres qui composent le Parlement. Le Sénat possède un rôle de contre-pouvoir, le moyen de contrebalancer l’Assemblée Nationale. De toute évidence, cette institution est plutôt vue comme conservatrice et moins atteinte par les tumultes entre parlementaires/politiciens, qui sont parfois observables dans l’hémicycle, lors de séances à l’Assemblée Nationale. Le Sénat ne peut pas être renversé par le Gouvernement et en échange, celui-ci ne peut pas déposer de motion de censure contre le Gouvernement, ce qui explique plus de stabilité qu’à l’Assemblée Nationale. La majorité en place au Sénat n'est pas toujours du même bord politique que l’exécutif. C’est pourquoi il peut représenter un contre-pouvoir à la majorité à l’Assemblée Nationale, qui soutient le Gouvernement, empêchant le Parlement de devenir une simple chambre d’enregistrement des volontés de l’exécutif. Le Sénat est chargé de voter les lois, comme il est inscrit dans l’article 24. Sachant qu’il n’est pas toujours en accord avec l’Assemblée Nationale, une navette parlementaire s’installe entre les deux chambres, ce qui permet de prendre le temps de la réflexion avant de voter une loi, et évite les projets de lois bâclés. De plus, le Sénat a un rôle de contrebalance législative, notamment grâce à son pouvoir d’amendement, qui lui est conféré dans l’article 44 alinéa 1 de la Constitution, qu’il possède au même titre que l’Assemblée Nationale. Il est dans le pouvoir des sénateurs de modifier des projets de loi ou des arrêtés pour en modifier certaines dispositions ou leur apporter certaines précisions. Cela représente alors un véritable pouvoir de modération du pouvoir de l’exécutif qui peut voir ses projets de lois organiques modifiées par le Parlement, dans le cadre de la procédure législative. Enfin, le Sénat joue un rôle supplémentaire en plus de la procédure législative classique. En vertu de l’article 89 de la Constitution, le Sénat tient un rôle clé dans la procédure de révision constitutionnelle. Cet article requiert que le projet ou la proposition de révision constitutionnelle soit voté en « termes identiques » par les deux assemblées. De cette façon, l’exécutif ou le Gouvernement ont intérêt à trouver un accord avec le Sénat, qui n’est pas forcément du même bord politique, pour réunir suffisamment de voix pour atteindre une majorité parlementaire qui voterait en accord avec la révision constitutionnelle. En effet, sans le consentement du Sénat, aucune révision constitutionnelle n’est possible en France.
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