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La justice peut-elle s’opposer au droit?

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Par   •  1 Octobre 2022  •  Dissertation  •  4 285 Mots (18 Pages)  •  386 Vues

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La justice peut-elle s’opposer au droit?

                            Lorsqu’Antigone conteste la décision de son oncle Créon concernant son frère, on peut considérer qu’il y a un conflit entre deux dimensions de la justice. Plus exactement, il s’agirait d’un conflit entre la référence à une justice non écrite( le devoir pour une sœur de ne pas laisser son frère sans sépulture) et une décision de monarque, décision de droit positif( condamner un traître à rester mort sur le champ de bataille hors des murs de la cité). L’opposition d’Antigone à Créon peut donc être considérée comme une opposition de la justice au droit. Et, de fait, subjectivement, il nous arrive de contester une décision du droit. Nous la considérons, alors, comme injuste, soit comme application singulière par un juge (jurisprudence) soit comme application correcte de la loi mais, d’une loi que nous considérons comme illégitime. Le légal peut nous paraître illégitime et injuste en lui-même; la justice s’oppose alors au droit positif parce qu’elle le conteste. Mais, de droit, pouvons nous nous opposer au droit? Si oui, comment le pouvons- nous? Avec violence ou dans le respect d’une certaine éthique pacifique, voire dans le respect d’une certaine légalité pour éviter toute terreur? Dans le premier cas, la contradiction de la justice au droit serait antagonique, dans le second elle ne le serait pas. De plus, cette justice que nous opposons (soit réellement, soit logiquement) au droit positif, qu’est-elle? S’agit-il du droit naturel, et dans ce cas le conflit de la justice avec le droit serait ,en fait, un conflit interne à l’idée de droit ou bien s’agit-il d’une justice qui se situe au delà de l’idée même du droit naturel(disons des droits de l’homme), en Dieu par exemple ou en deçà, dans une immanence historique, par exemple sociale ou économique? Dans ce dernier cas ne faudra-t-il pas redéfinir les valeurs éthiques? Dès lors pour répondre à ces questions nous verrons, dans un premier temps comment, dans leurs définitions, justice et droit sont sans opposition, malgré nos interventions et protestations subjectives. Ensuite, nous montrerons combien réellement l’opposition se manifeste sans cesse et explique le mouvement et la vie du droit lui-même. L’histoire, comme existence concrète de la contradiction, nous manifestera alors les questions de la révolte, de la révolution et de la réforme. Enfin entrecroisant l’existence historique et l’essence rationnelle de la justice, nous nous demanderons si l’histoire contredit l’universalité humaniste d’une réflexion sur la justice ou l’exige déplacée?

                          Le droit se donne immédiatement comme ce qui prolonge notre pouvoir d’agir, pouvoir de faire ou de ne pas faire quelque chose. C’est ce qui constitue un rapport entre l’individu et le monde. L’individu se donne un droit sur une chose autant qu’il se donne de pouvoir sur cette chose. En général, la chose sur laquelle il étend son droit est inerte. Mais, cela peut aussi être une autre personne, un autre sujet; et surtout, l’individu, sur le terrain de l’appropriation d’une chose quelconque rencontre une autre personne manifestant le même droit. Alors, apparaît la notion de tort. L’action de l’autre peut me faire tort, soit parce qu’elle attaque ma personne et me sort brutalement de mon innocence, soit parce qu’elle dévie mon action de son chemin, ce par quoi elle me fait aussi du tort. De là, s’élève l’exigence de justice. Il s’agit de me rétablir dans mon droit et mon innocence perdue en demandant réparation et si possible en mettant l’autre hors d’état de nuire. La justice s’identifie alors à la vengeance. Il s’agit de se faire justice soi-même. Dans cette première signification du droit, la justice ne s’oppose pas au droit mais elle le rétablit et le réalise. Cependant se constitue une contradiction car en voulant rendre justice, je me fais moi-même violent, je porte tort à celui qui m’a fait du tort, car en le mettant hors d’état de nuire je ne me rétabli pas dans mon droit je lui porte un tort supérieur au tort qu’il m’a fait et la vengeance dégénère en vendetta, en violence généralisée donc en injustice. La contradiction des droits individuels devient la contradiction de la justice à elle-même, c’est pourquoi la justice du justicier s’oppose dans les faits le plus souvent à un autre niveau du droit, celui de la décision du juge. Les faits nous indiquent une solution de la contradiction. Il faut en exhiber la nature logique.

                        Celle-ci est la suivante, le juge est un tiers entre les parties en conflit. Qu’est-ce qu’un juge? C’est celui qui rend la justice dit-on. C’est aussi celui qui applique la loi; dans ce dernier cas il accomplit un acte juridique, il constitue un maillon dans l’application du droit, considéré cette fois-ci en un deuxième sens, comme l’ensemble des lois. Cela fait deux actes à préciser qui peuvent constituer de nouvelles oppositions à réfléchir. En considérant d’abord qu’il rend la justice indépendamment d’une loi préexistante (il est alors source de loi) la série des décisions des juges fait jurisprudence. Dans cet acte on trouvera deux types différents de justice. Le premier qu’on peut nommer avec Aristote, justice commutative: il évalue par exemple les dommages subis par les parties ou par une des parties; il exige en fonction de la revendication des plaignants réparation du dommage. Disons que le dommage consiste à avoir perdu : a, soit -a, la justice devra compenser en donnant +a, il s’agit d’annuler, d’établir une égalité. Être juste dans ce cas consiste à ajuster un échange, à trouver le résultat juste d’une opération simple. Le second qu’on peut cette fois-ci appeler, suivant toujours Aristote, justice distributive. Le juge considère cette fois chacun en fonction( suivant les situations historiques, les circonstances) de ce qu’il a, de ce qu’il mérite ou plus généralement de son être. Soit deux êtres distincts l’équité exige qu’on leur attribue en fonction de ce qu’ils sont, pour suivant le cas, les conserver dans leur différence ou les rétablir dans des rapports d’origine. Bref, l’équité pose une égalité de rapport, de proportion et non une égalité arithmétique. Dans ces deux actes le juge doit évaluer, à la fois, la singularité d’une situation et la singularité des personnes en conflit, sa décision relève d’une prudence ou connaissance du particulier et non d’une science, connaissance du général. Là aussi, il y a des oppositions possibles. Ainsi la décision jurisprudentielle du juge peut nous paraître mal évaluée, voire corrompue et en cela injuste. Nous ne discutons pas nécessairement les principes de la justice mais la décision. Dans ce cas on peut offrir des procédures: appel, cassation par exemple pour essayer d’éviter cette opposition. Mais là nous condamnons le fait, l’application de la justice et non son principe. Mais, il peut y avoir une contradiction plus fondamentale entre la prudence du juge qui rend la justice et la loi, c’est à dire le droit qu’il prononce. La loi peut nous paraître juste dans sa généralité et l’espace que son abstraction laisse au juge donner lieu à une jurisprudence injuste. On trouve alors la loi comme incarnation de la justice et d’autre part l’activité réelle de la justice, la jurisprudence qui contredit la loi. On peut donc dire indifféremment que la justice contredit le droit, la loi et la décision du juge contredise notre sentiment de la justice. Pour résoudre cette contradiction on peut essayer d’atténuer un des termes voire de le faire disparaître et engloutir  toute la justice dans la loi. Le juge ne devrait être que  « la bouche qui prononce les paroles de la loi; des êtres inanimés qui n’en peuvent modérer ni la force, ni la rigueur. » Montesquieu, Esprit des lois, livre XI, chapitre VI; IL s’agit comme on le dit de combler le vide juridique pour rétablir le droit.

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