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La démocratie en Amérique

Dissertation : La démocratie en Amérique. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  8 Décembre 2017  •  Dissertation  •  1 905 Mots (8 Pages)  •  646 Vues

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Dans sa quête des déviances possibles de la démocratie, du retour du despotisme sous un visage nouveau, Tocqueville s’interroge  sur les impacts possibles d’une part de trop d’égalité sur la liberté et la démocratie, et d’autre part d’une centralisation qu’il constate en Europe,  confortée par l’égalité, sur la liberté individuelle, donc sur les contrepouvoirs. Finissant sa description du « pire des mondes », il décrit alors un despotisme s’appuyant sur une apparence démocratique.

I - Trop d’égalité peut nuire à la liberté et à la démocratie

C’est une caricature de la décadence romaine que décrit  Tocqueville au commencement de ce texte. Une rupture par rapport à l’être humain et à la vertu vus par les  philosophes des lumières et au citoyen « inspiré »de la révolution française. L’égalité est acquise, chacun se l’est appropriée, oubliant les combats qui avaient été nécessaires pour l’obtenir, et l’homme l’a toute entière détournée vers ses  besoins propres. Le texte est impitoyable : « de petits et vulgaires plaisirs dont ils emplissent leur âme », « il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul »…

Et déjà se profile le despote désincarné qui profite de cette absence de vertu, de foi. Favoriser la jouissance afin que les hommes vivent pour la jouissance,  assurer bonheur, sécurité, besoins, pour que les hommes n’aient pas à s’inquiéter, ni à revendiquer… Atténuer le « libre arbitre », c’est-à-dire la liberté, dans une société d’égalité, de similitude, et de manque de perspectives. C’est bien ainsi que les philosophes et les historiens décrivent le bas-Empire romain, « panem et circenses », une société amollie… et l’empereur au-dessus. Trop d’égalité menace donc la liberté et la démocratie.

Cette critique de l’égalité est une constante de l’histoire de la pensée libérale. L’égalité affaiblit. L’égalité dans l’enseignement affaiblit le niveau de la culture, le nivellement par le bas ; l’égalité entre les sexes remet en cause la dynamique familiale et complique l’organisation sociale ; l’égalité démocratique est un risque que la technocratie, la méritocratie ou la ploutocratie doivent pouvoir atténuer. Qu’on se souvienne les débats au 19ème et au 20ème siècle sur le suffrage censitaire ou universel, sur l’esclavage et les droits des autochtones dans les colonies, sur l’école de Jules Ferry et l’enseignement pour tous, et plus proches de nous sur le droit de vote des femmes, sur la culture pour tous et la création des « maisons de la culture »… Certes, Tocqueville et les penseurs libéraux ne remettent pas en cause, en France et dans les pays occidentaux, l’égalité en droit. Celle-là est acquise (sauf pour les femmes jusqu’en 1945), depuis la Révolution Française et la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen. Mais le mieux étant l’ennemi du bien, pour les libéraux, l’égalité ne peut être première et doit être encadrée. Et l’inégalité de fait est une donnée incontournable. On retrouve, plus ou moins affirmées, ces convictions dans les programmes politiques libéraux, les élections présidentielles américaine et française récentes l’ayant assez bien illustré.

A cette vision des choses, les réponses sont nombreuses. Tout d’abord, Tocqueville et ses pareils n’ont-ils pas tendance à confondre égalité et identité ? Il l’écrit lui-même au début du texte : « hommes semblables et égaux ». Est-ce l’égalité, ou l’absence de diversité qui est émolliente ? La suite du texte décrit plus des similitudes de comportement que l’égalité entre les êtres humains. Par ailleurs, la quête politique est, me semble-t-il, en démocratie, de réduire l’écart entre l’égalité en droit et l’égalité de fait. C’est là un projet qui passe par l’éducation, une éducation pluraliste qui saura mettre les moyens. La récente campagne électorale présidentielle en France a montré sur ce point, avec des nuances et à l’exception de la candidate d’extrême droite, un relatif consensus sur ce thème. Et l’on voit bien, dans les pays émergents, que la montée de la démocratie et de la liberté, sans doute encore relative, est permise par plus d’éducation sur un socle où l’égalité de droit est affirmée. Le débat politique devient donc alors comment à partir de l’égalité de droit atteindre la liberté et plus d’égalité de fait, via l’éducation. Le même chemin vaut, sans doute, pour les thématiques liberté/égalité homme-femme, internationale entre les peuples…

Il reste que l’on s’habitue à l’égalité, que l’on en oublie les combats, les efforts qu’il a fallu consentir pour l’obtenir et que l’on a tendance à en « profiter » sans se poser trop de question. Evolution (oubli diront certains) de la morale publique, baisse de la pratique syndicale, remise en cause de l’action politique et accroissement de l’abstention caractérisent les démocraties occidentales contemporaines. Autant de facteurs qui favorisent l’action du despote désincarné. En cela le texte de Tocqueville, écrit il y a près de deux siècles, est intéressant. Mais les même faiblesses favorisent l’action des minorités dures (le terrorisme par exemple). Il est vrai que l’un et les autres sont ennemis de la démocratie, le despote désincarné de manière douce, les minorités dures de manière violente.

II - La centralisation, confortée par l’égalité, peut nuire à la démocratie

La deuxième tête de l’hydre despotique décrite par Tocqueville est la centralisation. Autre grand classique de la pensée libérale, l’attention à l’équilibre des pouvoirs, pour qu’aucun pouvoir ne puisse devenir despotique. On retrouve pleinement cette thématique chez Montesquieu, Locke ou A. Smith. Dans la France de Colbert, des jacobins et de Napoléon, cette hydre a un nom : l’Etat. Mais aux Etats-Unis, la cible est l’Etat fédéral, en Grande-Bretagne contemporaine la Commission européenne… Quel lien entre cette centralisation et l’égalité ?

Le Despote désincarné, on le voit s’incarne. « Pouvoir immense et tutélaire, il se charge seul… », « Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux », dans un premier temps. Puis dans un deuxième temps, « il couvre la surface d’un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes », il amollit les volontés (individuelles) « les plie et les dirige », « il ne détruit point, il empêche de naître »… « Il réduit enfin chaque nation à n’être plus qu’un troupeau… ». Quelle description !

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