L'évolution du fédéralisme aux États-Unis
Dissertation : L'évolution du fédéralisme aux États-Unis. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Gabriel Hofmann • 13 Décembre 2019 • Dissertation • 2 984 Mots (12 Pages) • 745 Vues
Dans un tweet du 18 septembre 2019, le président américain Donald Trump a annoncé que son administration révoquait le pouvoir octroyé à la Californie de fixer ses propres normes de pollution automobile, plus contraignantes que le standard fédéral. Cette décision a engendré une levée de bouclier, notamment de la part d’Andrew Wheeler, administrateur de l’Agence américaine de protection de l’environnement : « Nous soutenons le fédéralisme et le rôle des États, mais le fédéralisme ne veut pas dire qu'un État peut imposer des normes à tout le pays ». Cette décision, couplée à la controverse qu’elle a suscitée, montre que les rapports de force entre États fédérés et gouvernement central des États-Unis sont toujours récurrents à l’époque actuelle.
Le fédéralisme puise ses racines dans le terme latin foedus, (traité, alliance, pacte). Il désigne une forme d'État souverain dans lequel des entités territoriales, appelées Etats fédérés, disposent d'une large autonomie et d'une organisation étatique complète respectant le principe du partage des pouvoirs avec le niveau fédéral. Il résulte soit de la dissociation d’un État antérieurement unitaire, soit de l’association d’États antérieurement indépendants[1]. Cette dernière étant le cas pour les États-Unis au sein desquels est établie la première application concrète des principes politiques et institutionnels du fédéralisme. En effet, après s’être affranchie de la tutelle britannique, les treize colonies ont éprouvé la nécessité de se doter d’institutions politiques pour que le gouvernement confédéral ne soit plus entravé par la clause de l’unanimité des États. La forme de l’État fédéral est alors entérinée dans la première Constitution de 1787, fruit d’un compromis entre l’ordre juridique des États membres qui demeure, bien qu’amoindri, et celui supérieur de la fédération, pour reprendre les termes de maître Portelli.
Pour autant, si le sujet nous invite à nous pencher sur la question de l’évolution du fédéralisme, c’est bien parce la répartition des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et le gouvernement des États Fédérés a fait l'objet de plusieurs ajustements importants au cours de l’histoire. Comme le soulignait le président américain Woodrow Wilson : « Les relations entre les États fédérés et l’État fédéral sont la question cardinale de notre système constitutionnel (…). Chaque étape de notre développement politique et économique lui donne de nouvelles dimensions et la transforme en une nouvelle interrogation »[2].
Il s’avère que si le fonctionnement institutionnel théorique des États-Unis est et a toujours été fédéral car régi par la Constitution de 1787, il n’en va pas de même pour son fonctionnement politique réel. C’est ce que suggère spécialiste du fédéralisme américain Grodzins en comparant métaphoriquement le système fédéral américain à un gâteau qui a été conçu originellement par couches (layer cake), mais qui s’est avéré marbré (marble cake) dans sa pratique.
Cette question de l’articulation entre théorie institutionnelle et pratique juridique guidera donc notre réflexion. Dans quelle mesure la progression du contexte politique, économique et juridique des États-Unis a-t-elle rendu le fédéralisme plus centralisé que sa conception originelle?
La place du fédéralisme aux États-Unis n’est pas seulement un rapport constitutionnel entre les Etats fédérés et État fédéral, c’est aussi un rapport de force et un compromis multiple, juridique économique, et politique.
Nous développerons cette idée en montrant que la structure fédérale conçue comme dualiste aux origines diffère de son application réelle davantage centralisée au cours du 19ème siècle (I). Puis nous observerons que du 20ème siècle à nos jours, l’évolution du fédéralisme a oscillé entre unitarisation (fédéralisme coopératif) et tentative de regain d’autonomie des États fédérés (nouveau fédéralisme) (II).
- Rupture entre une structure fédérale théoriquement conçue comme dualiste et son application réelle bien plus centralisée au cours du 19ème siècle
Lors de l’élaboration de la constitution en 1787, la structure fédérale a été instituée comme un système dual de souverainetés partagées. Chacune des composantes — Union ou États membres — est souveraine dans les domaines de compétence qui leur sont juridiquement reconnus. Semblables à un layer cake, les différents échelons de l’État restent ainsi cloisonnées. Toutefois, au cours 19ème siècle, l’État fédéral semble graduellement monopoliser le pouvoir, sous l’effet de l’action de la Cour Suprême des États-Unis et de la création jurisprudentielle qu’elle a générée.
- L’intention originelle des Constituants : une stricte bien définie entre État fédéral et États fédérés
Le dessein des Pères Fondateurs était de trouver un compromis prudent entre une confédération, susceptible d’être trop dispersée, et un État centralisé unitaire fort qui se rapprocherait trop de la monarchie britannique.
Ainsi, la Constitution de 1787 instaure une division bipolaire des pouvoirs afin que chaque niveau de gouvernement soit suprême dans sa sphère d’action constitutionnelle.
Le gouvernement central se voit attribuer des delegated powers (pouvoirs explicites) à travers l'article I, section 8 : relations internationales, défense, monnaie et commerce international et interétatique (commerce clause). Il dispose également de pouvoirs implicites par le biais la « necessary and proper clause » (Article I, section 8, clause 18) qui lui permettent de voter toute loi qui s’avère nécessaire et appropriée pour mener à bien les fonctions qui lui ont été dévolues en vertu de l’article I section 8.
Quant aux États fédérés, ils jouissent de pouvoirs réservés, garantis par l’Amendement X qui dispose que « les pouvoirs qui ne sont pas délégués aux Etats-Unis par la Constitution, ni refusés par elle aux Etats, sont conservés par les Etats respectivement ou par le Peuple ».
En pratique, cela leur permet d’avoir la souveraineté pour lever l’impôt, mener des politiques éducatives et gérer les aides sociales, mais également d’être compétents en matière de droit pénal et de droit bancaire et des assurances.
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