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L'interprétation de la loi par la juge est-elle libre ?

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Par   •  13 Février 2022  •  Dissertation  •  2 032 Mots (9 Pages)  •  570 Vues

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Lucie ALCARAZ

DISSERTATION : L’interprétation de la loi par le juge est-elle libre ?

« Le souci du juge, dans son interprétation de la loi, ne doit pas être seulement limité au cas spécial qui lui est soumis, mais s'étendre encore aux conséquences bonnes ou mauvaises que peut produire sa sentence dans un intérêt plus général », ici Anatole France précise le fait que le juge ne doit pas s’arrêter à interpréter la loi au cas précis auquel il est soumis, mais qu’il doit aussi s’étendre à analyser le contexte social, économique actuel pour prononcer la meilleure décision possible.

La loi, au sens strict est l’acte de droit écrit voté par le Parlement, qui l’a élaborée en vue de la résolution d’un litige dans l’avenir. Ce pouvoir de résolution est accordé aux juges, qui sont donc des magistrats chargés de rendre la justice en appliquant les lois. Cependant l’application suggère une interprétation des lois, qui au sens large revient à juste comprendre un texte, l’expliquer et lui donner un sens. Sur le plan juridique, l’interprétation désigne l’activité du juge tendant, d’une part à déterminer la portée d’un texte ambigu ou obscur ; d’autre part, à élaborer une solution lorsque le texte présente une lacune. Il s’agit finalement pour le juge de déterminer le sens d’un texte et de concrétiser la loi dans le cas donné. Le terme « libre » suggère une indépendance du juge, qui pourrait donc juger indépendamment du pouvoir législatif, de l’intention de l’auteur de la règle de droit. Liberté ne veut cependant pas dire arbitraire, la mission du juge est balisée par les principes d’une méthode d’interprétation.

Le système judiciaire dont il sera question ici est celui des juridictions françaises, et plus particulièrement celles de l’ordre judiciaire.

Ce phénomène de liberté du juge demeure difficile à cerner et à définir, bien que l’interprétation des textes juridiques soit une activité quotidienne pour le juriste. Les opinions varient, le juge doit se tenir à l’interprétation stricte de la loi, il est la « bouche de la loi » comme le dit Montesquieu, mais en même temps il est évident que le juge doit aller bien plus loin que ça, il ne doit pas poser aucun jugement de valeur, être neutre juridiquement parlant, il est nécessaire qu’il adapte la loi à l’espèce.

Historiquement, l’interprétation est une activité ancienne. Pendant l’Ancien Régime, on parle de justice des juges car ces derniers pouvaient statuer en équité, ce qui leur donnait la possibilité de statuer selon leur bon vouloir ; on avait une justice injuste (assez paradoxal).

Successivement il va y avoir une sacralisation du texte, la doctrine civiliste du XIXe, soit l’école de l’Exégèse considère que chaque texte a un unique sens, et qu’il est sacré, le juge doit se tenir à la loi et rien de plus. Au début du XXe, des auteurs tels que Gény prônèrent un changement de méthode d’interprétation, le juge doit se détacher du texte et s’inspirer des besoins et évolutions sociales.

La question qu’il devient légitime de se poser est si en France les juges sont indépendants vis-à-vis de la loi ?

Nous verrons dans un premier temps que le juge se doit d’aller plus loin qu’un simple application de la loi pour permettre un système juridique cohérent (I), puis dans un second temps nous observerons les différentes méthodes d’interprétation de la loi par le juge qui se démarquent (II).

  1. Une interprétation de la loi par le juge nécessaire de fait

Il devient incontestable que pour garantir le rendu de décisions de justice les plus justes possibles, il faut laisser une marge d’interprétation du juge dans le cas du silence ou de l’obscurité de la loi (A) afin d’assouplir la généralité de la loi (B).

  1. Le rôle du juge dans les lacunes de la loi
  • L’article 4 du Code civil oblige le juge à juger en cas de silence ou d’obscurité de la loi, le juge a obligation de statuer, le déni de justice est donc interdit. Ainsi, certaines lois sont silencieuses, incomplètes, obscures mais même s’il juge une affaire reliée à ce type de lois, le juge doit obligatoirement trancher le litige. Il doit donc forcément trouver une solution juridique.

Ainsi en l’absence de loi, il va juger en vertu d’une règle qu’il imagine spécialement pour le cas. Il va s’appuyer donc sur une règle virtuelle, mais officiellement il ne fait que constater l’existence d’une règle qui lui préexiste mais dont il tait la source.

  • Par voie de corrélation, plus une loi est claire, moins l’interprétation est nécessaire, dans le sens que l’interprétation jurisprudentielle est soumise à la loi. A l’inverse, selon Rivarol, « quand les lois sont obscures, les juges se trouvent naturellement au-dessus d’elles, en les interprétant comme ils veulent ».
  • Le juge se voit donc confier indirectement par l’imprécision législative une capacité d’interprétation de la loi pour rendre son jugement. Il existe des lacunes législatives volontaires et involontaires. Dans le premier cas, le législateur sait les dispositions de la loi insuffisante, mais va déléguer son pouvoir de législateur au juge. La reconnaissance des lacunes involontaires va être bouleversante pour ceux qui affirment la plénitude de l’ordre juridique. Ces lacunes sont souvent le fait du retard de la loi à s’adapter aux changements sociaux, mais aussi à l’inflation législative, qui fait des lois qui se répètent et parfois même contradictoires.
  • Le juge est créateur de droit dans la mesure où, selon P. Hébraud, « la jurisprudence est la parole vivante du droit ». Le juge doit trancher le litige qui lui est soumis, pour réaliser cette fonction, il dispose d’une large autonomie lui permettant de modeler, modifier ou encore compléter les lois qui lui sont soumises. La force de la jurisprudence tient donc dans la mission d’interprétation du droit qui est confiée au juge.

Le juge joue donc un rôle de subordonnant à la loi, dans le sens où il va la compléter, la perfectionner, mais a aussi un rôle de contre-pouvoir dans les cas où la loi est générale et donc ne peut pas s’appliquer directement au cas d’espèce.

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