L'instabilité constitutionnelle en France
Dissertation : L'instabilité constitutionnelle en France. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar dissertdedroit03 • 29 Novembre 2018 • Dissertation • 3 959 Mots (16 Pages) • 2 218 Vues
Le président de l'Assemblée nationale Jean-Louis Debré disait : « La Constitution de la Ve République a apporté la stabilité dans la durée ».
Qu'est-ce que l'instabilité ? C'est avant tout quelque chose qui est caractérisé par sa tendance à changer continuellement, avec une notion de chaos. L'instabilité constitutionnelle, c'est donc un changement qui nous semble quasi-perpétuel de cette loi fondamentale d'un Etat qui définie les lois, les libertés, l'organisation et la séparation des pouvoirs et le fonctionnement des institutions. Ici, dans le cas français.
L'instabilité constitutionnelle peut sembler être un phénomène banal et tout à fait commun aux démocraties qui chercheraient et fonctionneraient comme à tâton pour fixer la meilleur constitution possible. Cependant, l'instabilité constitutionnelle présente deux éléments qui sont à l'inverse peu communs. Au niveau conceptuel, le terme est paradoxal en lui-même, puisque la Constitution fixe les institutions. Or, les institutions sont selon les juristes March et Olsen, un « ensemble relativement durable de règles et de pratiques organisées (…) relativement invariantes face au changement des individus, et relativement résistantes face aux préférences personnelles (...) et des circonstances extérieures ». Les institutions sont censées être stables, la Constitution est donc censé l'être aussi. En effet on imagine mal des institutions être efficaces si elles sont modelées, non plus par les constituants, mais par les personnes au pouvoir selon leurs propres préférences, ce qui engendrerait de la corruption par exemple. Les institutions, donc la Constitution, ont donc besoin d'être inscrites dans le temps. Le terme d'instabilité constitutionnelle est un oxymore puisque l'instabilité renvoie au changement perpétuel, tandis que la constitution à l'établissement d'un ordre stable et durable, nécessaire au respect des règles qu'elle dicte//justifié par sa nécessité pour le respect des règles qu'elle (la constitution) dicte. Au niveau empirique cette fois, l'instabilité constitutionnelle française n'est pas partagée comme si elle était un phénomène banal. La France est une exception dans le monde car son instabilité est plus grande que dans les autres pays : elle est non seulement politique mais aussi institutionnelle, et les chiffres nous le montrent aisément. On peut recenser seize textes fondamentaux (Constitutions, Chartes, Lois constitutionnelles) entre 1789 et 1958, soit moins de deux cent ans ! Il y a de plus cinq projets qui n'ont pas été appliqués. Cela porte le nombre de textes à valeur de Constitution à vingt et un, soit une Constitution tous les neuf ans ! A titre de comparaison, les Etats-Unis n'ont connu qu'une seule et unique Constitution, malgré ses vingt-sept amendements. Le Royaume-Uni quant à lui n'a pas de Constitution matérielle. Cela n'empêche certes pas des périodes d'instabilité gouvernementale, mais qui sont sans commune mesure avec les changements constitutionnels. Au XIXe et Xxe siècle, le régime politique britannique n'a pas été bouleversé de la sorte que ses institutions changent brutalement : comme aux Etats-Unis, le cadre global, les règles, restent globalement les mêmes, tout comme le cap donné à la nation. Ces changements constitutionnels à l'étranger sont de loin très inférieurs à la diversité française durant cette période. En témoigne tous les régimes (et donc les constitutions) qui se sont succédés : la France est un véritable laboratoire constitutionnel qui a pour ainsi dire tout connu : république, monarchie absolue, monarchie parlementaire, Empire, Consulat et même dictature. Régimes auquels il faut ajouter de nombreux gouvernements provisoires servant de transition.
Ainsi l'instabilité constitutionnelle française revêt un caractère unique. On peut l'étudier de manière pessimiste et parler de chaos, ou de manière optimiste en choisissant de parler d'expérience.
Ainsi on en vient à théoriser les mouvements constitutionnels. Déjà, Aristote distinguait trois types de régime : la monarchie (le gouvernement d'un seul), l'aristocratie (le gouvernement des meilleurs) et la république (le gouvernement de tous). Ce qui expliquait l'instabilité des régimes en place selon lui était les dérives : la monarchie devenait tyrannie, l'aristocratie devenait oligarchie et la république « dégénérait » en démocratie, terme connoté péjorativement car la majorité pouvait de manière irrationnelle opprimer les minorités. En France, le juriste Marcel Hauriou va théoriser l'instabilité constitutionnelle. Il distingue deux cycles : de 1789 à 1848, marqué par une très forte instabilité constitutionnelle et de 1848 à 1875 ou s'affirme la république parlementaire (s'il n'a pas pu aller plus loin dans l'histoire, c'est simplement parce qu'il est mort en 1929). Il distingue à l'intérieur de ses deux cycles un triple-mouvement : la confiscation du pouvoir par le législatif, puis le pouvoir d'un seul, et enfin un régime parlementaire, sorte de compromis. Bien sur, ces théories sont contestables car les phénomènes historiques obéissent à des logiques différentes et les événements n'ont pas la même signification. Cependant ils peuvent permettent de voir si les comportements se répètent de manière cyclique, si sur l'ensemble de la période étudiée il y a progression ou régression.
Et en ce qui concerne la France, on observe à première vue si l'on prend en compte l'ensemble de la période 1791 (date de la première Constitution)/1958 (date de la dernière écrite) une double logique d'émancipation face à un exécutif abusant de ses pouvoirs et le retour de celui-ci.On remarque en effet des efforts considérables pour confisquer le pouvoir à l'exécutif par le législatif : des régimes d'assemblée comme en témoignent la constitution de 1793, le régime sous la Convention, le Directoire, la IIIe et la Ive République...
Paradoxalement, les tentatives de se libérer d'un exécutif fort semblent être des échecs : la Révolution aboutit à Robespierre, à Napoléon, à la Restauration, la Seconde République à Napoléon III, lorsque meurt la IIIe République vient... la dictature de Pétain, et la fin de la Ive République signifie le retour de De Gaulle critiqué pour son autoritarisme. C'est la raison pour laquelle nous allons nous demander :
La France est-elle condamnée à subir le retour à un régime marqué par un exécutif trop-puissant à chacun de ses efforts pour s'en libérer ? (Trop-puissant signifiant ici faisant obstacle aux libertés individuelles)
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