Faut-il que l’Union européenne adhère à la Convention européenne des droits de l’Homme ?
Commentaire d'arrêt : Faut-il que l’Union européenne adhère à la Convention européenne des droits de l’Homme ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar iboulaic • 8 Mars 2022 • Commentaire d'arrêt • 3 153 Mots (13 Pages) • 286 Vues
Boulaiche Droit des Libertés Fondamentales
Imrane
Dissertation : « Faut-il que l’Union européenne adhère à la Convention européenne des droits de l’Homme ? »
Dans l’inconscient collectif, l’Union Européenne (UE) et le Conseil de l’Europe sont souvent confondus, ou alors l’on considère que le Conseil est une des nombreux organes de l’UE.
Pourtant, l’histoire de ces deux institutions est différente et leurs objectifs peuvent parfois être divergents.
Ainsi l’UE reste une institution avant tout économique, elle est l’héritière lointaine de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (CECA) devenue par la suite la Communauté Economique Européenne (CEE) pour finalement devenir l’UE à la suite du traité de Maastricht en 1992. Bien entendu, l’origine économique de l’UE ne l’empêche pas d’être devenue un projet beaucoup plus large dans le cadre d’une forme d’unification de l’Europe. Afin de s’assurer une légitimité plus juridique et idéologique qu’économique dans le cadre de la construction européenne, l’UE s’est érigée en gardienne des droits fondamentaux via la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) qui se charge d’appliquer le droit de l’UE aux états membres. Les droits fondamentaux étant en effet consacrés par la jurisprudence de la CJCE (ancien nom de la CJUE) dans l’arrêt Internationale Handelsgesellschaft, (1) et ce via les Principes Généraux du Droit (PGD), principes prétoriens du droit de l’UE qui structurent sa jurisprudence.
On ne saurait oublier la Charte des droits fondamentaux de l’UE, adoptée en 2000, qui est une proclamation de divers droits fondamentaux. A noter qu’elle n’avait guère de portée obligatoire jusqu’au traité de Lisbonne en 2009.
Le Conseil n’est pas en reste, fondé le 5 mai 1949 par le traité de Londres, la raison d’être du conseil est de promouvoir l’idée européenne et les droits de l’homme au sens large via la Convention européenne des droits de l’homme. Il dispose pour cela à l’image de l’UE d’une juridiction propre, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), qui veille au respect par les états membres de la Convention. La Convention a été signée tant par des pays membres de l’UE que des pays extérieurs, notamment la Turquie et la Russie.
Etant donnée que le droit et la jurisprudence européenne sont soumis au respect des droits de l’homme et des droits fondamentaux, on pourrait à première vue penser qu’il n’y a nul besoin de pousser l’UE à adhérer à la Convention.
Pour autant, cette adhésion a déjà été décidée par le traité de Lisbonne en 2009, sur la base de l’article 6 du TUE, selon un protocole fixé par l’article 8 du TUE. Au niveau de la Convention, c’est l’article 59, paragraphe 2 qui rend possible l’adhésion de l’UE.
L’idée d’enfin structurer les rapports juridiques entre le droit de l’UE et la CEDH afin de synchroniser la protection des droits fondamentaux par les deux institutions est une idée qui remonte aux années 70, mais aujourd’hui encore, sa mise en œuvre n’est toujours pas assurée et l’UE ne fait toujours pas partie de la Convention.
La jurisprudence de la CJUE n’a jamais caché son opposition à une adhésion de l’UE à la CEDH pour diverses raisons, et ce depuis assez longtemps, ainsi en 1996, dans l’arrêt Adhésion de la Communauté à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la CJCE estime que « En l'état actuel du droit communautaire, la Communauté n'a pas compétence pour adhérer à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » (2)
Même après le traité de Lisbonne et les divers rounds de négociations entre la Commission Européenne et le Conseil ayant abouti à un accord de principe en 2013, la CJUE dans un avis 2/13 rendu en 2014 juge que « L’accord portant adhésion de l’Union européenne à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’est pas compatible avec l’article 6, paragraphe 2, du TUE ni avec le protocole (no 8) relatif à l’article 6, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne sur l’adhésion de l’Union à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. » (3) et juge que l’accord dégagé porterait atteinte à l’autonomie du droit communautaire.
A l’heure actuelle, les négociations sont toujours en cours.
Mais au-delà de l’actualité, au regard de la mise en œuvre du projet, on peut se demander s’il est vraiment nécessaire que l’UE adhère à la Convention européenne des droits de l’homme.
Les spécificités des deux institutions rendent incontournables leur coopération afin de renforcer les droits fondamentaux (I), de plus, l’existence de la Charte des droits fondamentaux de l’UE n’entre pas en contradiction avec les objectifs de l’adhésion de l’UE à la Convention (II).
- Deux institutions spécifiques aux objectifs différents, mais liées par les droits fondamentaux
- Des raisons d’être et des naissances divergentes
En effet, à l’origine, l’UE n’a rien d’une organisation vouée à la protection des droits et libertés fondamentales. L’UE a été pensée dés sa conception comme un moyen afin d’atteindre des objectifs économiques. Il suffit de constater que l’UE descend de la CECA, devenue CEE, pour voir cet état de fait. Bien entendu, cela n’empêche absolument pas de voir dans ces objectifs économiques la base d’une nécessité « d’exploiter » les droits fondamentaux pour servir ces objectifs économiques, notamment la libre circulation, et autres droits fondamentaux utiles au commerce.
A cet égard, au regard du retard avec lequel l’UE s’est décidée à adopter un document protégeant des droits fondamentaux, en sachant que ce même document était non contraignant à l’origine, le narratif classique selon lequel l’UE a été conçue comme la gardienne de la démocratie et des droits de l’homme en Europe en prend sérieusement un coup. En effet, la Charte des droits fondamentaux de l’UE ne date que de 2000, et sa portée obligatoire, que de 2009 avec le traité de Lisbonne.
Cela n’empêche pas que de nos jours, l’UE n’est plus comparable à ce qu’étaient les entités qui l’ont précédé, et que son évolution moderne montre incontestablement que les droits fondamentaux ont pris une place centrale dans le droit de l’Union.
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