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Essai sur la parasubordination

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Par   •  25 Février 2019  •  Cours  •  5 615 Mots (23 Pages)  •  865 Vues

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Semaine Sociale Lamy, Nº 1134, 8 septembre 2003

Essai sur la parasubordination

Considérations préliminaires : l’environnement sociologique et juridique

Le fondement doctrinal Le principe

Le fondement doctrinal Les domaines

Les instruments juridiques Droits individuels

Les instruments juridiques Droits collectifs

La protection sociale

- Essai sur la parasubordination

Mise à jour

À l’heure de l’avènement de la civilisation du savoir, le droit du travail peut-il encore reposer sur la traditionnelle dichotomie entre salariat et travail indépendant ? Plaidoyer pour une troisième qualification : celle de la parasubordination.

Classification par matière: Social

Jacques Barthélémy

avocat conseil en droit social honoraire

ancien professeur associé

fondateur

Considérations préliminaires : l’environnement sociologique et juridique

Au tout début des années 1960 - quelques temps avant sa disparition tragique dans le tremblement de terre d’Agadir - l’éminentissime Paul Durand prophétisait que, si la première moitié du XXe siècle avait été consacrée à la sophistication du droit du travail (sous-entendu salarié), celui-ci ne se terminerait pas avant que ne soient jetées les bases d’un authentique droit de l’activité professionnelle concernant tous les travailleurs, du plus subordonné au réellement indépendant. Ce droit serait constitué d’un tronc commun de règles assis sur trois piliers relatifs, le premier aux rapports individuels, le deuxième aux rapports collectifs de travail et le troisième à la protection sociale.

L’autonomie du droit du travail (salarié) est fondée sur l’état de subordination du travailleur salarié. De ce fait, cette discipline a surtout comme ambition de corriger les effets de cet état. D’où notamment un volume de dispositions légales impératives plus abondant que ce que recouvre la notion orthodoxe d’ordre public ; d’où aussi la règle de l’avantage favorable régissant la plupart des conflits de sources au point que l’on puisse parler de principe de faveur (même si c’est excessif). Bref, cette discipline tient son originalité du postulat de l’impossible équilibre contractuel, ce dont atteste au demeurant le caractère d’ordre public de la notion de contrat de travail. Dès lors est fort le sentiment que celui-ci constitue une catégorie alors qu’il n’est qu’une sous-catégorie du contrat de prestation de services.

Le droit du travail actuel a été conçu pour une organisation économique et sociale particulière, celle que caricature la société industrielle initiale, celle des Maîtres de forges. Au demeurant, à ses débuts, le droit du travail s’appelait législation industrielle. Si, pour les ouvriers et les employés subalternes, l’équilibre contractuel n’existe généralement pas, il est des catégories de travailleurs (salariés) pour lesquelles il est possible. En outre, le passage progressif, grâce aux progrès des techniques de l’information et de la communication, de la civilisation de l’usine à celle du savoir a pour conséquence l’inadéquation de plus en plus nette de ce cadre réglementaire du travail à la réalité du travail : de plus en plus de travailleurs ont en effet de plus en plus d’autonomie en raison de l’accès direct et total au savoir qu’autorisent ces progrès. Il en résulte que :

les organisations pyramidales sont progressivement remplacées par des organisations modulaires ;

les fonctions d’encadrement dépérissent au profit de fonctions d’expertise ;

des notions sur lesquelles ont été bâtis les droits collectifs, telle celle d’établissement distinct, perdront de leur pertinence en raison de la forte contraction du temps et de l’espace dans la vie professionnelle.

L’opposition entre contrat de travail et contrat d’entreprise s’est nourrie de la civilisation de l’usine et des philosophies prolétaristes qui l’ont accompagnée. Elle a d’autant plus favorisé la tendance expansive du salariat que pendant longtemps les travailleurs indépendants n’ont pas bénéficié d’un niveau satisfaisant de protection sociale. De ce fait du reste, le contentieux de la requalification a été surtout celui de l’accès à cette protection. Cela étant, quels qu’aient été les efforts pour donner plus de consistance à la notion de subordination caractéristique du contrat de travail, la frontière entre les deux types de contrats est restée floue. En fait, les positions des uns et des autres ont été beaucoup plus influencées par la culture que par le droit. Comment expliquer autrement par exemple le rejet sans nuances de certains membres de la profession d’avocat à l’égard de la présomption simple d’absence de contrat de travail liée à l’inscription au registre du commerce alors qu’ils soutenaient la thèse de la présomption irréfragable de statut de non-salarié des avocats collaborateurs ?

Au demeurant, de quelle subordination doit-on se préoccuper pour délimiter les champs respectifs du contrat de travail et du contrat de prestation de services ? La fonction essentielle du droit du travail, celle qui justifie son autonomie, c’est la protection du travailleur, y compris contre lui-même. Si l’on entend corriger par cet arsenal juridique les effets d’un état d’infériorité dans la relation contractuelle, il faudrait alors prendre en compte non seulement la subordination juridique mais aussi la dépendance économique. Le fait d’avoir identifié le contrat de travail à partir de la seule subordination juridique - c’est-à-dire au plan des conditions de travail - a eu de ce fait deux sortes d’effets pervers.

• Le premier est relatif à la notion de subordination elle-même. La civilisation de l’usine a contribué à donner pour le définir une importance excessive à la participation à un service organisé. De moyen de sanctionner la fraude à la loi, elle est vite devenue un critère déterminant, voire exclusif, de la subordination. Or, dans le cadre des organisations hiérarchiques caractéristiques de la civilisation de l’usine, tout travailleur participe peu ou prou à un service organisé. De ce fait, pour certains tout au moins, tout travailleur indépendant était un salarié qui s’ignorait. Ce n’est pas un hasard si, en raison du passage lent mais progressif de la civilisation de l’usine à celle du savoir, la Cour de cassation en vient à réduire le rôle de la participation à un service organisé à celui d’un simple indice, de surcroît ne pouvant être invoqué que si les conditions de travail sont définies unilatéralement par le donneur d’ordres (voir l’arrêt de principe du 13 novembre 1996, no 94-13.187, Société Générale). Désormais, la définition du salarié est identique en droits du travail et de la sécurité sociale et elle repose sur l’exécution de missions sur instructions du donneur d’ordres, qui peut contrôler et éventuellement sanctionner. Ceci ne peut que provoquer un reflux du champ du contrat de travail, spécialement s’agissant d’activités intellectuelles. Le sociologue américain F. Drucker a pu conclure que, dans la civilisation du savoir, ce ne seront plus les patrons et les salariés que l’on opposera, mais les seniors et les juniors sur la base du différentiel de compétence et de savoir faire.

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