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Dissertation sur la loi

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Par   •  16 Avril 2013  •  Dissertation  •  2 523 Mots (11 Pages)  •  6 446 Vues

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Dura lex, sed lex, « la loi est dure, mais c'est la loi » : il nous est arrivé à tous de trouver une loi injuste, absurde même, c'est-à-dire de la ressentir comme n'étant qu'une contrainte dénuée de légitimité, voire même de signification. Certes, il ne suffit pas que quelque chose nous semble injuste pour que ce soit effectivement le cas ; mais réciproquement, il ne suffit pas qu'une règle soit érigée en loi pour commander de notre part une obéissance aveugle : affirmer qu'une loi est juste parce qu'elle est loi, n'est-ce pas se montrer mûr pour toutes les dictatures, et s'avérer incapable d'autre chose que d'une servilité sans limites ? Car enfin, si une loi est bien une règle s'appliquant dans une société donnée, elle est humaine et non divine, historique, contingente, donc par définition imparfaite et arbitraire. En ce sens, il n'y a guère d'intérêt à se demander si la loi définit à coup sûr ce qui est juste en soi, parce qu'à l'évidence, il y eut bien des injustices (voire des atrocités) commises au nom de la loi elle-même. Les exemples ne manquent pas dans l'histoire, de lois foncièrement iniques, aberrantes ou même scandaleuses comme par exemple les totalitarismes du siècle dernier, qui étaient aussi sanglants que législateurs jusqu'au délire. En ce sens, dire que la loi définit ce qui est juste, c'est renoncer à poser la question de la possible injustice des lois, et telle était bien la défense des dignitaires nazis lors du procès de Nuremberg : nous n'avons pas à être jugés, parce que nous n'avons commis aucune injustice ; et nous n'avons commis nulle injustice, parce que nous nous sommes contentés en tous points d'appliquer les lois de notre pays. On peut aussi citer l’exemple d’Antigone qui enfreint la loi de Créon, le roi, pour honorer la loi divine, et offrir une sépulture à son frère. Il est donc des choses au-dessus de la loi (sou entendu humaine). Une question se pose alors: une loi injuste n'a-t-elle pas finalement de loi que le nom ? Mais en ce cas, si une loi véritable se doit d'être juste, la difficulté devient celle de l'identification du critère pertinent : quel critère retenir pour décider de la justice (ou de l'injustice) d'une loi ? Or, cette interrogation est d'autant plus problématique que la fonction de la loi elle-même, c'est précisément de définir ce qui est juste et ce qui ne l'est pas ; y a-t-il seulement un sens, par conséquent, à s'interroger sur la justice de la loi, puisque cela reviendrait à juger la loi au nom de la conséquence qu'elle rend possible ? Le problème se complique encore du fait qu'il faut distinguer la dimension matérielle de la loi (ce sur quoi elle porte) de sa dimension formelle (l'instance qui l'érige en loi) : de chacun de ces points de vue, à quelles conditions une loi peut-elle être réputée juste, c'est-à-dire considérée comme une loi en droit, et non simplement en fait, une loi en d'autres termes qui définirait justement ce qui est juste ?

Envisager que ce n'est pas la loi qui définit ce qui est juste, revient à poser qu'il y a un critère du juste et de l'injuste supérieur à la loi elle-même. Or cela ne va pas de soi : si le rôle de la loi, c'est précisément de juger du juste et de l'injuste, à quelle justice en appeler pour estimer la loi ? Telle est du moins la thèse de Hobbes : « une loi est par définition toujours juste, parce que la justice est la conséquence de la loi, et qu'il serait absurde d'estimer un principe à partir de ce qu'il rend lui-même possible. » L'idée est bien la suivante : avant les lois, c'est-à-dire avant l'état civil, il n'y avait que l'état de nature et sa guerre de tous contre tous, où la seule loi ayant cours était celle du plus fort. L'état de nature est celui où la force tient lieu de loi ; et c'est précisément pour mettre fin à ce prétendu droit du plus fort que les hommes ont inventé les lois positives. Ainsi donc à l'état de nature, la justice n'avait pas de sens, puisque seule comptait la force ; c'est avec l'établissement des lois civiles qu'on a pu penser que quelque chose était juste, ou ne l'était pas – et ce qui n'est pas juste, c'est ce qui va à l'encontre de la loi. En d'autres termes, c'est bien la loi (et elle seule) qui définit ce qui est juste, puisqu'il n'y a pas de justice sans loi : hors la loi, il n'y a que le règne de la force, et la force ne fait pas le droit.

Du seul fait qu'elle est, une loi est nécessairement juste, puisque le juste, c'est simplement ce que la loi prescrit, et l'injuste ce qu'elle interdit ou prohibe. N'est-ce pas cependant là une manière de dissoudre la difficulté au lieu de la traiter ? D'autant plus que Hobbes fait reposer sa thèse, qu'on nommera à bon droit celle d'un positivisme juridique, sur la fiction d'un état de nature dont rien ne vient démontrer l'existence. Au lieu de renoncer ainsi à rapporter la loi à une instance qui lui soit supérieure en jugeant d'emblée la démarche absurde, peut-être vaudrait-il mieux se demander à quelle condition une telle instance serait légitimée dans ses prétentions à juger des lois elles-mêmes. Si maintenant nous appliquons la distinction de la dimension formelle et de la dimension matérielle de la loi, la question se dédouble : y a-t-il un critère matériel de la justice des lois, et y a-t-il un critère formel ? Autrement dit : est-il possible de dire qu'une loi est juste, ou injuste, suivant ce sur quoi elle porte (critère matériel) et suivant le pouvoir législatif qui lui confère son statut de loi (critère formel) ?

On peut ici songer à l'étude que fait Aristote des différents systèmes politiques. Toutes les formes de gouvernement se répartissent selon deux distinctions fondamentales : la nature du souverain (le corps qui décide de la loi) et la finalité de la loi (ce qu'elle sert). Toute loi est soit au service du bien commun, soit au service du bien particulier de quelques-uns. De son côté, le souverain peut être constitué d'une seule personne, de quelques-uns ou de tous les citoyens. Il y a donc six régimes possibles : si la loi est votée en vue du bien commun par un seul, monarchie ; par quelques-uns, aristocratie ; par tous, démocratie. Si la loi est pervertie et ne sert que les intérêts particuliers de ceux qui en décident, il s'agira d'une tyrannie (si le souverain est un individu isolé) ; d'une oligarchie s'ils sont quelques-uns, et d'une

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