Contentieux européen CJCE 10 avril 2008
Commentaire d'arrêt : Contentieux européen CJCE 10 avril 2008. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar VLRABCCours • 23 Septembre 2022 • Commentaire d'arrêt • 2 541 Mots (11 Pages) • 322 Vues
Contentieux européen
Le recours en manquement – CJCE 10 avril 2008 (Aff. C.443/06)
Le recours en manquement, prévu par les articles 226 à 228 du Traité communautaire et visant à constater qu’un Etat membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du Traité, présente une place importante dans le système juridique communautaire.
Il apparaît comme une voie de droit reflétant les caractéristiques de l'ordre juridique communautaire. Il confirme notamment le rôle important dévolu à la Commission en tant que gardienne du droit communautaire.
Le droit dérivé alimente la majeure partie des recours en manquement, en particulier, la transposition et l'application des directives communautaires.
En effet, il arrive fréquemment que les Etats transposent une directive en violant ses objectifs. Or, une directive n'a pas d'effet direct horizontal. Par conséquent, le recours en manquement concerne ces directives spécifiques. Il permettra à la Commission de vérifier leur transposition correcte et uniforme.
Dans un arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) le 10 avril 2008, la République italienne est à nouveau poursuivie pour manquement à ses obligations communautaires après avoir transposé tardivement et de façon incorrecte une directive.
En l'espèce, la directive 1999/31/CE, du Conseil, du 26 avril 1999, concernant la mise en décharge des déchets, a été transposée dans l'ordre juridique italien près de deux ans après la fin du délai de transposition convenu.
Suite à cela, la Commission des Communautés européennes a envoyé à la République italienne deux lettres de mise en demeure faisant état du caractère incorrect de la transposition. Ne s'estimant pas satisfaite des réponses produites par les autorités italiennes, elle leur a fait parvenir un avis motivé auquel lesdites autorités ne se sont pas conformées.
Au terme de cette procédure précontentieuse peu concluante, la Commission a finalement décidé d'introduire un recours en manquement.
Par sa requête, la Commission demande à la Cour de constater que, en adoptant et en maintenant en vigueur un décret qui transpose dans le droit national les dispositions de la directive précitée la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2 à 14 de ladite directive.
Pour sa défense, l'Italie évoque différents motifs et causes d'exonération, liés notamment à son retard dans la transposition de la directive.
La République italienne considéra que le recours ne pouvait aboutir pour plusieurs raisons.
D’une part, un vice relatif à la phase précontentieuse entachait la procédure, d’autre part parce que la Commission ne peut selon elle, saisir la cour sur la seule base d'un retard de transposition qui n’a plus lieu d’être.
En outre, la République Italienne estime que la directive est depuis lors correctement transposée en droit interne, notamment dans le cas des articles de la directive relatifs aux décharges transitoires. Elle rappelle enfin que l'aboutissement d'un tel recours suppose l'adoption d'une décision qui forcerait sa législation à se conformer à la directive : or un tel dispositif interviendrait inexorablement après l'expiration du régime transitoire fixé par la directive et prévu pour le 31 décembre 2006.
La Commission considère en revanche qu'aucun vice n'entache la phase précontentieuse et constate que l'Italie a manifestement violé les articles 2 à 13 puisqu'ils n'étaient pas appliqués du fait du retard accumulé par rapport à la transposition la directive, et rajoute que le fait que l'Italie attendait l'adoption de la décision 2003/33 ne joue aucunement sur le délai de transposition, qui ne dépend pas de l'existence de cet acte.
Elle estime en outre que la directive fixe des règles transitoires aux décharges existantes à partir du 16 juillet 2002, or, non seulement, l'Italie n'applique pas ces règles aux décharges existantes, mais en prime, elle mettrait en œuvre ces mesures transitoires, uniquement pour les décharges nouvelles.
Cet arrêt amène à se questionner sur l'étendue du pouvoir de la Commission dans le cadre du recours en manquement et sur les moyens de défense recevables, notamment ceux tirés du retard de l'Etat dans la transposition.
La Cour rappelle qu'« un État membre ne saurait exciper de la mise en œuvre tardive d’une directive, de sa part, pour justifier l’inobservation ou le retard dans l’exécution d’autres obligations imposées par cette même directive ».
Après avoir rejeté toutes les causes d'exonération invoquées par l'Italie et accueilli tous les griefs invoqués par la Commission, la CJCE déclare que la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2 à 14 de la directive 1999/31.
Dans cet arrêt, la CJCE réaffirme le pouvoir et la liberté de la Commission dans la mise en œuvre du recours en manquement (I) qui l'ont conduite à renforcer implicitement la sécurité juridique des individus, en réaffirmant le caractère contraignant des directives, et en reconnaissant l'intérêt indéniable que présente la poursuite de l'action en manquement, alors même que la situation litigieuse serait réglée à la suite de l'expiration du délai fixé par l'avis motivée confirme l'appréciation restrictive des causes d'exonération du fait du caractère objectif de ce recours (II) notamment en ce qui concerne les exceptions d'irrecevabilité du recours opposé par l'Italie, et les justifications qu'elle produisît pour expliquer le retard de transposition de la directive.
I. Pouvoir et liberté de la Commission dans la mise en œuvre du recours en manquement
La Commission est relativement libre dans la mise en œuvre de la procédure précontentieuse tant qu'elle respecte les droits de la défense (A). Elle possède en outre un pouvoir discrétionnaire s'agissant de l'opportunité, des moyens, et du moment de l'introduction d'un recours en manquement contre l'Etat membre (B).
- Mise en œuvre libérale de la procédure précontentieuse dans le respect des droits de la défense
- La procédure du recours en manquement passe par trois initiatives de la Commission : la mise en demeure, l’avis motivé et éventuellement, la saisine de la Cour
- Une phase officieuse de dialogue entre la Commission et l'Etat membre avant la procédure et, à partir de ce stade, le caractère contradictoire de la procédure est garanti : c’est une phase précontentieuse qui a pour but d'éviter le recours à la juridiction de la CJCE en mettant l'Etat en mesure de préciser les faits ou corriger ses manquements au droit communautaire
- Une lettre de mise en demeure est envoyée à l'Etat par la Commission et assortie d'un délai de réponse. La lettre sert, d'une part, à fixer l'objet du litige et, d'autre part, à indiquer à l'Etat qu'il est invité à produire ses observations et éléments de sa défense. Cette lettre oblige la Commission à exposer par écrit son argumentation juridique.
- Si cette lettre ne suffit pas, la Commission doit passer à un stade plus contraignant : l'avis motivé précisant la position de la Commission quant au manquement et toutes les mesures juridiques et concrètes que l'Etat doit prendre pour se conformer au droit communautaire.
- L'avis donne un délai à l'Etat pour mettre fin au manquement.
- La régularité de la procédure précontentieuse constitue une garantie essentielle voulue par le traité CE, non seulement pour la protection des droits de l’État membre en cause, mais également pour assurer que la procédure contentieuse éventuelle aura pour objet un litige clairement défini. Il résulte de cette finalité que la lettre de mise en demeure a pour but, d’une part, de circonscrire l’objet du litige et d’indiquer à l’État membre, qui est invité à présenter ses observations, les éléments nécessaires à la préparation de sa défense et, d’autre part, de permettre à celui-ci de se mettre en règle avant que la Cour ne soit saisie (arrêts du 13 décembre 2001, Commission/France, C-1/00, et du 5 novembre 2002, Commission/Allemagne, C 476/98) ».
- Possibilité pour la Commission d'envoyer une lettre de mise en demeure complémentaire ajoutant des griefs sans que cela ne porte atteinte aux droits de la défense sous deux conditions : la Commission doit fixer à l'État membre un nouveau délai pour présenter ses observations et l'avis motivé doit être fondé sur les mêmes griefs que ceux figurant dans cette lettre de mise en demeure complémentaire.
- L'Etat membre doit être en mesure de préparer sa défense avant de recevoir l’avis motivé, ce que la Cour en l’occurrence a admis pour le gouvernement italien.
- Mise en évidence par la Cour de la liberté relative de la Commission dans la mise en œuvre de la procédure précontentieuse avant le stade de l'avis motivé qui fixe définitivement l'objet du litige. Ainsi, tant qu'elle n'a pas émis d'avis motivé, la Commission est libre d'ajouter des griefs, la seule limite étant le respect des droits de la défense.
B - Pouvoir discrétionnaire de la Commission : appréciation de l'opportunité, des moyens et du moment du recours en manquement
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