Conseil national des barreaux
Commentaire d'arrêt : Conseil national des barreaux. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Bayan • 3 Novembre 2019 • Commentaire d'arrêt • 1 955 Mots (8 Pages) • 2 579 Vues
COMMENTAIRE D’ARRÊT
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Par l’arrêt du 10 avril 2008, le Conseil d’État se retrouve à aborder le délicat sujet « de la cohabitation des ordres juridiques européens et nationaux » (A. REMEDEM).
En l’espèce, le 4 décembre 2001, le Parlement européen et du Conseil ont promulgué une directive qui modifiait une autre directive antérieure du Conseil en date du 10 juin 1991 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux. Cette directive permet d’étendre les obligations qu’elle édicte en matière d’identification des clients, de conservation des enregistrements et de déclaration suspecte à certaines activités et professions. Cet élargissement inclut les notaires et les membres de professions juridiques indépendantes.
En d’autres termes, cette directive demande que l’obligation du secret professionnel soit levée lorsque le conseiller juridique prend part à des activités de blanchiment de capitaux ou si la consultation juridique est fournie aux fins du blanchiment de capitaux.
Par conséquent, le 25 août et 21 décembre 2006, le Conseil national des barreaux et autres, demandent au Conseil d’État d’annuler, pour excès de pouvoir, trois dispositions du décret du 26 juin 2006 relatif à la lutte contre le blanchiment de capitaux et modifiant le Code monétaire et financier. Le 28 août et 28 décembre 2006, le Conseil des barreaux européens enregistre une demande d’annulation pour excès de pouvoir sur deux dispositions du décret du 26 juin 2006 et demande, à la charge de l’État, un versement de la somme de 8000€. En effet, le Conseil national des barreaux et autres, ainsi que le Conseil des barreaux européens considèrent que les textes méconnaissent la Convention des droits de l’homme ainsi que la loi et les principes généraux du droit communautaire et cela, malgré l’avis de la Cour de justice des Communautés européennes qui a considéré que les textes n’étaient pas contraires au droit européen et qu’ils ne mettaient pas en péril le principe de sécurité juridique.
Alors que la requête du Conseil national des barreaux reposait sur la conformité de la directive à l’encontre des droits fondamentaux dont celui de la sécurité juridique, le juge a eu à s’interroger sur sa capacité à interpréter les directives européennes. Une question à laquelle l’arrêt Foto-Frost rendu par la Cour de justice, le 22 octobre 1987, a déjà répondu.
En effet, dans cet arrêt, la Cour de justice a considéré que les juridictions nationales étaient compétentes pour examiner la validité d’un acte communautaire.
Par conséquent, le Conseil d’État a annulé les articles du décret du 26 juin 2006 qu’il considérait contraires aux droits fondamentaux.
En quoi, par cet arrêt, le juge a élargi son contrôle de conventionnalité ?
L’arrêt du 10 avril 2008 est fondamental en ce qui concerne l’élargissement du domaine de compétence du juge administratif afin d’interpréter les actes de droit de l’Union européenne dérivé et plus particulièrement, les directives européennes et cela, en l’absence de difficultés sérieuses.
En prenant cette décision, le juge administratif confirme et étend même l’arrêt Société Arcelor de 2007 dans lequel le Conseil d’État a réalisé une « opération de translation », ce qui consiste à rechercher si la règle constitutionnelle invoquée par le requérant ne trouve pas d’équivalent en droit communautaire.
Par l’arrêt Conseil national des barreaux, le juge administratif élargi sa compétence en ce qui concerne la mise en cause d’un texte national d’application est contesté à l’égard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dont les principes fondamentaux sont assimilés à des principes généraux du droit de l’Union européenne.
Il convient d’abord, dans un premier temps, l’avancée du juge en droit dérivé (I), avant de se concentrer, dans un second temps, sur son élargissement de compétence (II).
I – Le pas en avant du juge administratif en matière de droit dérivé.
Par cet arrêt, le juge a confirmé son rôle dans le contrôle des directives européennes (A), consacrant ainsi, davantage, la place du droit communautaire dans l’ordre interne (B).
A. Interprète des directives européennes.
« Le juge administratif, juge européen », c’est ainsi que F. CHALTIEL a défini le juge administratif au fur et à mesure de ses jurisprudences et l’élargissement de son domaine.
En effet, bien loin est le temps de l’arrêt Syndicat général des semoules de France de 1968 dans lequel, le Conseil d’État refusait d’assurer la primauté du traité sur une loi qui lui était postérieure malgré l’article 55 de la Constitution.
Dorénavant, il est possible de dire qu’il est difficile d’arrêter le juge administratif dans sa lancée. Depuis l’arrêt Nicolo de 1989, où le juge administratif a accepté de faire prévaloir le traité sur la loi postérieure, le Conseil d’État continue d’élargir son domaine, devenant un véritable interprète des directives européennes.
Dans cet arrêt du 10 avril 2008, le Conseil d’État a consacré son rôle en ces termes : « Il appartient en conséquence au juge administratif, saisi d’un moyen tiré de la méconnaissance par une directive des stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’hommes et des libertés fondamentales, de rechercher si la directive est compatible avec les droits fondamentaux garantis par ces stipulations ; qu’il lui revient, en l’absence de difficulté sérieuse, d’écarter le moyen invoqué, ou, dans le cas contraire, de saisir la Cour de justice des communautés européennes d’une question préjudicielle ».
Quant à la loi de transposition, « Le Conseil d’État décide de le lier à celui de la directive, en faisant primer sur son apparence formelle (loi), sa réalité matérielle (une directive). Ainsi, appréhendée par sa substance, contrôler la loi de transposition revient en réalité à contrôler la directive » (Pr. Pascale DEUMIER ; RTD Civ. 2008 p.444) et c’est cela que le juge administratif a fait dans l’arrêt du 10 avril 2008. Il a dû, avant tout, vérifier que la loi procédait exactement à la transposition des dispositions de la directive. Ainsi, et au fur et à mesure de ses conclusions, le Conseil d’État s’autoproclame contrôleur des directives européennes.
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