Conseil d’Etat, Thérond, 4 mars 1910
Commentaire d'arrêt : Conseil d’Etat, Thérond, 4 mars 1910. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar anna12341 • 26 Septembre 2020 • Commentaire d'arrêt • 2 202 Mots (9 Pages) • 4 016 Vues
Commentaire d’arrêt
Conseil d’Etat, Thérond, 4 mars 1910
Un litige portant sur un marché passé entre une ville et une personne privée, ce dernier incluant la capture et la mise en fourrière d’animaux nuisibles, implique-t-il la compétence du juge administratif ? C’est à cette question qu’a répondu le Conseil d’Etat dans un arrêt datant du 4 mars 1910 « Thérond ».
Dans ce cas d’espèce, la ville de Montpellier et M. Thérond ont passé ensemble un marché aux termes duquel la ville lui concédait le monopole de la capture et de la mise en fourrière des chiens errants ainsi que l'enlèvement des bêtes mortes, contre une rémunération. Or, la ville n’a pas effectué sa part du marché concernant le paiement de M. Thérond. Un litige intervient, et M. Thérond tente de faire prononcer la résiliation du marché ainsi que l'obtention de dommages et intérêts.
Pour y parvenir, M. Thérond forme devant le conseil de préfecture de l’Hérault une demande de dommages et intérêts. Cette demande est rejetée par ledit conseil qui se déclare incompétent. M. Thérond fait alors appel devant le Conseil d’Etat pour faire valoir ses droits et obtenir réparation.
Dans sa solution, en premier lieu, le Conseil d’Etat se déclare compétent pour se prononcer sur ce litige. Ainsi, il déclare l’illégalité du marché passé entre les deux parties. Etant donné qu’il ne peut être assimilé à un marché de travaux publics, il considère que ce monopole d'activité est contraire au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, ainsi qu'à la loi du 21 juin 1898, qui autorise les propriétaires de bêtes mortes à en opérer eux-mêmes la destruction. La ville n’ayant pas pu remplir ses engagements vis-à-vis du concessionnaire, le Conseil d’Etat prononce au profit de M. Thérond la résiliation du marché et ordonne une expertise afin d’apprécier l'indemnité qui lui est due.
Le marché passé entre la ville de Montpellier et M. Thérond constitue-t-il une concession de service public, impliquant de fait l’application du régime administratif et la compétence du juge administratif ?
Le Conseil d’Etat inscrit l’arrêt Thérond dans une dynamique jurisprudentielle particulière initiée par le Tribunal des Conflits, de renforcement de la juridiction administrative. Ainsi, le Conseil d’Etat en l’espèce a opéré une extension du régime de droit administratif applicable à tous les contrats passés en vue de la réalisation d’un service public (I), ce qui lui permet de pouvoir statuer sur ce litige. De ce fait, il renforce la compétence générale du juge administratif par le seul critère du service public (II).
I. L’extension du régime administratif par la caractérisation d’un service public
L’arrêt Thérond s’inscrit dans une évolution jurisprudentielle particulière, tendant à faire du service public un critère incontournable de la compétence du juge administratif et le fondement du régime administratif. L’arrêt Thérond apporte sa pierre à l’édifice, et tend à élargir l’application du régime administratif à tous les actes d’exécution du service public quels qu’ils soient (A). Cette volonté se traduit plus précisément par l’extension du régime administratif à tous les contrats passés entre l’administration et une personne privée dès lors qu’un service public entre en compte (B).
A) Le service public comme critère d’application du régime administratif
Le service public peut se définir par une activité d’intérêt général, exercée sous le contrôle de l’administration et soumise à un régime juridique particulier. Cette notion a été développée par « l’école du service public » fondée par des juristes dont Gaston Jèze et Léon Duguit. Pour ces auteurs, le service public est régi par le droit administratif et relève de la compétence de la juridiction administrative. Par un arrêt du 6 décembre 1855 « Rothschild », le Conseil d’Etat initie ce mouvement jurisprudentiel de renforcement des juridictions administratives, en consacrant cette théorie du service public. Cette théorie sera par la suite systématisée, par le Tribunal des conflits et par le Conseil d’Etat avec d’autres décisions (« Blanco », 8 février 1873 ; « Terrier », 6 février 1903 ; « Feutry », 29 février 1908).
L’arrêt Thérond va mettre en œuvre cette interprétation. En ce sens, les tribunaux administratifs sont faits pour appliquer les règles spéciales du droit administratif, cette théorie étant directement rattachée au fonctionnement des services publics. Dès lors, l'acte administratif, est l'acte d'un agent administratif accompli à l'occasion d'un service public. La compétence revient de fait à la juridiction administrative en application des règles du droit administratif. Pour autant, l’arrêt Thérond n’exclut pas la possibilité qu’une personne privée puisse exercer cette mission spéciale. En l’espèce, M. Thérond est un particulier, une personne privée qui est assimilée à l’administration et à la ville par la mission spéciale qui lui est confiée. Par-là, le Conseil d’Etat confirme la possibilité pour une personne privée de gérer un service public, solution qu’il a posé précédemment dans l’arrêt Terrier.
Cependant, si le Conseil d’Etat avait admis dans l’arrêt Terrier la possibilité d’appliquer le droit commun pour une gestion privée du service public, il abandonne cette solution dans l’arrêt Thérond et exclut cette possibilité pour les contrats de l’administration conclus dans l’intérêt du service public. Ainsi, l’arrêt Thérond ne permet plus au droit commun de s’appliquer aux actes qui ont un lien direct avec le service public. Le juge administratif devient le seul et unique juge compétent pour statuer sur les actes d’exécution d’un un service public.
C’est à travers ce point précis que le Conseil d’Etat expose sa position plutôt stricte sur la prise en compte du service public. Il est possible de comprendre qu’à partir de là, la simple reconnaissance du service public a dès lors pour conséquence immédiate que l’activité est régie par le droit public.
Ainsi, si tout acte passé en vue de l’exécution du service public devient un acte administratif, le contrat passé entre la ville de Montpellier et M. Thérond est concerné par cette règle.
B) Le
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