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Conférence, droit à la sécurité droit à la sûreté Septembre 2016

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Par   •  30 Octobre 2017  •  Discours  •  2 239 Mots (9 Pages)  •  660 Vues

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CONFERENCE

« Du droit à la sûreté au droit à la sécurité »

Jean-Baptiste Perrier, Sylvie Cimamonti et Christine Lazerges

La Commission Nationale Consultative des droits de l’homme a été créée en 1947 et c’est la plus ancienne autorité administrative indépendante. Le but étant d’assurer les engagements pris par la France à l’international.

Le constat étant que la sécurité qui repose sur l’illusion d’une vie sans danger, légitime la renonciation à un certain nombre de garanties. La question : faut-il accepter que ce droit à la sécurité l’emporte ou soit privilégié par rapport au droit à la sûreté. Le constat second est la fondamentalisation du droit récent à la sécurité qui semble entrainer une régression du droit à la sûreté. Ces régressions ont finalement pour conséquence un équilibre difficile à garantir entre ces deux droits fondamentaux qui sont les noyaux durs de l’Etat de droit.

Par Etat de droit ce n’est pas l’Etat de police, c’est un Etat démocratique, respectueux des libertés et droits fondamentaux, respectueux du droit de la sûreté. Ce droit à la sûreté figure entre la propriété et la résistance à l’oppression dans la liste des droits imprescriptibles. La déclaration de 1948, celle rédigée en partie par René Cassin, dit aussi que chacun a droit à la liberté et sûreté de sa personne. C’est un droit imprescriptible qui suppose le droit de ne pas être accusé ou détenu, le droit à la protection de la liberté individuelle.

Il convient maintenant de bien distinguer le droit de la sûreté et le droit de la sécurité. Pendant longtemps, il y avait une confusion entre ces deux notions.

Le droit à la sécurité entendu strictement n’est expressément consacré que depuis le 21 janvier 1995. Dans la loi du 18 mars 2003 est écrit : « la sécurité est un droit fondamental et l’une des conditions de l’exercice de la liberté individuelle et collective ».  

Ce droit est aussi fondamentalisé dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui de manière récurrente, adopte cette formule. Dans une quantité de décisions, il considère que la conciliation doit être opérée entre l’exercice des libertés individuelles et la recherche des auteurs des infractions.

Le seul droit à la sécurité au sens propre dont il est question dans la déclaration universelle du droit de l’homme est à l’article 22, relatif à la sécurité sociale (en cas d’invalidité, de vieillesse ou dans tous les autres cas de perte de ses moyens à la suite de circonstances indépendantes de sa volonté). Ce n’est pas une question dont on attend aujourd’hui. Actuellement, il s’agit d’une autre sécurité qui est privilégiée que celle relative à la vieillesse, à la maladie ou le chômage. Ce qui est intéressant dans ce texte de 1948 est qu’il n’y a pas qu’une sécurité mais DES sécurités car la vie nous confronte à des nombreuses insécurités alimentaires, environnementales ou dues à des peurs légitimes pouvant envahir l’imaginaire collectif, jusqu’à faire oublier qu’il n’y a pas de risque zéro et que la vie est un risque.

Toutes les victimes de ces insécurités doivent bénéficier d’une attention extrêmement forte et une protection des pouvoirs publics très sérieuse.

Le problème qui se pose aujourd’hui est que le législateur a une marge d’appréciation considérable pour réduire les garanties de l’exercice des libertés individuelles. L’attention que le législateur a porté dans la lutte contre le terrorisme a conduit à un éclatement de la procédure pénale. Après 25 lois votées après l’émotion, bien souvent en usant la procédure d’urgence aujourd’hui appelée « procédure accélérée », nous avons une multitude de textes qui limitent le droit à la sûreté.

Depuis la loi du 21 juillet 2016, il y a une prorogation jusqu’à six mois de l’état d’urgence. Le 14 janvier 2016, le Procureur général auprès de la Cour de cassation dans son discours de rentrée disait : « face aux défis et aux enjeux, ce peut être une opportunité de modifier notre ordre juridique ». Il ne faut pas contourner notre Etat de droit. Ces régressions ou contournements, nous y sommes confrontés.

Parmi les atteintes inévitables à la liberté, il y a :

  • Les perquisitions (3500 familles perquisitionnées).
  • L’atteinte à la liberté de travailler, de mener une vie familiale, normale et réelle est très forte en matière d’assignation à résidence. La jp du Conseil d’Etat a permis que ses atteintes soient moins rudes. Il y avait eu un début sur la constitutionnalisation de l’état d’urgence qui au final ne changeait pas grand-chose. L’état d’urgence ne pose aucun problème juridique puisqu’en ce moment il y a l’état d’urgence alors que ce n’est pas prévu dans la Constitution. En raison des mesures administratives autorisées, la France a dû signifier au Conseil de l’Europe à user de l’article 15 de la CEDH afin de déroger aux obligations prévues par la Convention, sauf pour les droits indérogeables comme le droit à la vie et le fait de ne pas subir de traitements inhumains ou dégradants.
  • Les atteintes potentielles à l’égalité : l’état d’urgence fait basculer l’équilibre nécessaire entre droit à la sûreté et droit à la sécurité. Mais qu’en est-il du principe d’égalité ?
  • La déchéance de nationalité : le principe d’égalité devait en principe empêcher que l’on vote la déchéance de nationalité dès lors où elle n’était envisagée que pour les binationaux. C’était une inégalité entre les binationaux et les mononationaux. La déchéance ne pouvait s’appliquer qu’à des cas circonscrits à des personnes qui viennent d’acquérir la nationalité française. L’extension de la déchéance est une atteinte à l’égalité entre les citoyens et la stigmatisation des binationaux, mais aussi à l’inefficacité envers les terroristes car ils souhaitent eux-mêmes se donner la mort. Dans l’article 25 du code civil, les choses existaient déjà dans des conditions très restrictives. Sur le plan de cette déchéance de nationalité, la CEDH a articulé son avis sur le sujet en s’appuyant pas seulement sur la jurisprudence mais à un article qui n’a pas de valeur normative qui est l’article 4 de la déclaration universelle des droits de l’homme qui dit que « tout individu a droit à une nationalité ». Il n’est donc pas possible d’exclure la déchéance de la nationalité car il s’agit d’une appartenance au genre humain, donc la supprimer reviendrait tout simplement à porter atteinte à la dignité humaine.
  • Un droit pénal qui devient un droit pénal de la dangerosité : on peut parler de mutation du droit pénal sous le choc du terrorisme. Ce sont les fondements du droit pénal classique qui sont ébranlés, comme la présomption d’innocence et le principe d’égalité. Il ne faut pas nier l’effet pervers des peuples, plus précisément la dangerosité du droit pénal de l’ennemi. Quand une peur se met à dominer la réflexion de tout un peuple, d’autres sujets lourds de conséquence passent à la trappe au profit d’autres, moins majeurs. Les figures de la dangerosité changent dans le temps et l’espace – avant, agressions sexuelles et aujourd’hui il y un amalgame entre le terrorisme et la crise migratoire, ce qui atteint la fraternité. Il y a une énorme difficulté de la part de nos citoyens à accepter que le principe de laïcité soit d’abord un principe de respect des différences.
  • Dans le droit pénal de l’ennemi, le droit à la sécurité écrase le droit à la sûreté, c’est un droit d’exception qui doit s’application aux ennemis de la société

La conclusion optimiste serait de dire que le double mouvement des contrôles de constitutionnalisation et de conventionnalisation devrait suffire à assurer cet équilibre nécessaire entre droit à la sûreté, droit à la sécurité mais par contre à la condition que le juge judiciaire ne vit pas cette éviction qu’il vit aujourd’hui. La conclusion optimiste est plus une utopie puisque l’esprit de sécurité prend le dessus sur l’esprit de sûreté. 

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