Commentaire d'arrêt comparé du 7 mars 1989 du 26 mai 2006
Commentaire d'arrêt : Commentaire d'arrêt comparé du 7 mars 1989 du 26 mai 2006. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar CCdrc • 18 Février 2018 • Commentaire d'arrêt • 1 940 Mots (8 Pages) • 2 351 Vues
Dans les arrêts en date du 7 mars 1989 rendus par la chambre commerciale et du 26 mai 2006 par la chambre mixte, la cour de cassation a eu l’occasion de statuer sur la sanction attachée à la violation d’un droit de préemption.
Dans la première espèce, un pacte d’actionnaires extrastatutaire est signé entre les actionnaires majoritaires d’une société holding dont les actions sont cotées à la bourse de Lyon. Quelques années plus tard, deux d'entre eux accordent des options d’achat irrévocables à la société Saigmag. Celle-ci peut donc acquérir le contrôle de la société en achetant toutes les actions qui se présenteraient. Les autres actionnaires, membres du pacte de préemption, agissent en justice et demandent l’exécution forcée de la clause de préemption et le transfert à leur profit des actions cédées contre leur gré à la société Saigmag. La cour d’appel reconnaît la validité du droit de préemption et ordonne à la société Schwich et Baizeau de remettre aux consorts les ordres de mouvement des actions contre remise du prix et qu’à défaut d’exécution dans le délai imparti, la décision vaudrait ordre des mouvements contre consignation du prix. La société avait donc formé un pourvoi en cassation.
Dans la deuxième espèce, un acte de donation-partage établie sur un bien immobilier à Tahiti. Cet acte, publié à la conservation des hypothèques, contient un pacte de préférence. Vingt-sept ans plus tard, le propriétaire procède à une donation-partage sur une parcelle de l'immeuble, et ce en rappelant le pacte de préférence. Le nouvel attributaire vend le bien à la société civile immobilière Emeraude (SCI) par acte notarié.
La bénéficiaire du pacte réclame sept ans plus tard sa substitution dans les droits de l'acquéreur (la SCI) et subsidiairement le paiement de dommages-intérêts. Les juges du fond la déboutent de sa demande. Elle faisait donc valoir la responsabilité du notaire et la responsabilité contractuelle du promettant en énonçant que la réparation du dommage se fait par l’exécution en nature de l’obligation mais également qu’un pacte de préférence s’analyse en droit de préemption dont la violation doit entrainer la substitution du bénéficiaire du pacte à l’acquéreur dans les termes de la vente.
La question soulevée par les deux espèces est de savoir si le bénéficiaire du pacte dont le droit personnel a été méconnu doit il se contenter de dommages-intérêts ou bien peut-il prétendre à une exécution forcée de son droit de préemption ?
Dans la 1ère espèce, la cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel, au visa de l’article 1142 du code civil. Elle fait valoir qu’en mettant à néant la convention et en ordonnant la substitution des bénéficiaires du droit de préemption à l’acquéreur dans la propriété des actions, la cour d’appel, qui n’a pas retenu que l’acquisition des titres de la société Schwich et Baizeau faite par la société Saigmag résultait d’une collusion frauduleuse entre cédants et cessionnaires a violé le texte susvisé.
Dans la deuxième espèce, la cour de cassation rejette le pourvoi en faisant valoir que si le bénéficiaire d’un pacte de préférence est en droit d’exiger l’annulation du contrat passé avec en tiers en méconnaissance de ses droits et d’obtenir sa substitution à l’acquéreur, c’est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu’il a contracté, de l’existence du pacte de préférence et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, ce qui n’avait pas été démontré. La cour d’appel en a exactement déduit de ce seul motif que la réalisation de la vente ne pouvait être ordonnée au profit de la bénéficiaire du pacte qui se heurte donc au refus d’annulation et de ce fait, à un refus de substitution dont l’arrêt n’admet que le principe.
- L’évolution de la sanction attachée à la violation d’un droit de préemption en présence de collusion frauduleuse
- La restriction traditionnelle des droits du bénéficiaire au regard de l’article 1142
La clause de préemption permet aux associés contractant le pacte, d’acheter en priorité les actions ou parts sociales dont la cession est envisagée. Elle possède donc un fort avantage juridique qui confère un droit réel à son bénéficiaire, droit qui a été refusé jusqu’à l’arrêt de la chambre mixte du 26 mai 2006 par la Cour de cassation, en n’accordant pas la substitution du bénéficiaire du pacte à l’acquéreur.
Dans la première espèce, la cour de cassation casse et annule la décision de la Cour d’appel qui avait « ordonné la substitution des [associés agissant en justice] à cette société dans la propriété des actions » et cela, au visa de l’article 1142. La chambre commerciale s’est donc prononcée pour l’indemnisation de ces actionnaires en décidant qu’un tel accord extrastatutaire n’est générateur que d’une simple obligation de faire se résolvant en dommages-intérêts au profit des titulaires du droit de préemption.
Dans la seconde espèce, la bénéficiaire du pacte de préférence « a demandé sa substitution dans les droits de l’acquéreur et, subsidiairement, le paiement de dommage et intérêt. ». La cour d’appel rejette sa demande de substitution mais pas celle de dommages et intérêts, pourtant demandée qu’à titre subsidiaire, puisque selon la défense de la bénéficiaire « l’obligation de faire ne se résout en dommage-intérêts que lorsque l’exécution en nature est impossible [..] et que le juge [a] le pouvoir de prendre une décision valant vente entre les parties » ainsi la « substitution constitue la seule exécution entière et adéquate du contrat ». Elle fait également valoir que le droit de préemption doit s’analyser comme une « obligation de donner » et non de faire, ce qui justifierai la substitution au profit des dommages-intérêts mais la cour de cassation ne se prononce pas sur ce point.
Cependant, il y a une exception, que la chambre commerciale qualifie de « collusion frauduleuse » entre le cédant et le cessionnaire : dans ce cas, la cession consentie en violation de préemption peut être annulée à la demande du ou des titulaires du droit de préemption.
- L’élargissement des droits du bénéficiaire d’une clause de préemption avec l’exception de collusion frauduleuse
Ainsi, dans les deux espèces, il s’agit de déterminer la sanction attachée à la violation d’un droit de préemption : dans la première espèce, il est question d’un pacte de préemption, et dans la seconde, d’un pacte de préférence qui « s’analyse en l’octroi d’un droit de préemption ». Par ailleurs, des auteurs Mr Collard-Dutilleul et Mr Delebecque affirment que le pacte de préférence serait plutôt « une forme conventionnelle de droit de préemption ».
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