Commentaire d'arrêt Cour de cassation - Assemblée plénière, Arrêt n° 638 du 5 octobre 2018, P+B+R+I
Commentaire d'arrêt : Commentaire d'arrêt Cour de cassation - Assemblée plénière, Arrêt n° 638 du 5 octobre 2018, P+B+R+I. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar nini8888 • 28 Mars 2020 • Commentaire d'arrêt • 5 380 Mots (22 Pages) • 974 Vues
Commentaire d’arrêt
Cour de cassation - Assemblée plénière, Arrêt n° 638 du 5 octobre 2018, P+B+R+I
Depuis un peu moins de vingt ans, l’aura et la détermination des époux Mennesson se poursuit pour faire transcrire en droit français les actes de naissance de leurs deux filles, nées issues d’un GPA.
M. X et Mme Y (épouse X – appelés époux Mennesson), de nationalité française, ont eu recours à un processus de gestation pour autrui aux Etats-Unis, à travers laquelle Mme Z a porté les embryons in vitro des gamètes de M.X et celles d’une tierce personne. Le 14 juillet 2000, la Cour supérieure de l’Etat de Californie a déclaré par jugement que M. X. était le « père génétique » et Mme Y « mère légale de tout enfant qui naîtrait de Mme Z entre le 15 août 2000 et le 15 décembre 2000 ».
M.X et Mme Y se sont finalement mariés, et deux jumelles (H.X et G.X) sont nées en Californie dont les deux actes de naissance ont été enregistrés à l’état civil de San Diego. Les parents des jumelles ont souhaité transcrire les actes de naissance sur le registre français.
Le 25 novembre 2002, le ministère public a fait transcrire par le consulat général de France à Los Angeles (Californie) les actes de naissance des enfants afin d’engager une action en annulation de la transcription. Puis, en 2003, cette action a été engagée devant le tribunal de grande instance (TGI) de Créteil, qui a déclaré le procureur de la République irrecevable en sa demande.
Le parquet a interjeté appel à la suite de ce jugement, que la CA de Paris a confirmé par un jugement du 25 octobre 2007. Un pourvoi en cassation est alors établi.
Dans un arrêt du 17 décembre 2008, la première Chambre civile de la Cour de cassation a cassé l’arrêt
Le 18 mars 2010, la CA de Paris, statuant sur renvoi déclaré l’action du ministère public recevable, et ainsi annulé la transcription des actes de naissance sur les registres du service central d’état civil de Nantes.
Dès lors, le 6 novembre 2010, les époux X (représentants légaux de leurs filles mineures) ont formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
La première Chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 6 avril 2011 a rejeté le pourvoi en jugeant qu'est justifié le refus de transcription d'un acte de naissance établi en exécution d'une décision étrangère, fondé sur la contrariété à l'ordre public international français de cette décision, dans la mesure où certaines dispositions heurtent les principes essentiels français, tel est le cas en l’espèce (article 16-7 et 16-9 du code civil condamnant toute disposition de GPA d’une nullité d’ordre public, principe d’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes)…
Ainsi les époux X ont saisi la CEDH.
Le 26 juin 2014, la CEDH a déclaré la requête recevable à l’égard des griefs portés sur l’article 8 de la convention, mais également a condamné la France à verser une somme pour les préjudices subis ainsi que des frais et dépens.
Le 15 mai 2017, agissant en cette même qualité, les parents des jumelles ont saisi la Cour de réexamen des décisions civiles d’une demande de réexamen du pourvoi en cassation formé contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 18 mars 2010 sur le moyen unique qui fait grief à l’arrêt d’annuler la transcription des actes de naissance de G. et H.X en cinq branches.
Ainsi, le 16 février 2018 la Cour de réexamen des décisions civiles a fait droit à la demande de réexamen du pourvoi en cassation et dit que la procédure poursuit l’affaire devant l’Assemblée plénière de la Cour de cassation.
Par le biais du pourvoi formé par les époux X, objet de la demande de réexamen, il convient pour la cour de cassation de déterminer quelles solutions permettent aujourd’hui d’assurer le respect des arrêts de la Cour Européenne des droits de l’Homme du 26 juin 2014. A savoir ; L’interprétation de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’Homme (à travers la décision du 26 juin 2014) exige-t-elle que la transcription de la filiation d’une mère de la mère d’intention soit identique à celle du père biologique, quand bien même cela ne correspond pas à la réalité juridique française ?
Dans un arrêt d’assemblée plénière du 5 octobre 2018, la cour de cassation adresse à la cour européenne des droits de l’Homme une demande d’avis consultatif sur sa décision de considérer que la mère d’intention peut être qualifiée de « mère légale » dans la mesure où cela ne retranscrit pas la réalité juridique française, et que l’intérêt de l’enfant n’est pas atteint, dès lors que celle-ci dispose de la faculté d’adopter et que le lien de filiation avec le père est reconnu.
Sans conteste, certaines affaires marquent les esprits par leurs objets, leur durée, ou encore par les oppositions et les divergences qui les cristallisent. L’affaire Mennesson a été un des arrêts ayant fait couler le plus d’encre, les jeunes filles ont aujourd’hui atteint la majorité et les débats ou encore le combat entrepris par leurs parents n’a finalement pas pris fin par l’arrêt du 5 octobre 2018. En effet, dans un arrêt d’assemblée plénière de la cour de cassation du 5 octobre 2018, la cour précitée a validé les acquis de la CEDH en reconnaissant la filiation paternelle biologique tout en interprétant la solution en droit français, traduisant bon nombre de complication et interrogations sur le droit applicable (I). Mais encore, il s’agit donc d’une victoire pour les parents Mennesson qui s’obstinaient à établir la filiation envers leurs filles dans la mesure où le père biologique a obtenu un tel droit. En revanche, cette victoire n’est pas fixe, et ce volontairement, dans la mesure où la cour de cassation réserve sa décision en procédant à une demande d’avis consultatif la CEDH en ce qu’il concerne la mère d’intention et ce qu’entend la cour à travers sa décision. La cour de cassation conduit donc la CEDH a interprété un point qu’elle avait volontairement laissé de côté (II).
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