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Commentaire d'arrêt, Cass Civ. 1ère, 28 octobre 2003

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Par   •  14 Février 2023  •  Commentaire d'arrêt  •  1 977 Mots (8 Pages)  •  715 Vues

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Cass Civ. 1ère, 28 octobre 2003 : Commentaire d’arrêt

Il s’agit d’un arrêt rendu par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation, en date du 28 octobre 2003, portant sur la résiliation unilatérale du contrat à durée déterminée vis-à-vis du cocontractant.

En l’espèce, une société a confié une mission d’assistance et de conseil à une autre société, avec la participation du PDG de cette dernière, pour une durée déterminée. La première société, créancière, a décidé d’engager une résiliation unilatérale du contrat auprès de la société débitrice, en invoquant l’inexécution de ses obligations prévues dans les termes du contrat. La société débitrice assigne alors la société créancière pour “rupture abusive de contrat”, afin d’obtenir des dommages-intérêts.

La cour d’appel rend un arrêt allant partiellement à l’encontre de la solution rendue en 1ère instance, en déboutant la société débitrice et son PDG, demandeurs, de leurs demandes, estimant ainsi que la société créancière était en droit de résilier le contrat unilatéralement.

La société débitrice et son PDG forment alors un pourvoi en cassation, contre la société créancière, défenderesse au pourvoi.

La cour d’appel a estimé dans son arrêt, pour rejeter les demandes de la société débitrice et de son PDG, que ces dernier n’avaient pas exécuté les obligations contractuelles stipulées dans le contrat formé avec la société créancière, à savoir celles contenues dans la mission d’assistance et de conseil, et qu’ainsi, la société créancière était en droit de résilier le contrat de façon unilatérale.

La Cour de cassation estime, elle, que la cour d’appel n’a pas cherché à savoir si la société débitrice avait eu un comportement suffisamment grave qui justifiait la rupture du contrat, alors que la jurisprudence de la Cour avait déjà posé cette condition. C’est pour cela que la Cour de cassation estime dans son arrêt que la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Ainsi, la gravité du comportement du débiteur vis-à-vis du créancier doit-elle, dans le cadre d’un procès, être prouvée par le créancier, pour justifier sa résiliation unilatérale du contrat ?

La Cour de cassation, en affirmant sa jurisprudence, casse et annule la décision rendue par la cour d’appel, précisant qu’elle aurait dû demander à la société créancière de prouver que la société débitrice avait eu un comportement suffisamment grave, qui justifiait la résiliation unilatérale du contrat. Ainsi, les parties sont renvoyées devant la cour d’appel de Bordeaux, dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt.

Par cet arrêt, la Cour de cassation entérine donc une nouvelle fois sa jurisprudence sur le sujet, considérant que le créancier peut engager, une rupture unilatérale du contrat, si tenté que le comportement de son débiteur soit suffisamment grave. De plus, le créancier supporte à lui-seul la charge de la preuve, d’où l’idée qu’il rompt le contrat “ à ses risques et périls”. Ainsi, la jurisprudence remet directement en question le principe de force obligatoire du contrat, lequel impose qu’une partie à un contrat ne peut se délier de ce dernier par sa seule volonté.

Cependant, si la Cour de cassation maintient sa jurisprudence en affirmant une nouvelle fois la possibilité d’une résiliation unilatérale du contrat pour manquements graves de l’un des contractants (I), elle précise tout de même que cette décision du créancier peut être soumise à un contrôle du juge (II).

I) La résiliation unilatérale du contrat : une entorse à la résolution judiciaire

Bien que l’arrêt que nous étudions affirme une nouvelle fois la possibilité pour le créancier de se délier du contrat de manière unilatérale (A), cette pratique est néanmoins soumise au contrôle de la gravité du comportement du débiteur, tout comme la résolution judiciaire (B).

  1. La consécration d’un principe contra legem

L’article 1134 du Code civil dispose le principe de force obligatoire du contrat, qui interdit en principe à une partie au contrat de se délier de ce dernier, de manière unilatérale. Néanmoins, il est possible, pour une partie, aux termes de l’article 1184, de demander une résolution en justice, lorsque que cette dernière se sent lésée par l’inexécution totale ou partielle des obligations de son co-contractant vis-à-vis d’elle. C’est ce que l’on appelle la résolution judiciaire, qui nécessite obligatoirement la saisine du juge, et qui n’a cessé d’être remise en cause par l’évolution de la jurisprudence.

En effet, la Cour de cassation a autorisé dès la première moitié du 20ème siècle des écarts à ce principe de force obligatoire du contrat, permettant à la victime de l’inexécution du contrat de pouvoir le résilier de façon unilatérale si une situation de “péril imminent” était prouvée.

Seulement, c’est en 1998, par son arrêt Tocqueville, que la Cour de cassation précise que l’appréciation de la volonté de résilier unilatéralement le contrat se fera par la gravité du comportement de celui qui a manqué à ses obligations, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée. Ainsi, la Cour rejoint les modalités déjà établies pour la résolution judiciaire, qui était déjà soumise alors à l'appréciation par les juges de la gravité de l’acte reproché.

De plus, il est question dans notre arrêt d’un contrat à durée déterminée de 18 mois. Il revient donc à se demander si la jurisprudence de 1998 est applicable en l’espèce, ce qui est effectivement le cas puisque la Cour de cassation a, en 2001, élargi le champ d’action de la résiliation unilatérale aux contrats à durée déterminée.

L’arrêt du 28 octobre 2003 ne vient donc qu’entériner une succession jurisprudentielle qui tendait à assouplir le principe de force obligatoire du contrat. Ainsi, il stipule que “ la gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, peu important que le contrat soit à durée déterminée ou non “.

Nous avons donc vu que la jurisprudence tendait à faciliter, pour un créancier victime de l’inexécution des obligations de son débiteur, la résiliation unilatérale, mais elle met également l’accent sur la gravité du comportement du débiteur.

  1. L’appréciation de la gravité du comportement : une logique empruntée à la résolution judiciaire

Tout comme la résolution judiciaire, la résiliation unilatérale doit être appréciée selon le degré de gravité du comportement du contractant n’ayant pas exécuté la totalité de ses obligations envers son cocontractant. Seulement, dans le cas d’une résiliation unilatérale, le créancier se sentant lésé doit, au préalable, mettre en demeure son débiteur, pour qu’il exécute ses obligations dans un délai imparti. Ainsi, l’appréciation de la gravité du comportement du débiteur n'intervient que si ce dernier ne prend pas en compte l’ultimatum qui lui est lancé par son créancier.

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