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Commentaire d'arrêt CAA Lyon, 23 juillet 2017

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Par   •  9 Août 2021  •  Commentaire d'arrêt  •  1 722 Mots (7 Pages)  •  950 Vues

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Principe phare de la République en France inscrit à l’article 1er de la Constitution, la laïcité implique aussi le principe de neutralité en droit français. Principe strictement limité aux agents publics auparavant concernant le port de signes religieux, il s’étend depuis plus récemment à certains civils depuis un arrêt en date du 23 juillet 2017 de la Cour administrative d’appel de Lyon.  

En l’espèce, deux mères d’élèves portant un signe d’appartenance religieuse, à savoir un voile, et souhaitent participer à une activité organisée par l’école de leurs enfants. La direction de l’école leur refuse de participer à cette activité, évoquant le principe de neutralité pour les accompagnateurs. 

Dans un courrier en date du 11 mars 2015, les deux mères demandent à la rectrice de Lyon de faire lever cette interdiction. La rectrice ne fait pas droit à leur demande dans une décision en date du 2 avril 2015. Elles saisissent le tribunal administratif de Lyon dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir en vue d’obtenir l’annulation de la décision de la rectrice de l’académie de Lyon. Le tribunal administratif de Lyon, dans un jugement en date du 19 octobre 2017, les déboute de leur demande. Elles interjettent appel.
        Les appelantes estiment qu’elles ne peuvent se voir imposer le principe de neutralité, principe qui concerne uniquement les agents publics en droit français. Aucune considération relative au bon fonctionnement du service ainsi qu’aucun risque de trouble à l’ordre public ne justifient cette décision. 

La question posée à la Cour administrative d’appel de Lyon est la suivante : “Des usagers de service public, dans le cadre d’activités scolaires, peuvent-ils se voir imposer le principe de neutralité religieuse?” 

Le 23 juillet 2019, la Cour administrative d’appel de Lyon considère qu’au nom du principe de laïcité de l’enseignement public, les usages peuvent sous certaines conditions se voir imposer les mêmes exigences de neutralité que les agents du service public. 

Dans cet arrêt, les juges apportent une extension du principe de neutralité aux usagers du service public dans le cadre scolaire (I) sous certaines conditions, considérant ainsi les parents d’élèves comme des agents publics “ponctuels”. (II) 


  1. Une extension de l’exigence du principe de neutralité aux usagers des services publics dans le cadre scolaire 

Les juges rompent avec la vision traditionnellement souple du principe phare de neutralité quant aux usagers du service public (A). A ce titre, les juges étendent le principe aux usagers du service public (B). 


  1. Une rupture avec la traditionnelle application souple du principe de neutralité avec les usagers 

Dans le troisième considérant, la Cour administrative d’appel fait référence au “principe de laïcité (...) de l’ensemble des services publics”. La laïcité implique une séparation de l’Etat et des organisations religieuses et est codifiée pour la première fois en 1905 avec la loi de séparation des églises et de l’Etat. Depuis la Vème République, cela implique également un principe de neutralité au nom de la laïcité. L’Etat est neutre et donc les représentants de l’Etat aussi. Ils ne peuvent porter de signes religieux distinctifs. Ce principe de neutralité, exposé dans l’arrêt Barel (CE Ass, 1958, Barel), interdit à l’administration de fonder ses décisions sur des critères de discrimination. 

Jusqu’en 2019, le juge administratif faisait une application stricte du principe de neutralité seulement à l’égard des agents du service public, en estimant que le principe de laïcité fait obstacle au droit de manifester leurs croyances religieuses (CE avis, 2000, Mlle Marteaux). Pour les usagers du service public, le juge administratif faisait une application plus souple de ce principe : ils peuvent manifester leurs croyances religieuses tant que cette liberté ne trouble pas l’ordre public et le fonctionnement du service public. (CE Ass avis, 1989, Port du foulard islamique). Il s’agissait pour le juge administratif de faire une application stricte de la loi de 1905 et de garantir la liberté d’exercice de cultures, ce qui correspondait à la lecture du principe de laïcité. 

Par cet arrêt, le juge administratif rompt avec les jurisprudences antérieures et adopte une position différente.  A ce titre, il convient de rappeler que le principe de neutralité est fortement corrélé au principe de laïcité : les juges s’y réfèrent systématiquement comme exposé dans la décision.


  1. Une extension du principe de neutralité aux usages du service public 

        La Cour administrative d’appel considère que “le principe de laïcité de l’enseignement public impose (...) que les personnes qui, à l’intérieur des locaux scolaires, participent à des activités assimilables à celles des personnes enseignants, soient astreintes aux mêmes exigences de neutralité.” En d’autres termes, elle estime ici que ce n’est plus la qualité d’agent public qui impose le principe de neutralité mais le cadre de l’activité scolaire (et donc de service public) qui impose aux parents accompagnants de ne pas porter de signe distinctif religieux. Elle pose un principe important en ce qu’elle étend l’exigence de neutralité aux usagers de service public et adopte une position novatrice. Le juge administratif s’était toujours refusé à une application stricte du principe de neutralité à l’égard des usagers du service public car ils ne représentent pas l’Etat. Il s’agit ici d’une lecture différente mais qui utilise le même raisonnement pour imposer ce principe aux parents accompagnateurs : il leur donne une définition d’agent “ponctuel” de service public. Cependant, cette décision ne semble non plus être une surprise : le juge administratif adopte régulièrement une telle exigence de neutralité religieuse à l’école pour les usagers ( CE, 2007, Singh et M. et Mme Ghazal). 

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