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Chambre criminelle, mercredi 4 décembre 1996 - la perte de chance

Commentaire d'arrêt : Chambre criminelle, mercredi 4 décembre 1996 - la perte de chance. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  19 Février 2017  •  Commentaire d'arrêt  •  5 086 Mots (21 Pages)  •  1 488 Vues

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COMMENTAIRE : Ch. crim. du mercredi 4 décembre 1996

Le mercredi 4 décembre 1996, les juges de la Chambre criminelle ont rendu un arrêt de cassation en audience publique sur le thème du préjudice, et plus précisément sur la possibilité du caractère certain et direct du préjudice résultant de la perte d’une chance de la réalisation d’un évènement favorable.  

En l’espèce, un agent de l'Etat (Ginette X) a été blessé le 16 mars 1984 lors d'un accident dont l'auteur a été reconnu responsable. Le 26 janvier 1992, il a été établi que l'agent de l'Etat demeure atteint d'une incapacité permanente de 70%. La victime a demandé la réparation de son préjudice corporel en totalité en sollicitant une indemnisation de la perte de chance du fait de son incapacité, découlant du manque à gagner au titre de sa retraite future, à laquelle elle pouvait prétendre accéder avant l’âge de 65 ans.

Les juges de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence ont débouté la demande d’indemnisation de la requérante dans un arrêt de la 7ème chambre rendu le 13 octobre 1995, tout en qualifiant la perte des privilèges d'avancement comme un préjudice hypothétique. L’agent de l’Etat a alors formé un pourvoi en cassation. C’est dans un arrêt du 4 décembre 1996 que la Cour de cassation a rendu sa décision.

Selon la Cour d’Appel d’Aix-En-Provence, l’agent ne peut obtenir réparation de son préjudice financier sur la base de la perte des privilèges d’avancement de sa carrière en ce que ce préjudice subis était seulement hypothétique (l’agent n’étant pas sûre d’obtenir cet avancement de carrière).

Ainsi la question posée à la Cour de cassation est de savoir si la victime d’un dommage corporel à la possibilité d’obtenir réparation d’un préjudice direct et certain lié à la perte de chance.

La Cour de cassation a cassé partiellement l’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 13 octobre 1995, au motif qu’elle n’avait pas suffisamment motivée sa décision résultant d’un défaut de base légale sur les caractères certain et direct de la perte de chance, et a estimé ainsi que la CA s’est contentée d’évoquer le caractère hypothétique du préjudice, c’est-à-dire qu’elle s’est seulement fondée sur le fait que la réalisation de cet évènement n’était qu’éventuel. Cependant, la Cour de cassation apporte une nuance à son propos en rappelant que, par définition, la réalisation d’une chance ne peut jamais être certaine. L’affaire est renvoyée devant la Cour d’Appel de Montpellier pour les dispositions relatives à la réparation du préjudice découlant de l’atteinte à l’intégrité physique de l’agent de l’Etat, les autres dispositions seront expressément maintenues.

Pour répondre à cette interrogation, il conviendra de s’intéresser dans un premier temps aux caractères du dommage réparable (I), puis dans un deuxième temps de mettre en lumière le caractère réparable lié à la perte de chance (II).

I – Les caractères du dommage réparable

La mise en œuvre de la responsabilité civile nécessite l’existence d’une part d’un dommage, d’autre part d’un lien de causalité entre le fait générateur du dommage et le dommage lui-même. Pour s’attacher plus en profondeur au cas d’espèce, il sera nécessaire d’étudier le caractère direct et certain du dommage (A), puis nous verrons la disparition d’une éventualité favorable, qu’est la perte de chance (B).

A - Les caractères certain et direct du dommage

Le dommage peut être distingué de sa conséquence qui est le préjudice. En pratique, on emploie indifféremment l’un ou l’autre terme. Le préjudice est indispensable à la mise en œuvre de la responsabilité (article 1240 « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer »). Il permet de mesurer la responsabilité. La condition sine qua non de la responsabilité est bien l’existence d’un dommage, pouvant se définir comme la lésion d’un intérêt patrimonial ou extrapatrimonial. Le préjudice est la lésion d’un « intérêt légitime juridiquement protégé » [Civ. Cass. 27 février 1970]. La jurisprudence a complété la décision de 1970 en ajoutant une atteinte directe et une atteinte certaine. En l’espèce, ce qui est pertinent concerne le caractère certain de l’atteinte plus particulièrement. Revenons quelques instants sur le caractère direct. Une victime subit un dommage et cette dernière suite à ce dommage ne peut plus prétendre à certains avantages. La victime invoque alors le fait qu’elle a perdu une chance de voir cet avantage se réaliser. Cette perte de chance doit revêtir un caractère direct, c’est-à-dire que le fait générateur doit avoir causé le dommage autrement dit il doit y avoir un lien de causalité entre le fait dommageable (ici l’accident) et le dommage de la victime (ici l’incapacité permanente de travail de 70% de la victime). En l’espèce, la Cour d’appel n’a pas examiné ce critère. La Cour de cassation le rappel alors ; « les juges se sont fondés sur le caractère « hypothétique » du préjudice ». Cette condition est d’autant plus importante car si l’infraction n’était pas la cause de la disparition de l’évènement, la victime ne pourrait obtenir une indemnisation au titre du dommage. Dans cet arrêt, la Cour de cassation vient opérer un contrôle sur le défaut de motivation de la décision de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence rendue par la 7ème chambre, le 13 octobre 1995. La Cour d’Appel s’est ici limitée à indiquer le caractère hypothétique du préjudice à indemniser une perte de chance relative à un manque à gagner (« la différence entre la retraite qu’elle touchera effectivement et celle qu’elle aurait dû toucher ») afin de refuser d’indemniser la victime de l’accident. Or, la Cour de cassation rappelle « que l’insuffisance des motifs équivaut à leur absence ». La Cour d’Appel vient définir la perte des privilèges d’avancement comme un préjudice hypothétique. Il semble alors que la Cour d’Appel remet en cause le caractère direct et certain du préjudice. Si la réalisation d'une chance n'est jamais certaine, le préjudice doit être certain, actuel ou futur. Le dommage certain peut parfaitement être futur ou actuel, ce qui importe c’est qu’on soit sûr que ce dommage futur advienne. L'exemple type concerne l'étudiant qui ne peut passer son examen, l'accident privant une personne de sa carrière, un appel d'un avocat ou d'un avoué hors délai, etc. Ce caractère certain est sans doute l’un des plus importants pour accorder une indemnisation au titre de ce préjudice de perte de chance. Le caractère certain suppose que l’évènement doit exister, que sa disparition doit être réelle et pas hypothétique. Un dommage simplement éventuel ne saurait être réparé. C’est cette idée qui ressort de l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 4 décembre 1996 : « alors que la réparation du préjudice direct et certain de la victime doit être intégrale… » Au surplus de cette condition de certitude, le dommage se trouvera réparable s’il résulte d’une atteinte à un intérêt légitime protégé par le droit et si celle-ci est directe, relevant donc un lien de causalité entre le fait générateur de responsabilité et le dommage. Ce que la cour de cassation reproche à la cour d’appel c’est de s’être uniquement fondée sur la seule justification du préjudice hypothétique pour décider ou non d’attribuer l’indemnisation. Un dommage incertain est hypothétique, ce n’est pas un dommage mais un risque de dommage. Ces applications sont parfois abusives, le concept de perte de chance permet en fait de remédier à l’insuffisance du lien de causalité.

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