Arrêt Cour de cassation, Assemblée plénière, 5 avril 2019, n° de pourvoi : 18-17442
Commentaire d'arrêt : Arrêt Cour de cassation, Assemblée plénière, 5 avril 2019, n° de pourvoi : 18-17442. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar mimi03100 • 29 Septembre 2021 • Commentaire d'arrêt • 1 336 Mots (6 Pages) • 911 Vues
Commentaire d’arrêt : Cour de cassation, Assemblée plénière, 5 avril 2019, n° de pourvoi : 18-17442
Le préjudice d’anxiété a pour objet d’indemniser l’angoisse particulière ressentie par une personne confrontée à une situation anxiogène. Il peut se rencontrer dans deux grandes hypothèses : il peut être lié à un dommage corporel ou peut être indépendant de celui-ci, notamment quand la victime est confrontée à un risque de dommage. Cette notion de préjudice d’anxiété a connu beaucoup d’évolutions au regard de la jurisprudence et l’arrêt du 5 avril 2019 vient élargir encore une fois son application et notamment sa réparation.
En l’espèce, un salarié d’une société conteste un préjudice d’anxiété pour avoir été exposé à l’amiante sur son lieu de travail, il réclame donc des dommages et intérêts en réparation de ce préjudice et pour manquement de son employeur à son obligation de sécurité envers ses salariés. A la suite d’un jugement de première instance, une des parties a interjeté l’appel. La Cour d’appel de Paris donne droit au salarié et condamne la société à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice d’anxiété qu’a subi son employé. La société se pourvoi donc en Cassation.
La société se fonde sur le moyen que la réparation du préjudice d’anxiété, pour les salariés exposés à l’amiante, est admise qu’au profit de ceux qui remplissent les conditions prévues à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998. Elle estime que sa responsabilité ne peut être engagée puisqu’elle ne fait pas partie des établissements classés amiante et donc, les salariés ne peuvent pas demander indemnisation au titre du préjudice d’anxiété au titre de leur exposition à l’amiante ni se fonder sur le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
La question qui se pose aux juges de l’Assemblée plénière de la Cour de Cassation est de savoir si un préjudice d’anxiété peut être reconnu en dehors des situations spécifiques de l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998.
La Cour de Cassation, dans cet arrêt du 5 avril 2019 casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Paris sauf en ce qu’il rejette la fin de non-recevoir. Elle reconnait la possibilité pour un salarié justifiant d’une exposition à l’amiante « d’agir contre son employeur, sur le fondement du droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 précité ». Elle opère un revirement de jurisprudence en admettant la possibilité de déterminer des préjudices d’anxiété en dehors du cadre de la loi précitée.
Il conviendra de s’intéresser dans un premier temps, au revirement de jurisprudence qu’à opéré la Cour de Cassation en élargissant le champ d’application du préjudice d’anxiété pour les salariés qui ne sont pas exposés à l’amiante (I) et, dans un second temps, de voir que ce droit à l’indemnisation s’opère dans les conditions du droit commun de la responsabilité civile (II).
- L’extension du champ d’application du préjudice d’anxiété :
Le champ d’application du préjudice d’anxiété a évolué et s’est élargi depuis l’arrêt de la Chambre Sociale du 11 mai 2010 (A). L’arrêt du 5 avril 2019 a permis un élargissement de la voie de la réparation pour tous les salariés exposés à l’amiante en estimant que désormais tous les salariés exposés à l’amiante peuvent obtenir réparation à leur employeur (B).
- L’évolution du cadre juridique de la notion de préjudice d’anxiété lié à l’amiante :
- La loi du 23 décembre 1998 permet un départ à la retraite anticipé pour les salariés qui ont été exposés à l’amiante.
- L’admission de l’indemnisation du préjudice d’anxiété a été reconnue par un arrêt de la Chambre sociale du 11 mai 2010. Désormais, les salariés ont la possibilité de demander l’indemnisation de leur préjudice d’anxiété puisque la Cour admet cela lorsque les salariés se trouvent « par le fait de l’employeur dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante et étaient amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse ».
- A la suite de cela la Cour de Cassation vient restreindre la solution de la Chambre sociale dans un arrêt du 11 janvier 2017 qui vient préciser que les salariés qui ne sont pas visés par la loi du 23 décembre 1998 ne pouvaient pas bénéficier de cette réparation même sur le fondement « d’un manquement de l’employeur à son obligation ».
- L’arrêt du 5 avril 2019 vient préciser les conditions du préjudice d’anxiété lié à l’amiante.
- Un élargissement de la voie de la réparation pour tous les salariés exposés à l’amiante :
- Les juges de la Cour de Cassation effectuent un revirement de jurisprudence et élargissent les conditions du préjudice d’anxiété en permettant aux autres salariés que ceux concernés par la loi du 23 décembre 1998 de bénéficier d’une indemnisation : « le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998. »
- Elle abandonne donc la nécessité que le salarié ait exercé dans une entreprise entrant dans le dispositif de la loi du 23 décembre 1998 pour pouvoir obtenir indemnisation de son préjudice d’anxiété. L’employé exposé à l’amiante et donc, ayant un risque élevé de développer une maladie grave peut demander réparation d’un préjudice d’anxiété.
- Un élargissement de la voie d’indemnisation pour la réparation du préjudice d’anxiété :
L’arrêt du 5 avril 2019, permet donc à un employé exposé à l’amiante de demander réparation d’un préjudice d’anxiété, même s’il n’a pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés par la loi du 23 décembre 1998, sur le fondement du droit commun (A) et, la notion de préjudice d’anxiété s’élargie encore une fois de plus avec l’arrêt du 11 septembre 2019 (B).
- Une voie d’indemnisation de droit commun de la responsabilité civile concernant la réparation du préjudice d’anxiété :
- En effet, le salarié exposé à l’amiante pourra demander réparation d’un préjudice d’anxiété même s’il n’a pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés par la loi du 23 décembre 1998 mais, il devra demander réparation de ce préjudice sur le fondement du droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur.
- En l’espèce, les juges de l’Assemblée plénière ont censuré la décision des juges du fond qui ont donné droit au salarié en admettant que son exposition à l’amiante et que le manquement de sécurité de l’employeur étaient admises, engageant donc sa responsabilité.
- Il appartient dorénavant au salarié d’apporter la preuve de son exposition à l’amiante et du manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité, mais également d’établir la réalité et l’étendue du préjudice d’anxiété qu’il a personnellement subi.
- Mais, contrairement à ce que considérait les juges du fond dans leur décision, l’employeur pourra lui aussi apporter la preuve qu’il n’a pas manqué à son obligation de sécurité : « ne méconnait pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par le texte susvisé ».
- Un nouvel élargissement de la notion de préjudice d’anxiété pour les salariés justifiant l’exposition à des produits nocifs ou toxiques :
- L’évolution concernant l’indemnisation du préjudice d’anxiété aux salariés a été étendue et parachevée par un arrêt de la Chambre Sociale du 11 septembre 2019 qui va considérer que l’indemnisation du préjudice d’anxiété s’étend aux salariés « justifiant d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave ».
- L’employé justifiant une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave pourra désormais obtenir réparation sur le fondement du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
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