AA de LYON, 3ème chambre – formation à 3, 25/06/2019, n° 17LY03989,
Commentaire d'arrêt : AA de LYON, 3ème chambre – formation à 3, 25/06/2019, n° 17LY03989,. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Louis REISS • 13 Février 2021 • Commentaire d'arrêt • 3 510 Mots (15 Pages) • 1 314 Vues
CAA de LYON, 3ème chambre – formation à 3, 25/06/2019, n° 17LY03989, Inédit au recueil Lebon
Il s’agit ici d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon du 25 juin 2019, statuant en formation à 3, portant sur la neutralité des personnes publiques et des lieux publics, tous soumis au devoir de laïcité.
En l’espèce, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a fait installer, du 14 décembre 2016 au 6 janvier 2017, une crèche de Noël dans le hall d’entrée de l’hôtel de région, à Lyon. La Fédération de la libre pensée et d’action sociale du Rhône, par un courrier du 21 décembre 2016, a demandé à cette autorité de procéder à la désinstallation de la crèche. Par un courrier du 13 janvier 2017, le président du conseil régional a indiqué que l’installation était conforme aux exigences de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation entre l’Église et l’État.
La Fédération de la libre pensée et d’action sociale du Rhône saisit alors le tribunal administratif de Lyon, qui annule le 5 octobre 2017 la décision d’installation de crèche par le président du conseil général. Ainsi, la région Auvergne-Rhône-Alpes fait appel de la décision, en demandant à la Cour d’appel d’annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 octobre 2017.
Il est soutenu que le jugement est en premier lieu irrégulier, car la signature des membres de la juridiction ne figure pas. En outre, les juges ont rejeté à tort les conclusions aux fins de non-lieu à statuer. Ensuite, il est fait grief que les juges n’ont pris en compte pour juger que lieu où était installé la crèche et les usages locaux pour déterminer le caractère culturel, artistique ou festif de l’installation dans un lieu public. Ils devaient aussi prendre en compte le contexte de l’installation et des conditions particulières de cette installation, car les usages locaux ne se limitent pas au lieu de l’installation de la crèche, mais bien au territoire en son ensemble. Enfin, il est soutenu, pour contrer le jugement de première instance, que la crèche ne présente pas un caractère religieux mais bien culturel artistique et festif.
La Fédération de la libre pensée et d’action sociale du Rhône, par un mémoire de défense du 8 mars 2018, a affirmé que la décision d’installer la crèche par le président du conseil régional constitue une violation du principe de laïcité tel que défini par la loi du 9 décembre 1905.
L’installation d’une crèche dans un établissement public, ayant pour but un service public, est-il contraire au principe de neutralité des personnes publiques, notamment défini par la loi du 9 décembre 1905 ?
La Cour administrative d’appel (CAA), en sa 3ème chambre, rejette la requête de la région Auvergne-Rhône-Alpes et la condamne à payer la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la Fédération de la libre pensée et d’action sociale du Rhône. Pour justifier son postulat, la Cour d’appel énonce l’article 1er de la Constitution, la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État en ces articles 1 et 2 mais surtout en son article 28, qui dispose qu’il est « interdit d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit », sauf exceptions. Ces dispositions prohibent l’installation de signe ou d’emblème ostensiblement religieux. Ainsi, la crèche apparait pour la Cour d’appel comme ne véhiculant pas, en l’espèce, un caractère culturel, artistique ou festif, permettant de l’autoriser dans l’enceinte d’un lieu public, conformément aux exigences attachées au principe de neutralité des personnes publiques. En effet, malgré la présence d’une pancarte explicative, d’un village médiéval et d’une partie boisée, la partie religieuse apparait comme élément central, mettant en second plan la partie culturelle et artistique de l’ensemble. En outre, il n’est pas démontré que cette pratique se rattache à une tradition régionale. Il s'ensuit que le fait d'avoir procédé́ à cette installation dans l'enceinte de l'hôtel de région, en l'absence de circonstances particulières permettant de lui reconnaitre un caractère culturel, artistique ou festif, méconnait l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905 et les exigences attachées au principe de neutralité́ des personnes publiques
Le principe de neutralité de la personne publique est ici représenté comme un élément central, garantissant au service public sa pleine effectivité. Ce dernier, en garantissant ce principe, permet d’être inclusif, et n’omet ou ne discrimine aucune personne, respectant et servant toute personne, indifféremment du sexe, de l’origine ou encore des croyances religieuses. Cela amène presque naturellement au principe de laïcité, ce dernier consacrant la non-ingérence ou le non-favoritisme de l’État par rapport à une religion ou des religions particulières.
Il serait intéressant de voir ici en quoi la position supérieure et souveraine du juge permet telle de définir et garantir les contours du principe de neutralité, en fait et en droit, corollaire du bon fonctionnement des institutions publiques.
Pour cela, nous verrons premièrement le principe de neutralité comme fondement primordial du service publique, soumis aux lois de la République (1), tout en complétant le propos par le rôle essentiel du juge dans la qualification effective du service public (2).
1) Le principe de neutralité comme fondement du service public, soumis aux lois de la République
Dans cette première partie, il conviendra d’aborder le devoir de neutralité du service public, notamment sur la question de la laïcité (A), tout en rappelant la soumission de ce même service public aux lois de la République, permettant non seulement la garantie de son autorité mais surtout son contrôle (B).
A) L’obligation de principe de neutralité du service public, gage de préservation de son effective action laïque
Ce devoir de neutralité peut paraitre aujourd’hui, pour n’importe quel usager averti, comme allant de soi. Il n’est toutefois pas si évident de le distinguer, mais surtout de l’appliquer factuellement. En effet, ce devoir de neutralité est pour le Conseil constitutionnel un corollaire du principe d’égalité. En cela, il diffère néanmoins par son contenu spécifique, en ce qu’il interdit que le service public ne soit assuré de manière différenciée selon les convictions politiques ou religieuses
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