La technique est-elle une fin en soi ?
Dissertation : La technique est-elle une fin en soi ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Arkryos • 30 Mars 2022 • Dissertation • 3 227 Mots (13 Pages) • 628 Vues
HLP
I) La technique est-elle une fin en soi ?
Intro :
On parle de technique pour désigner l’ensemble des moyens inventés par l’homme pour travailler, conquérir et transformer la nature, et essentiellement chercher à être le plus efficace dans tous les domaines. Des outils les plus primitifs aux machines les plus complexes, du simple silex aux ordinateurs les plus avancés, de la découverte du feu à la conquête spatiale en passant par l’invention de l’imprimerie et de l’électricité, le développement de la technique apparaît aux yeux de l’humanité et à travers l’histoire comme un progrès constant de l’intelligence humaine, mais surtout comme une victoire, celle de l’Homme sur la nature, sur le réel, et chacune de ces avancées devrait, en théorie, permettre à l’Homme d’avoir une vie meilleure au travers des diverses inventions créées. Toutefois, s’il ne fait nul doute que les avancées techniques et technologiques de l’Homme au fil des siècles a grandement contribué à améliorer son niveau de vie et à lui apporter toutes sortes de bienfaits, la question de la « technicisation » de notre société semble inquiéter de plus en plus les divers membres de cette dernière. Ainsi, de plus en plus de gens présentent un certain scepticisme quant à l’avancée fulgurante de la technique, en soulignant les différents risques et menaces que celle-ci peut engendrer. En un mot, la technique c’est à la fois la médecine qui permet de sauver des millions de vies, et l’arme nucléaire qui permet d’en ôter tout autant, c’est à la fois ce qui donne à l’humanité les moyens de sa survie, tant que de son auto-destruction. Dès lors, on est en droit de se poser la question de s’il existe des bonnes et des mauvaises techniques, ou bien si la technique n’est seulement qu’un outil, et c’est l’utilisation de celle-ci par l’homme, qui s’en sert alors pour exprimer sa domination sur la nature, tant et si bien qu’elle lui échapperait des mains pour devenir un danger pour sa propre espèce.
Nous tenterons de savoir dans cet essai s’il existe oui, ou non, une bonne et une mauvaise utilisation de la technique. Pour cela, nous verrons d’abord l’évolution de la technique au fil de l’histoire, puis, dans un second temps, nous évoquerons la limite entre progrès et régression vis-à-vis de la technique.
Tout d’abord, il convient d’expliquer ce qu’est la technique, et à quoi elle sert. A savoir, elle est le moyen principal pour l’Homme, dépourvu de toute défense naturelle contrairement aux animaux, de survivre dans une nature hostile qui se présente comme menaçante et toute puissante. C’est donc l’usage de la technique qui différencie l’animal de l’homme, mais c’est surtout grâce à elle que ce dernier a pu assurer sa survie. Tout d’abord via la maîtrise du feu, essentielle pour résister au froid sans la présence de fourrures puisque l’homme en est dépourvu, puis plus tard, du bois, de la pierre, voire des métaux. C’est également elle qui est à l’origine de la culture humaine ( arts, gastronomie, etc.) Ainsi, c’est bel et bien la technique qui a permis à l’homme de faire émerger son humanité.
Le rapport entre découvertes techniques et évolution de la société est lui aussi évident. En effet, dès le début du Néolithique, l’invention de l’agriculture, de l’élevage, permet la sédentarisation de l’homme et l’édification de villages, prémices de l’avènement des sociétés. Des siècles plus tard, c’est l’invention de la cartographie, de l’imprimerie, de la découverte de la poudre à canon et de nombreuses avancées techniques sur le plan naval, qui permettront la découverte de nouveaux continents, ainsi que leur conquête par les dits inventeurs des techniques nommées précédemment, à savoir l’Europe.
Ainsi, comme condition à l’apparition de notre culture et au développement de notre société, la technique a permis à l’Homme de se délivrer de tâches pénibles, de vivre plus longtemps ou encore de vivre mieux de manière générale. Elle apparaît donc comme quelque chose de fondamentalement bon, si ce n’est essentiel, et c’est pour cela que l’on établira un principe simple qui perdurera jusqu’au XXe siècle : plus l’on est capable de prouesses techniques, plus l’on dispose de pouvoirs et d’engins nous permettant de nous assurer une vie meilleure ; plus de techniques, c’est une incontestable amélioration du niveau de vie. Si l’on s’en tient à l’histoire ancienne, ce principe est assurément vrai. En effet, depuis l’âge de pierre, l’homme vit mieux, et de multiples avancées dans divers domaines ( transports, logement, santé, travail, culture, science, industrie etc.) ont contribué à lui apporter un certain confort, et à confirmer l’aspect extrêmement positif de la technique via les bienfaits qu’elle apporte. C’est cette philosophie qui perdurera extrêmement longtemps et qui fera apparaître la technique comme condition obligatoire d’un bonheur collectif, et qui contribuera à faire oublier tous les dangers potentiels que celle-ci pourrait engendrer des siècles durant. Ainsi, l’homme s’est peu à peu orienté vers une idolâtrie totale de la technique, qui le fera considérer le progrès technique comme un but essentiel de la vie de l’homme, faisant donc de la technique non plus un moyen d’arriver à ses fins, mais une fin en soi.
Cependant, dès le XXe siècle, les atrocités commises par les régimes totalitaristes, se servant des avancées techniques pour arriver à leurs fins apportera une nouvelle vision, beaucoup plus sceptique et pessimiste de la technique. En effet, paradoxalement, le XXe siècle est à la fois le siècle des plus grands progrès techniques, mais aussi celui des plus grands massacres et de l’avènement des régimes totalitaires. On peut alors s’intéresser au rapport entre le progrès fulgurant de la technique, et celui de la barbarie de la Shoah. Ainsi, il paraît relativement évident que si l’idéologie nazie est un facteur clé dans ce qui a rendu possible un tel massacre, la technique a également son rôle à jouer, puisque c’est sur un système purement industriel et fordien, système dont l’Occident était tout particulièrement fier, basé sur le rendement, l’efficacité, et le progrès technique, que sont fondés les camps de concentrations nazis. Les usines deviennent des armes et des moyens d’exécution de la solution finale nazie, et celle-ci n’a pu se réaliser pleinement que grâce aux derniers progrès de l’industrie et de la technique allemande. Le Zyklon B, gaz utilisé dans les chambres à gaz nazies était un des facteurs essentiels au bon fonctionnement de la machine génocidaire allemande. C’est également en appliquant la logique encore une fois industrielle, de gestion, d’administration et d’organisation bureaucratique à l’holocauste, que le régime nazi parviendra à camoufler chez certains de ses principaux exécutants la véritable portée de ses actes. On peut par exemple citer le cas d’Adolf Eichmann, haut dignitaire nazi responsable logistique de la solution finale, parfaitement conscient des crimes qu’il commettait, mais dont la gestion du génocide juif par le régime nazie occultait complètement chez lui la véritable nature de ses actes. L’administration bureaucratique de l’holocauste devient alors l’un des facteurs responsables de la banalisation du mal, concept introduit par Hannah Arendt, qui écrit dans son ouvrage Le système totalitaire : « Une publique allemande pendant la guerre montre que la population était très bien informée de tous les massacres des juifs en Pologne… Il est bien évident que le soutien apporté au totalitarisme ne s’explique ni par le lavage de cerveau, ni par l’ignorance ». Cette citation d’Hannah Arendt démontre bien la parfaite connaissance des crimes nazis par la population, mais si ce n’est ni par le lavage de cerveau ou bien l’ignorance que celle-ci soutenait le régime, alors par quel biais se rendait-elle donc coupable d’un tel massacre ? En ce qui concerne le départ pour les camps de concentration, celui-ci se fait par train. Or, pour le cheminot, rien ne change, si ce n’est la nature de ce qu’il transporte. Le train reste un train, et son seul travail est simplement d’aller d’amener ce train d’un point A à un point B, le geste ne change absolument pas : c’est la routine. Pour l’aiguilleur, il s’agit toujours d’orienter le train dans la bonne direction. Pour le chef de gare, il s’agit toujours de donner le feu vert quant au départ du train et s’assurer de respecter les horaires. Rien ne change donc. Que l’arrivée au pouvoir d’un dictateur fou accompagné de conseillers tout aussi fous que lui, s’il change bel et bien la vie de nombreux allemands, ne change en rien la technique du système industriel. Les usines ont toujours pour but d’être le plus efficace possible, les trains ont toujours pour but d’aller d’une destination à une autre, et leur bon fonctionnement est assuré par des milliers de personnes qui, voyant à quel point le système marche toujours aussi bien, ne pensent pas une seconde à remettre ce dernier en cause. En effet, si la logique du système est constamment validée par ses différents membres, il ne viendrait alors à l’esprit d’aucun d’entre eux de se questionner sur la finalité globale de celui-ci, à savoir, l’extermination de millions de personnes. Voilà donc la l’aspect beaucoup plus dangereux de la technique : celle-ci place l’individu au centre d’un système parfaitement bien huilé et cohérent, qu’il aura donc énormément de mal à remettre en question tant il marche si bien. Ainsi, la technique produit l’automatisation des actions de l’homme, ainsi que la disparition de sa conscience et donc sa déshumanisation, celui-ci garde purement en tête l’objectif qui lui a été fixé sans se rendre véritablement compte que celui-ci sert une cause complètement invraisemblable et dramatique. Le principe même de la technique comme outil utilisé par l’Homme pour parvenir à ses fins serait alors inversé, et c’est l’Homme qui servirait d’outil à la technique, et resterait soumis à elle. La véritable menace de la technique serait donc le fait qu’elle donne à l’Homme une illusion de contrôle et de pouvoir, sans que celui-ci se rende compte que c’est en réalité la technique qui exerce un contrôle sur lui en le déshumanisant. Le drame de l’holocauste et des totalitarismes marquera un profond bouleversement quant à la vision de la technique par l’homme, qui ne considérera plus naïvement que l’évolution technique est obligatoirement porteuse d’une évolution de la condition humaine. C’est le croisement de la barbarie et de la technique qui sont à l’origine même de la Shoah, d’autant plus que la technique ne possède pas de morale, elle sert simplement l’Homme, aussi monstrueux soit-il.
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