Peut-on être seul et heureux ?
Dissertation : Peut-on être seul et heureux ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar neness . • 29 Avril 2021 • Dissertation • 2 848 Mots (12 Pages) • 4 847 Vues
Dissertation de Philosophie
Peut-on être heureux seul ?
Premièrement, même si la question peut s’avérer aller de soi, il peut nous paraître intéressant de proposer à ce sujet une réponse bien plus profonde. « La solitude est bonne, et les hommes ne valent pas un regret », disait George Sand dans « Indiana ». La solitude peut avoir de multiples significations. En parlant d’une personne, les différents dictionnaires parlent d’un individu sans compagnie, isolé. Également, il y a des références à l’unicité, à l’exclusion des autres, à une personne sans aide, à des relations interpersonnelles peu fréquentes ou encore à une solitude. En d’autres mots, les ouvrages semblent référer aux cas où une personne se retrouve physiquement en l’absence d’autres personnes. Cependant « la solitude est sainte » disait Vigny. L'Homme pourrait t-il alors avoir la capacité de vivre heureux en tant que solitaire ? Peut-être que la solitude serait alors volontaire, souhaité par un individu, préférant se retrouvé en compagnie de lui seul pour un certain nombre de raisons. La solitude, absence d'autrui, pourrait donc être perçue comme état heureux lorsqu'elle est choisie. Néanmoins, « L'homme seul est quelque chose d'imparfait ; il faut qu'il trouve un second pour être heureux ». A travers cette citation tirée du Discours sur les passions de l'amour, Pascal affirme que l'on ne peut vivre heureux dans la solitude et que l'Homme a besoin d'autrui pour accéder au bonheur. Mais qu'appelle-t-on « bonheur »? « C'est un état de complète satisfaction, de plénitude », une quête universelle qui se différencie du plaisir. En effet, le bonheur résulte d'une façon de vivre de manière constante, c'est un état durable se distinguant de la joie ou du plaisir, qui constituent un état passager. Le bonheur c'est l'absence de tout ce qui peut nuire à la paix de l'âme, l'absence de peurs, d'espoirs, de remords, d'illusions et de désirs vains. Le bonheur est la satisfaction de ses désirs et il ne peut y avoir de désir sans autrui. Ainsi l'Homme ne pourrait vivre ce sentiment de bonheur dans la solitude, c'est-à-dire en absence d'autrui. D'après Sartre,"autrui c'est l'autre, c'est-à-dire le moi qui n'est pas moi". Autrui est à distinguer des "autres"; en effet, tout ce qui est autre que moi n'est pas nécessairement autrui que je reconnais comme sujet. Ainsi, il convient de nous interroger sur nos relations avec autrui et les conséquences sur notre bonheur; autrui est-il la condition de mon bonheur ou la cause de mon malheur ? « Malheur à l'Homme seul » dit la bible, car « lorsqu'il sera tombé, il n'y aura personne pour le relever ». Alors, nous est-il possible de vivre heureux dans la solitude ? Tout d'abord, nous nous intéresserons à une théorie selon laquelle le bonheur est accessible à l'Homme en absence d'autrui. Nous montrerons alors que dans certains cas, la solitude est nécessaire pour être heureux. Par la suite, nous essayerons de montrer que l'Homme ne peut se passer d'autrui et qu'il ne peut trouver un état de plénitude dans sa solitude.
"La solitude offre à l'Homme intellectuellement haut placé un double avantage : le premier, d'être avec soi-même, et le second de ne pas être avec les autres". Cette citation extraite d'Aphotismes sur la sagesse de la vie, du philosophe allemand Schopenhauer, illustre tout d'abord l'idée selon laquelle la solitude permettrait une réflexion sur soi même. Nous pouvons grâce à cela, citer le cas des ermites définis comme ayant fait le choix d'une vie spirituelle dans la solitude et le recueillement. Cette solitude permettrait de se concentrer davantage sur son « moi » pour ainsi mieux se connaître. En effet, la solitude que l'on choisit, et qui ne dure qu'un temps, est sans aucun doute le meilleur moyen de se retrouver. Ensuite, dans sa citation, Schopenhauer mentionne l'absence d'autrui comme un avantage. Autrui pourrai-il être la cause de mon malheur ?
Effectivement, la jalousie et l’envie sont des travers très répandus dans le genre humain, aussi le contact avec autrui est loin d’être toujours bénéfique. C’est pourquoi le philosophe Schopenhauer disait même que « La sociabilité est un penchant dangereux et pernicieux … car il nous met en contact avec des êtres moralement mauvais, et intellectuellement bornés ou détraqués ». Rechercher la solitude est donc quelque part un comportement qui relèverait de l’instinct de survie. L’adage populaire dit également : « Il vaut mieux être seul(e) que mal accompagné(e) ». Puisqu’en effet, celui ou celle qui est en mauvaise compagnie doit souffrir des extravagances caractérielles ou des sauts d’humeur de l’autre. « Le malheur des uns fait le bonheur des autres » écrivait Voltaire. Autrui se réjouirait donc de notre malheur, aggravant l'état de ce dernier. Mais outre la cause de notre malheur, autrui peut également constituer un obstacle à notre bonheur. Le bonheur, on l'a vu, c'est satisfaire ses désirs. Mais si notre désir est en rapport avec une autre personne que moi, alors celle-ci peut constituer un obstacle à mon bonheur. Autrui serait donc à la fois cause de mon malheur et obstacle à mon bonheur, est-il alors indispensable ? « Je sais maintenant que si la présence d'autrui est un élément fondamental de l'individu humain, il n'en est pas pour autant irremplaçable. Nécessaire certes, mais pas indispensable » disait Robinson sous la plume de Michel Tournier dans Vendredi ou les limbes du Pacifique.
Egalement, certaines organisations religieuses recherchent le bonheur dans la solitude, telles que le bouddhisme où le bouddhiste se cherche lui-même et évolue dans la solitude de son cheminement propre. Cependant, on peut vouloir être seul non pas pour se couper d'autrui, mais pour se retrouver soi-même. Reprenons l'exemple des ermites qui s'enferment dans un isolement volontaire. Seuls, ils sont à la recherche de vérités supérieures et de principes essentiels et n'ont nullement besoin d'autrui pour satisfaire cette recherche. « La solitude est un enfer pour ceux qui tentent d'en sortir, elle est aussi le bonheur pour les ermites qui se cachent » disait Kobo dans « La face d'un autre ». Guiges, appartenant à l'ordre des Chartreux, ordre religieux contemplatif, adressait une lettre à un ami dans laquelle il lui vantait les avantages de la vie en solitaire : « pour moi, celui qui est vraiment heureux n'est point l'ambitieux mais celui qui choisit de vivre humble et pauvre dans un ermitage , qui aime s'appliquer à méditer sagement en paix, dans le repos, qui désire ardemment demeurer assis solitaire dans le silence. » Dans cette même lettre, il avançait également que la solitude n'était pas innée mais que « la vie pauvre et solitaire devient à la fin céleste », l'idéal des moines tant de demeurer dans la solitude et l'ermitage. Ces moines se qualifient comme dignes des plus grands désirs, car ils ne désirent rien. Le bonheur leur est-il alors plus accessible ? Le fait de ne rien désirer est-il une forme de satisfaction du désir, conduisant au bonheur ? Cette solitude choisit serait-elle la clé du bonheur ? On semble pouvoir trouver satisfaction dans la solitude, mais volontaire. C'est notamment le cas de nombreux poètes et écrivains tels que Rousseau qui rédigea à la fin de sa vie Les rêveries du promeneur solitaire ; « me voici donc seul sur la terre, n'ayant plus de frère, de prochain, d'ami, de société que moi-même ». Dans cet ouvrage, Rousseau présente une vision philosophique du bonheur à travers un isolement relatif, une vie paisible en relation fusionnelle avec la nature et en l'absence d'autrui. Dans son isolement, il peut ainsi porter un regard sur lui-même : « mais moi, détaché d'eux et de tout, que suis-je moi-même ? voilà ce qui me reste à chercher ».
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