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Le Bonheur Est-il Une Affaire Privée

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Par   •  16 Juillet 2013  •  2 458 Mots (10 Pages)  •  1 641 Vues

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La recherche du bonheur semble être ce qui motive, directement ou indirectement, toutes nos actions. L'homme, guidé par une sorte d'instinct, cherche en effet naturellement à être heureux. Chacun recherche donc à sa façon, et sans même se soucier des autres, son propre bonheur, lequel est donc original, instinctif, voire même unique. Dans ce cas, le bonheur serait bien l'affaire de chacun, un projet personnel qui ne regarde personne d'autre. Être affairé signifie en effet être en action, agir, rechercher activement son bonheur et ne pas seulement l'espérer.

Cependant, en raisonnant de la sorte, on fait comme si les hommes vivaient seuls. Or la vie en société est un fait et la recherche du bonheur ne peut donc se faire qu'avec les autres, ou du moins qu'en tenant compte des autres. Que je le veuille ou non, l'autre est une réalité qui déborde la simple présence physique. La présence d'autrui se fait pressente dans cette foule qui m'étouffe, mais même seul, chez moi, autrui est encore là à travers ces événements médiatiques qui m'attristent. Et même sous cette pluie battante qui me démoralise, c'est à autrui que j'en veux d'avoir dérégler le climat. Que je le veuille ou non, la société a une influence sur les conditions de mon propre bonheur. Peut-être même que c'est à la société que revient le droit ou le devoir de constituer les conditions d'un bonheur commun.

Ainsi, d'un côté le bonheur relève bien d'une préoccupation individuelle qui n'engage que soi mais d'un autre coté, cette acquisition et cette recherche nécessitent des conditions que seule la société peut satisfaire

Mais, si la société a elle aussi, un rôle à jouer dans la recherche du bonheur, comment pourra-t-on dès lors concilier les préoccupations individuelles de chacun et les conditions sociales ou politiques qui rendent possible le bonheur de tous? Un bonheur commun, unique pour tous, ne perd-t-il pas en richesse, en authenticité? De même, n'est-il pas absurde de penser que l'on puisse me rendre heureux malgré moi?

Il paraît aller de soi que le bonheur est une « d'affaire strictement privée »

Le bonheur peut être défini comme ce vers quoi tend tout être humain, de par sa conscience et son aptitude à se représenter un ou plusieurs objets possibles de satisfaction. On peut ainsi, comme le suggère Kant, concevoir le bonheur comme directement issu de notre nature sensible. Il s'ensuit que le bonheur prend alors la forme d'une démarche égoïste dans laquelle chaque individu vise sa propre satisfaction. De plus, le bonheur doit être considéré comme une somme de satisfactions, donc comme un tout à atteindre, puisqu'il semble qu'on ne peut être heureux qu'en satisfaisant tous ses désirs de façon durable. Le bonheur est donc vraiment quelque chose de personnel dans la mesure où il variera en fonction des désirs de chacun, lesquels seront nécessairement différents les uns des autres. Il s'ensuit que concevoir une forme plus commune et plus collective de bonheur semble contraire à l'essence même du bonheur puisque nous n'avons pas tous les mêmes désirs. Dès lors, la recherche du bonheur semble bien être essentiellement «mon affaire» puisque, d'une part, elle concerne mes propres désirs et puisque, d'autre part, elle n'est qu'un mode de mon instinct de conservation.

Ainsi, seul l'individu est à même de mener à bien sa quête du bonheur puisque lui seul connaît vraiment ce qu'il désire. En ce sens, le bonheur semble bien supposer une certaine connaissance de soi, autrement dit une conscience claire de ce qui pourrait nous satisfaire. Or cette connaissance de soi ne peut vraiment qu'être mon affaire dans la mesure où chaque individu est bien placé pour connaître ses propres désirs. Il s'ensuit que, comme le souligne Kant, le bonheur est « un principe pratique contingent, qui peut et doit être différent dans des sujets différents » et qui suppose "la conscience qu'a un être raisonnable de l'agrément de la vie", la conscience permettant en effet à chaque homme de se connaître et surtout de décider librement de ce qui pourrait rendre son existence heureuse. A contrario, comme le suggère Kant, un État «où les sujets doivent attendre du jugement du chef d'État la manière dont ils doivent être heureux » serait « le plus grand despotisme qu'on puisse concevoir » Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, 1788.

Or, comme l'obtention du bonheur n'est pas toujours assurée, on peut qualifier de véritable «affaire » la recherche du bonheur. En effet, s'il est facile de définir ce que peut-être notre malheur, ce qui nous rend triste à coup sûr, il est plus difficile de mettre des mots sur ce qui nous rendrait à coup sûr heureux. Comme si le malheur se rappelait toujours à nous, plus réel et plus quotidien que cette idée du bonheur, toujours abstraite et toujours future. Rechercher et obtenir le bonheur n'a donc rien de sûr. Et ceci est d'autant plus vrai que le bonheur repose, par définition, sur le hasard et la chance (étymologiquement : bona hora, la bonne heure, donc le hasard) Il faut donc bien s'affairer à être heureux en mettant beaucoup de chance de son côté. Et, puisqu'il s'agit de mon bonheur, c'est bien à moi que revient cette affaire. Cette idée que le bonheur puisse être une affaire souligne combien le bonheur est quelque chose de compliqué qui doit faire l'objet d'un calcul nous permettant de passer en revue tout ce qui pourrait nous rendre heureux et nous incitant à l'obtenir, sans quoi nous risquerions de n'être qu'à moitié satisfaits.

On l'a vu ici, le bonheur renverrait donc à l'individu et à lui seul, dans la mesure où il exprimerait sa nature sensible. Difficile à obtenir, le bonheur serait donc la grande « affaire » de tout un chacun. Pour autant, si l'on envisage la nature raisonnable de l'homme, le bonheur ne peut-il pas être considéré comme quelque chose de plus universel ?

Si l'on considère que le bonheur consiste plutôt en un projet moral qui diffère du plaisir, ne devient-il pas dans ce cas l'affaire de la société tout entière ?

Lorsque l'on cherche à redéfinir le bonheur par rapport à tous les autres biens possibles, on est conduit à se demander si le bonheur ne serait pas la somme de tous les biens. Or, en hiérarchisant

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