Les Shiites Contre l’État Islamique : De Karbala 680 à l’Irak 2015

Les Shiites Contre l’État Islamique : De Karbala 680 à l’Irak 2015

Auteur : Roukhsar Nissaraly

Institution : Columbia University

Date de Publication : 5 Avril 2016

Lien de l’article en version originale (sources inclues) : http://blogs.cuit.columbia.edu/rightsviews/2016/04/05/the-shia-against-isis-from-karbala-680-to-iraq-2015/

Traduit de l’anglais par Roukhsar Nissaraly

Les attaques meurtrières récentes perpétrées sur des innocents par des groupes extrémistes tel que l’État Islamique à Ankara, Bruxelles, et Lahore ont provoqué l’indignation à travers la planète, et choqué d’innombrables consciences.  Dans un effort pour comprendre l’idéologie du groupe terroriste dont la notoriété n’est plus à débattre, il peut s’avérer utile de revenir cinq mois en arrière et d’analyser la 1335ème commémoration shiite de l’évènement d’Ashura, afin de nous rappeler que les premières cibles de la politique de terreur de l’État Islamique sont les musulmans eux-mêmes.

Le 24 Octobre 2015, défiant les bombes, les balles et les regards hostiles des partisans de l’État Islamiques, les shiites irakiens ont défilé dans la sainte ville de Karbala afin d’y commémorer le martyr de Hussein ibn Ali, petit fils du Prophète Muhammad et fils d’Ali ibn Abi Talib, le premier Imam et calife des musulmans shiites. Ce rituel de deuil religieux est largement observé dans le monde shiite, et marque une facette primordiale de l’identité de la secte : chaque année, le dixième jour du mois islamique de Muharram également connu sous le jour d’Ashura, les croyants tout de noir vêtus commémorent et pleurent le martyr de Hussain, le saint qui se souleva contre l’injustice sociale et sacrifia toute sa famille pour le bien de l’humanité lors de la bataille de Karbala.

En l’an 680AD, le calife omeyyade Yazid ibn Mu’awiyah accéda au pouvoir à travers la violence et la corruption, et demanda l’allégeance de Hussain. Étant un homme de justice et de vérité, ce dernier refusa de céder aux menaces de Yazid, et s’opposa à cette oppression religieuse, politique et sociale. Tel qu’il l’a dit lui même,

« Je ne me suis pas soulevé de gaieté de coeur, ni pour une quelconque insatisfaction personnelle, ni par subversion ni injustement. Je me suis soulevé pour réformer la Ummah de mon grand-père, le Messager de Dieu, pour commander le bien et interdire le mal. »

Hussain quitta donc Médine, la ville de son grand-père, pour le désert brulant et aride de Karbala. Avec ses 72 fidèles compagnons, il fût privé d’eau pendant trois jours sous un soleil de plomb, et massacré brutalement par une armée adverse d’au moins 30,000 hommes. Refusant de mener bataille jusqu’au dernier moment, Hussain et ses hommes tombèrent, martyrs et opprimés.

L’évènement historique de Karbala n’est pas seulement reconnu comme une bataille dont la férocité est sans égale ; il est également l’échiquier sur lequel ont été perpétrés d’innombrables violations des droits de l’homme les plus fondamentaux contre Hussain, ses compagnons, et sa famille. Ces récits humanitaires ne résonnent pas seulement à travers la communauté shiite. Bien au contraire, ils détiennent une profonde qualité universelle et transcendent les barrières culturelles, religieuses et ethniques. Hussain et sa famille ont été privés d’eau pendant trois jours. Cette même ressource est devenue un outil de guerre et de persécution pour l’État Islamique, afin de forcer les villages résistants à succomber à sa politique terroriste. Hussain et sa famille ont été cruellement assassinés pour les valeurs et les principes qu’ils détenaient. Aujourd’hui, l’État Islamique extermine les shiites sans scrupules, et les définit comme apostats et hérétiques. Les femmes et les enfants de Hussain ont été pillés, faits prisonniers de guerre, et humiliés dans les rues de Kufa et Damas. À ce jour, l’État Islamique pille des villages et a mis en place un marché d’esclaves florissant, dans lequel les femmes et les filles issues des minorités religieuses irakiennes sont utilisées et vendues à moindre prix.

Les enseignements de Karbala s’imposent comme l’arme de la foi contre l’injustice, et le puissant symbole révolutionnaire de Hussain fait la force des shiites irakiens contre l’État Islamique aujourd’hui. Étant considérés comme infidèles par le groupe extrémiste, les shiites sont particulières ciblés car ils sont reconnus comme étant les partisans d’Ali ibn Abi Talib et de sa progéniture - un crime pour l’État Islamique. Selon un rapport de l’organisation humanitaire Human Rights Watch, le groupe terroriste aurait détruit sept lieux de culte en Juin 2014, et exécute fréquemment les shiites en masse, notamment dans la ville de Tikrit. En Juillet 2015, l’explosion d’une voiture piégée dans la ville de Khan Bani Saad, dont les habitants sont majoritairement shiites, a fait 120 morts. Les témoignages confirment le fait que l’État Islamique se livre à une politique sélective d’assassinat, séparant les shiites des sunnites après vérification de leurs cartes d’identité, et ne fait aucune différence entre les hommes, les femmes et les enfants, encore moins entre les combattants et les civils.

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