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L'avenir d'une illusion

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Par   •  10 Janvier 2019  •  Commentaire de texte  •  2 150 Mots (9 Pages)  •  1 200 Vues

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Analyse de texte.

« Ainsije suis en contradiction avec vous lorsque, poursuivant vos deductions, vous dites que l 'homme ne saurait absolument pas se passer de la consolation que lui apporte I 'illusion religieuse, que, sans elle, il ne supporterait pas le poids de la vie, la realite cruelle.

Oui, cela est vrai de l 'homme a qui vous avez instille des l 'enfance le doux - ou doux et amer - poison. Mais de l 'autre, qui a ete eleve dans la societe ? Peut-etre celui qui ne souffre d'aucune nevrose n 'a-t-il pas besoin d'ivresse pour etourdir celle-ci. Sans aucun doute

l 'homme alors se trouvera dans une situation difficile ; il sera contraint des 'avouer toute sa detresse, sa petitesse dans l 'ensemble de l 'univers; il ne sera plus le centre de la creation, l'objet des tendres soins d'une providence benevole. fl se trouvera dans la meme situation

qu 'un enfant qui a quitte la maison paternelle, ou il se sentait si bien et ou il avail chaud. Mais le stade de l 'infantilisme n 'est-if pas destine a etre depasse ? L 'homme ne peut pas eternellement demeurer un enfant, il lui faut enfin s 'aventurer dans l 'univers hostile. On peut appeler cela « l 'education en vue de la realite » ; ai-je besoin de vous dire que mon unique dessein, en ecrivant cette etude, est d 'attirer l 'attention sur la necessite qui s 'impose de realiser ce progres ? » (Freud, L 'avenir d'une illusion, 1932).

Introduction.

Que rejette precisement Freud dans l'idee selon laquelle le besoin de s'en remettre a un autorite transcendante serait constitutif de la nature humaine? Que ne tolere-t-il pas dans l'invocation d'une faille affective et d'un besoin de reassurance pour expliquer l'adhesion des hommes a des dogmes religieux ? En quoi le recours a des causes psychologiques pour justifier la supposee impossibilite des hommes a se passer d'un grand recit imaginaire le laisse-t-il finalement insatisfait?

Nous nous proposons ici d'examiner de pres comment Freud, sans pour autant rejeter cette explication des croyances religieuses par une forme de detresse et d'angoisse affectives, en deplace radicalement les termes. A charge pour nous d'etablir que, s'il y a du vrai dans cette approche, celle-ci ne saurait en aucun cas valoir pour tous les hommes et qu'il convient de s'interroger sur la modalite de l'education recue pour comprendre l'incapacite affective que certains hommes eprouvent de se passer de « palliatifs spirituels » pour se rendre tolerable la realite telle qu'elle est.

Developpement.

Contrairement ace qu'une lecture superficielle de ce passage laisserait a penser, Freud ne denonce aucunement le caractere illusoire, mythologique ou fictif des recits religieux. D'une certaine facon, ce caractere vapour lui de soi puisqu'il les qualifie d'emblee d'« illusions». Ce qui l'intrigue davantage, ce sont les motifs psychologiques et affectifs qui incitent une certaine categoric d'hommes a y recourir comme a des remedes aux maux dont ils souffrent. Sous ce rapport, il ne nie pas qu'elles viennent repondre a des besoins de protection et de consolation : « Oui, cela est vrai de l 'homme a qui vous avez instille des l 'enfance le doux - ou doux et amer - poison. »

Seulement, cette lecture psychologique de la foi en une providence protectrice, consolatrice et pourvoyeuse de sens presente le defaut majeur de pretendre valoir universellement, presupposant par la meme occasion qu'il ya dans la nature humaine une faille affective qui la predispose a adopter de telles croyances. 11 y a done du vrai dans cette lecture, mais cette verite ne s'applique en aucun cas a tous les hommes. Qu'est-ce a dire ?

'il convient de comprendre le besoin affectif de securite, de protection et d'apaisement, non comme une structure permanente de la nature humaine, mais comme une formation psychopathologique qui a partie liee a une forme d'education : « Peut-etre celui qui ne souffre d'aucune nevrose n 'a-t-il pas besoin d'ivresse pour etourdir celle-ci. »

D'un cote, Freud souscrit a l'explication psychologique selon laquelle les croyances religieuses viennent repondre a une demande, ont vocation a apaiser une angoisse existentielle, ont - tout comme la morphine - fonction de remedes et de calmants ; de l'autre, il la rapporte a des conditions specifiques de formation et de developpement, done a processus d'individuation. Dans la mesure ou tout homme n'a pas besoin de recourir a d'imaginaires recits pour affronter la realite et trouver en lui les ressources pour dormer sens a son existence, comment se fait-il que certains hommes ne puissent s'en passer, que la vie ne leur soit supportable que s'ils ont le sentiment qu'une providence divine les protege et en prennent benevolement soin ?

En definitive, quel type d'homme eprouve le besoin d'echapper a la realite ou de se la masquer, si ce n'est celui qui est affectivement demuni face aux epreuves et aux obstacles qu'elle dresse sur la voie de son accomplissement?

La comparaison avec la drogue ou la morphine s'impose d'elle-meme : seuls ceux qui souffrent deja d'addiction peuvent trouver dans la consommation de drogue une forme de soulagement provisoire. De meme que les soins palliatifs, les croyances religieuses ne guerissent de rien, bien au contraire, mais elles offrent a ceux qui y recourent un ephemere soulagement a l'angoisse nevrotique dont ils souffrent.

Le probleme n'est done pas de savoir si l'homme a besoin ou non de croire en une providence divine, mais de s'interroger sur les causes anciennes d'un tel besoin, la ou il s'exprime et se fait sentir. Ainsi, pour comprendre la source d'une telle demande de soin, de protection et de soulagement, il convient non seulement de remonter aux premiers ages de la vie, mais de saisir les raisons psycho-affectives pour lesquelles elle n'a pas ete surmontee a un age ou elle aurait du l'etre. En effet, la situation affective ou nous nous trouvons en naissant est celle d'une extreme detresse et done, d'une extreme dependance. Aussi, a notre naissance et pendant toute la periode de la petite enfance, la demande en soin, en attention, en protection est-elle considerable. Rien que de tres naturel ace phenomene. Ce qui l'est moins, en revanche, c'est quand cette dependance affective, liee a la condition infantile, se prolonge au sortir de l'enfance et devient, en quelque sorte, une formation

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