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Sigmund Freud, L’avenir d’une illusion (1927), ch. VI.

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Par   •  16 Décembre 2020  •  Dissertation  •  2 391 Mots (10 Pages)  •  954 Vues

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« Ces idées, qui professent d’être des dogmes, ne sont pas le résidu de l’expérience ou le résultat final de la réflexion : elles sont des illusions, la réalisation des désirs les plus anciens, les plus forts, les plus pressants de l’humanité ; le secret de leur force est la force de ces désirs. Nous le savons déjà : l’impression terrifiante de la détresse infantile avait éveillé le besoin d’être protégé – protégé en étant aimé – besoin auquel le père a satisfait ; la reconnaissance du fait que cette détresse dure toute la vie a fait que l’homme s’est cramponné à un père, à un père cette fois plus puissant. L’angoisse humaine en face des dangers de la vie s’apaise à la pensée du règne bienveillant de la Providence divine, l’institution d’un ordre moral de l’univers assure la réalisation des exigences de la justice, si souvent demeurées irréalisées dans les civilisations humaines, et la prolongation de l’existence terrestre par une vie future fournit les cadres de temps et de lieu où ces désirs se réaliseront. Des réponses aux questions que se pose la curiosité humaine touchant ces énigmes : la genèse de l’univers, le rapport entre le corporel et le spirituel, s’élaborent suivant les prémisses du système religieux. Et c’est un formidable allégement pour l’âme individuelle que de voir les conflits de l’enfance émanés du complexe paternel – conflits jamais entièrement résolus –, lui être pour ainsi dire enlevés et recevoir une solution acceptée de tous ».

Freud a sur les croyances religieuses un point de vue athée : ni la science ni l’expérience concrète ne confirment l’existence de Dieu, c’est-à-dire l’existence d’une entité toute-puissante, omnisciente et éternelle. Si ni l’expérience quotidienne (et sensible) ni la science ne prouve l’existence d’une telle entité, pourquoi tant d’hommes y croient ?

Freud est positiviste : il ne croit que ce que la science est capable d’établir. Donc, pour lui, la croyance en Dieu relève d’une illusion et non d’une réalité objective (dont témoignerait l’expérience ou la science). Un peu plus loin dans le texte Freud souligne la différence entre une illusion et une erreur. Une erreur, une fois corrigée, ne se refait pas. Par contre, une illusion, même reconnue comme telle, se répète. Ainsi, j’ai beau savoir que le soleil est immobile, je continue à dire qu’il « se lève » ou qu’il « se couche ». Freud souligne que la résistance d’une illusion vient du désir qu’on a d’y croire. Même, une fois reconnu avec Kant (on l’a vu) qu’il est strictement impossible d’établir – scientifiquement – l’existence de Dieu, les hommes continuent de croire en son existence parce que – quoi qu’il en soit de la réalité – ils désirent y croire. La force de l’illusion religieuse vient donc – non de la réalité objective – mais de la force de certains désirs qui me pousse intérieurement à vouloir croire à ces illusions. Pour le positiviste Freud, la religion est donc fondée – non dans la réalité extérieure – mais dans la réalité intérieure de certains besoins psychologiques enracinés dans le cœur de chaque être humain. Quel est ce besoin qui pousse les hommes à croire en quelque chose qu’ils ne peuvent ni voir ni toucher et dont la science est incapable de prouver l’existence ?

Freud pense que ce désir a des racines profondes qui remontent au stade le plus archaïque de l’enfance humaine. Lorsque l’enfant naît, il est – de fait – incapable de survivre par ses propres moyens : il ne peut se nourrir, boire, prendre soin de son corps ; sa survie dépend entièrement des soins qui lui sont procurés par les adultes : il a impérativement besoin que les autres prennent soin de lui sur les plans tant physique que psychique. En effet, pour se construire psychiquement, un enfant a besoin de se voir témoignés, en plus de soins physiques, des soins affectueux. Seul, il n’est ni physiquement ni psychiquement viable. C’est ce sentiment de détresse et de dépendance absolue à l’égard des autres qui est premier et ce sentiment fait naître le besoin – dit Freud – d’être protégé et aimé. Ce besoin – tant physique que psychique – la mère par ses soins l’a satisfait, mais, du moins dans un univers mental « patriarcal », la figure protectrice par excellence est le père, un père que l’enfant ne se représente pas de manière réaliste mais de manière « phantasmatique » comme un père « tout-puissant » : capable de punir « tous les méchants » pour me défendre. Le petit garçon ou la petite fille se représentent leur père comme une sorte de personnage tout puissant capable de les protéger contre tout ce qui les menace. En même temps, ce père, parce qu’il m’aime, va me pardonner quand c’est moi qui est méchant ou qui fait quelque chose de mal. L’enfant a donc besoin pour se construire psychiquement de voir dans son père un personnage à la fois aimant et tout-puissant (mon papa est « le plus fort de tous les papas » !). Cette figure toute-puissante est, bien sûr, largement imaginaire et le père n’est évidemment pas « tout-puissant » mais l’enfant y croit parce que, psychiquement, il a besoin d’y croire.

Bien sûr cet enfant grandit et en grandissant le principe de réalité prend le pas sur le principe de plaisir : l’enfant apprend à faire la différence entre son désir et la réalité. Aussi découvre-t-il d’une part que les aléas de la vie – la mort, la maladie ou l’injustice – durent toute la vie et, d’autre part, que le père réel est, comme tous les autres êtres humains, largement impuissant face à eux. La science – pour les maux physiques : la mort ou la maladie – ou la politique et l’éthique – pour le mal moral : l’injustice – peuvent atténuer cette détresse née de l’impuissance face à ces maux mais elles ne peuvent pas la supprimer complètement. Aussi cette détresse face au mal physique ou moral dure toute la vie et c’est ce que l’enfant doit affronter lorsqu’il devient adulte en renonçant, précisément, aux illusions de l’enfance.

Une solution est alors de substituer au père réel un Père symbolique que l’on pourra d’autant plus se représenter comme tout-puissant qu’il n’est pas réel. Ainsi de ce besoin psychologique d’être protégé et aimé naît la croyance en l’existence de Dieu : celui qu’on appelle à la fois le « Tout-puissant » - « the Allmighty » dit-on en anglais – et le « Miséricordieux » - disent les musulmans : un dieu donc qui est à la fois tout-puissant et aimant, exactement comme l’est le père réel dans l’esprit de l’enfant. De même que mes peurs

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