Pensez-vous encore possible de préserver le secret aujourd'hui ?
Dissertation : Pensez-vous encore possible de préserver le secret aujourd'hui ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar zsidibou • 17 Octobre 2021 • Dissertation • 3 499 Mots (14 Pages) • 572 Vues
Sujet : pensez-vous encore possible de préserver le secret aujourd'hui ?
« Il y a plus de peine à garder un secret qu’à tenir un charbon ardent dans sa bouche. » disait Socrate. Dès lors, préserver un secret semble être une épreuve douloureuse et difficile. Il paraît donc pertinent de réfléchir à la difficulté voire à la possibilité de garder un secret de nos jours.
Le secret, du latin secretus, désigne le fait d’être distinct, isolé, caché. De ce fait, le secret est une information qui ne se confie pas, n’étant connue et réservée que d’un nombre limité de personnes. L’étymologie du mot « secret » laisse ainsi apparaître deux caractéristiques. Il désigne à la fois une particularité : le secret est ce qui n’est pas rendu public, accessible; et un objet, comme une information ou une connaissance que l’on ne peut divulger. Or il semble que le secret n’a sa raison d’être que s’il finit par être révélé, et par avoir une certaine efficacité sur le réel. Un secret qui ne se partage pas, en soi, n’existe pas. Il trouve sa raison d’être dans une possession commune, mais aussi dans l’éventualité de sa divulgation. Ainsi, l’enjeux du sujet repose sur l’adjectif « possible » et les adverbes « encore » et « aujourd’hui » : le problème consiste à montrer si protéger un secret est réalisable de nos jours.
En effet avec l’avancée technologique et l’essor de la culture de la transparence, il semble improbable voire impossible de garder un secret aujourd’hui. Or, il se trouve que le secret est l’une des instances majeures de nos interactions sociales et au bon fonctionnement des nations. Comment expliquer cette apparente difficulté à garder un secret? L’usage du secret semble être condamné et inapplicable dans nos sociétés contemporaines. Pourquoi cette difficulté semble-t-elle paradoxale ? Le secret apparaît comme une composante majeure de notre société au plan social et politique. Se pourrait-il alors que certains usages du secret soient légitimes? Le secret peut être utilisé pour protéger l’intérêt individuel et général.
Dans quelle mesure la protection de secrets semble-t-elle invraisemblable de nos jours?
De prime d’abord, si garder des secrets semble être invraisemblable et condamné de nos jours, celui-ci apparait tout de même être omniprésent dans notre vie quotidienne, d’autant plus qu’il permet la protection de l’intérêt individuel et général.
La pertinence de l’expression « encore possible … aujourd’hui » apparaît de prime d’abord légitime, dans la mesure où la protection de secret se semble être invraisemblable de nos jours.
L’essor de la culture de la transparence expliquerait cette difficulté de préserver le secret. La transparence dans l’exercice du pouvoir devient une exigence dans nos sociétés démocratiques. « La transparence est la vertu des belles âmes », écrivait Rousseau dans Les Confessions. Elle est la propriété de ce qui montre tout, ne camoufle rien. Les citoyens devraient être totalement informés sur les fonctions et les pratiques du gouvernement. Dans cette « ère de la transparence », ce principe semble aujourd’hui indispensable à nos sociétés démocratiques : c’est un droit, une exigence citoyenne et un devoir qui s’imposerait aux dirigeants politiques. Son expansion relève en premier lieu d’un idéal démocratique : le « pouvoir du peuple » ne peut en effet s’exercer qu’avec des citoyens pleinement informés et aptes à la délibération. La sphère politique doit ainsi être publique, et visible aux yeux de tous : c’est le « principe de publicité », du philosophe allemand Jürgen Habermas. L’État aurait l’obligation de faire connaître aux citoyens ses intentions, ses décisions, ses délibérations de manière à ce qu’ils puissent être informés. Ce principe s’oppose donc au secret. Fondamentale, la transparence devient un droit pour les citoyens, qu’ils soient diffuseurs ou récepteurs de l’information. Ainsi cette exigence de transparence de la part des dirigeants politiques rendrait inconcevable l’usage du secret.
Par ailleurs, l’avancée technologique et médiatique —notamment avec les lanceurs d’alertes— semble rendre difficile la protection de secret. L’essor des technologies numériques a considérablement modifié la manière dont nous communiquons. Internet permet à une quantité inédite de données de se voir reconnaître un caractère public. Tout devient visible, du propos sans intérêt aux confessions les plus intimes. Le progrès technologique rend public ce qui demeurait du domaine du secret.
L’usage de la toile vise désormais largement à exposer une partie de son intimité, notamment à travers des blogs et réseaux sociaux—comme Facebook, twitter, instagram… Devenu le lieu de l’auto-dévoilement, Internet est un espace où on affiche volontairement à des inconnus ce que l’on cache à ses proches. Bien souvent ce sont en effet les usagers eux-mêmes qui révèlent leur vie personnelle.
Ensuite, selon la Déclaration Universelle des droits de l’Homme du citoyen , « tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression » ce qui implique « le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions » et « celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelques moyens d’expression que ce soit ». La liberté d’informer est donc une composante de la liberté d’expression qui est un pilier de nos systèmes politiques démocratiques, d’autant plus que la transparence est devenue une exigence citoyenne. À l’image d’Edward Snowden et du Wikileaks de Julien Assange, le « lanceur d’alerte » fait alors figure d’acteur nécessaire au bon fonctionnement démocratique, voire de « héros ». Au sens large, un lanceur d’alerte est une personne physique, ou une entité, qui révèle une atteinte à l’intérêt général en la portant au regard de la société civile ou des pouvoirs publics. Il agirait au nom de l’intérêt commun en mettant au jour certaines failles de nos systèmes: il ferait garantir sa protection, tout en sachant que la révélation de certains secrets pourrait nuire aux intérêts particuliers. Par exemple, la révélation par Mediapart, co-fondé par Edwy Plenel, de l’existence d’un compte bancaire caché par le ministre délégué au Budget Jérôme Cahuzac en 2013 s’inscrit dans le cadre d’un journalisme d’investigation sans concession pour le pouvoir, pour lequel le dévoilement du secret participe d’une dénonciation des techniques de conservation du pouvoir.
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