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Le rapport technique au monde

Analyse sectorielle : Le rapport technique au monde. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  28 Janvier 2014  •  Analyse sectorielle  •  3 556 Mots (15 Pages)  •  942 Vues

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Introduction

Que la technique occupe dans notre existence une place de plus en plus importante, c’est un fait difficilement contestable. Que ce soit sous la forme des objets ou des pro- cédés que nous utilisons, la technique peut apparaître comme le mode exclusif de l’agir humain. Doit-on pour autant en conclure que notre rapport au monde est devenu exclusivement technique? N’est-il pas d’ailleurs contradictoire de penser notre rapport au monde uniquement en termes techniques? Dans Éthique à Nicomaque Aristote définit la teknê comme «une disposition à produire accompagné de règles ». La technique relève donc de la mise en œuvre de procédés, de moyens mis en rapport avec leur objet de manière précisément définie pour produire une fin. Autrement dit, si la technique se définit comme le domaine des moyens, elle est inséparable de la notion de fin. C’est pourquoi Aristote distingue les «fins des arts archi- tectoniques» des «fins des arts subordonnées», les premiers donnant sens et justifiant l’usage des secondes. Il nous faut donc distinguer la poiesis, qui est action subordonnée à une fin extérieure, de la praxis qui est action contenant en elle sa propre fin pour prendre la mesure de toutes les dimensions et les aspects de l’agir humain. La question se pose donc de la possibilité d’éluder, d’évacuer toutes les autres manières d’établir notre rapport au monde, pour réduire ce dernier à sa dimension purement technique. N’y aurait-il pas là une contradiction résultant d’une certaine ignorance de la véritable nature de la technique? La tentation est grande de laisser à la technique le soin de « gérer » notre rapport au monde. Ainsi conçoit-on et pratique-t-on aujourd’hui des techniques de communication, laissant entendre que même les relations humaines pourraient être réglées par des procédés rationnellement définis et éludant ainsi la question du contenu et des fins de la communication. Mais cette volonté de penser et d’établir notre rapport au monde, aux choses et aux autres, réduit-elle réellement notre rapport au monde à sa dimension technique? Ou ne laisse-t-elle pas à la technique le soin de prendre en charge des questions qui ne la concerne pas et qui relèvent de notre rapport non technique avec le monde?

1 Le rapport technique au monde

1.1 La teknê comme « disposition à produire accompagnée de règles »

L’intérêt de cette définition est qu’elle ne réduit pas la technique aux objets techniques (outils, machines, etc.), mais elle la définit plutôt comme un certain type de rapport au monde défini par une certaine configuration de l’agir humain. La technique renvoie aussi à des procédés, des manières de faire, des savoir-faire qui ne nécessite pas le recours à des outils sophistiqués. L’utilisation de notre corps peut également relever de la technique, principalement lorsque nous faisons usage de nos mains qui sont en quelque sorte les outils naturels dont dispose notre corps. On peut donc considérer que l’homme en raison de sa configuration physique et intellectuel est un être technique.

1.2 En quel sens l’homme peut-il être considéré comme un être technique?

L’homme par son travail transforme la nature, il joue en quelque sorte un rôle de médiateur entre la nature et les choses qu’il produit. C’est son activité technique qui permet d’expliquer la différence soulignée par Aristote dans la Physique entre les choses de la nature et les produits de l’art. Et si l’homme est en mesure de réaliser de telles produits, c’est parce que la nature lui a donné les moyens de le faire. À la différence de Platon qui, dans le Protagoras, en se référant au mythe de Prométhée, explique l’apparition de la technique par une intervention des dieux, Aristote quant à lui dans Les parties d’animaux explique l’existence de la technique par la configuration naturelle de l’homme. C’est parce que la nature a donné à l’homme l’intelligence et les mains qu’il n’est pas le plus démuni des animaux, mais au contraire le mieux loti, puisqu’il est en mesure de se donner à lui-même tout ce dont les autres disposent sans être obligés d’en encombrer son corps lorsqu’il n’en a plus besoin.

1.3 La technique comme dimension de la culture humaine

L’homme est un être de culture, un être qui doit se prendre en charge pour devenir lui-même, pour réaliser ses potentialités. Selon l’analogie opérée par Cicéron dans Les Tusculanes, il est permis de rapprocher la culture de l’agriculture, il en va des bons esprits comme d’une bonne terre, il ont besoin d’être cultivés pour donner le meilleur d’eux-mêmes. On pourrait donc en conclure que même le rapport de l’homme à lui-même est un rapport technique. L’éducation relèverait d’une technique d’apprentissage et serait, entre autres, constituée de diverses techniques intellectuelles, telle la mnémotechnique ou les méthodes de raisonnement qu’il faudrait enseigner aux enfants pour qu’ils se développent.

Cependant, n’y a-t-il pas là une réduction et une contradiction à vouloir ainsi tout envisager en termes techniques, réduction du monde et de l’homme à l’état d’objet sur lesquels nous serions destinés à agir et contradiction par rapport à l’essence même de la technique qui ne prend sens que par rapport à ce qui n’est pas elle, c’est-à-dire relativement aux fins au service desquelles elle est mise en œuvre.

2 Les autres types de rapports au monde

2.1 Le rapport théorique et contemplatif

Selon Aristote, c’est quand les hommes sont parvenus à satisfaire tous leurs besoins qu’ils peuvent poursuivre leur véritable fin : se livrer à la science, cette dernière ayant donc valeur de fin architectonique à laquelle sont subordonnées les fins des autres arts. Cela signifie donc que si l’homme est un être technique, c’est précisément pour que son rapport au monde ne soit pas que technique. Autrement dit, un rapport au monde qui ne serait que technique serait en contradiction avec la raison d’être de la technique. Dans une certaine mesure, c’est la poiesis qui rend possible la praxis, l’action qui est à elle-même sa propre fin et qui ne relève pas de la mise en œuvre réglée de moyens poursuivant une fin qui lui est extérieure. Ainsi la technique en rendant possible la connaissance permet, pour l’homme, l’établissement d’un rapport à soi et au monde qui n’est pas uniquement technique mais qui est essentiellement fondé sur la réflexion. Car

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