Fiche de lecture : De la servitude volontaire – Etienne De La Boétie
Fiche de lecture : Fiche de lecture : De la servitude volontaire – Etienne De La Boétie. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Emilien De Rastignac • 13 Novembre 2018 • Fiche de lecture • 1 460 Mots (6 Pages) • 747 Vues
De la servitude volontaire – Etienne De La Boétie
Corneille avait son obscure clarté, La Boétie a sa servitude volontaire. A la lecture, ne serait-ce que du titre de cet ouvrage de la Boétie, le lecteur sens bien qu’il va être bousculé en son for intérieur. En effet le titre oxymorique souligne bel et bien le caractère absurde de la soumission à un tyran. Dès lors il semble apparaître un caractère libertaire dans la thèse de La Boétie.
1. Comment comprenez-vous la thèse de l’oeuvre ? Comment La Boétie l’argumente-il ?
Comme dit précédemment, la thèse de La Boétie est avant tout focalisée sur l’étude du comportement des peuples vis à vis des tyrans. Ainsi dès le début de son ouvrage, La Boétie souligne un point important : comment un seul homme peut-il régner sur toute une nation ? En ce sens La Boétie cherchait une explication à l’étonnant succès que connaissaient les régimes tyranniques à son époque.
Ce faisant, La Boétie axe sa réflexion sur deux grands axes d’études : dans un premier temps il cherche à savoir comment un homme peut en mettre des centaines d’autres à genoux et secondement il observe comment s’opère la pérennité de ces régimes.
Pour expliquer la position du tyran, La Boétie émet un thèse très forte : La Malencontre.
La Malencontre constitue un point de hasard spatio-temporel, un moment de malchance pour l’individu soumis. On peut rapprocher cette thèse à celle utilisée par se contemporains que sont Locke et Hobbes avec les théories contractuelles de l’État et le passage de l’État de Nature à un État social définit par un contrat. La Boétie dit même que « Dieu, […] nous a tous créés et coulés au même moule pour nous montrer que nous sommes tous égaux ». Au départ nous sommes donc tous égaux et c’est la Malencontre qui crée les inégalités, ou plutôt le pouvoir. Ceci fait assurément écho – chez nous lecteurs du XXIème siècle – à la phrase de rousseau : « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. » (Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes). Chez La Boétie ce n’est pas la propriété mais le pouvoir qui est remis en question.
Assujetti à cela, le jeune écrivain salardais ajoute que la liberté fut progressivement délaissée par les peuples avec la très célèbre phrase : « C’est bien le peuple qui délaisse la liberté, et non pas le tyran qui la lui prend. ». Il faut entendre par là que seule – et c’est la la force de la thèse de La Boétie – la servitude de l’être permet au tyran de rester au pouvoir. Comme le disait également Proudhon dans la Recherche sur le principe du Droit et du Gouvernement : « Le simple fait d'obéir se trouve être antécédent à la violence ».
Nous l’avons vu, la servitude découle d’un événement purement ponctuel. Mais alors, quid de la pérennité de des régimes tyranniques ?
La Boétie nous dit que, même si la servitude est volontaire, une fois au pouvoir, les tyrans, pour conserver leur titre, n’hésitent pas à utiliser différents stratagèmes pour asservir et affaiblir le peuple. La Boétie nomme tous ces stratagèmes « drogueries » ce qui fait naturellement écho aux célèbres mots de Jules César : « panem et circenses ». Le peuple est si diverti qu’il en oublie qu’il est asservi et aliéné à sa condition par le pouvoir en place et que seule son action pourrait le délivrer. Or les jeux et la sensation de « satiété » font de lui un être inactif, béat et impotent. Ce que nous montre La Boétie c’est qu’il faut se ré-approprier la liberté qu’on a abandonné au tyran. En somme, le peu qu’on a accordé à nos dirigeants, ils en usent pour nous endormir lentement. Comme l’écrivait Tocqueville dans De la Démocratie en Amérique : « c’était comme contempler une foule béate et tranquille, marchant dans l’allégresse la plus totale vers sa propre fin. »
En plus des « circenses » , La Boétie décrit l’utilisation – ou plutôt la manipulation – de la religion comme élément notoire d'aliénation du peuple. L’auteur du Contr’un ajoute également que l’absence de connaissance ne peut entrainer autre chose qu’un accroissement de la supériorité tyrannique.
Alors, comment sortir de cette servitude bien que décrite comme volontaire ? La Boétie décrit notre aliénation à la force tyrannique comme inhérente à notre habitude : (ceux qui n'ont jamais connu la liberté) « servent sans regret et font volontairement ce que leurs pères n’auraient fait que par contrainte. » Ainsi donc on assiste réellement à un conclusion très libertaire puisque que La Boétie entend là – et ce de manière sous-entendue – une sorte de désobéissance civile. Cette idée sera reprise par Henri David Thoreau dans son livre homonyme (La Désobéissance civile) – celui-ci admettant même avoir était influencé dans ses idée par la lecture du Contr’un dans Walden ou la Vie dans les bois. Je terminerai naturellement par une citation de cet immense auteur nord-américain : « Le citoyen abdique nécessairement – ne serait-ce qu’un instant – sa conscience au législateur. C’est pourquoi, au nome de la liberté, le citoyen doit désobéir. »
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