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Faut-il toujours obéir aux lois ?

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Par   •  11 Décembre 2020  •  Dissertation  •  1 832 Mots (8 Pages)  •  1 767 Vues

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FAUT-IL TOUJOURS OBÉIR AUX LOIS ?

Par

Alixe Gauthier

Travail présenté

à

Monsieur Jean-François Gignac

Collège de Bois-de-Boulogne

340-701-BB : Philosophie et rationalité ; gr. 00002

Le 20 novembre 2020

Dans le Criton, Platon met en scène le dialogue entre Socrate et Criton, où l’un essaie tant bien que mal de convaincre l’autre de s’enfuir et d’échapper ainsi à son exécution.  En juxtaposant justice et devoir, le philosophe nous amène à questionner la promotion de l’obéissance dans la société. Il est alors pertinent de s’interroger : « Faut-il toujours obéir aux lois? » En effet, si une obéissance aux lois permet de conserver l’ordre dans la société, ces dernières ne sont cependant pas toujours légitimes. En ce qui me concerne, je pense que le citoyen se doit de conserver une vision critique des décrets et s’autoriser le droit de remettre en question leur autorité. Nous discuterons alors de la dépendance des lois face à celui qui les applique, de leur légitimité et de la négation du jugement qu’elles entraînent.

Tout d’abord, les lois sont arbitraires car elles relèvent de leur application et sont donc dépendantes de l’interprétation qu’en fait l’autorité. Ainsi, Socrate sera condamné, non pas par les lois elles-mêmes, mais plutôt par l’assemblée Athénienne qui usera de ces dernières afin de satisfaire l’opinion public. Toutefois, Socrate nous dira alors qu’il ne faut guère se soucier de l’opinion du plus grand nombre et qu’il est plutôt nécessaire de s’en remettre aux experts.

« Par conséquent, pour savoir comment faire ce qu’il a à faire, s’entraîner, manger et boire, il prendra l’avis d’un seul individu, celui qui s’occupe de lui et qui s’y connaît, et non pas celui du grand nombre en bloc. » (Criton, 47b)

Or, cette affirmation nous amène à remettre en question la véracité et la justesse des principes que le philosophe, qui se dit ignorant, s’entête à respecter. En effet, si l’opinion des méconnaisseurs est subjective, les mœurs auxquels se soumettent les hommes, qui dépendent alors de cette opinion, le sont également. Cette contradiction au sein même du discours de Socrate nous renvoie ainsi à l’influence de l’interprétation de celui qui juge au regard de l’intention voulue des Lois. En conséquence, si l’on admet que la réalité des lois est traduite par leur application, ce ne serait pas aux lois que l’on désobéirait mais à l’interprétation qu’en aurait fais l’individu qui les aurait invoquées. Ainsi, ce ne sont pas les lois qui sont injustes mais les hommes qui les utilisent. Pourtant, au-delà de la notion de justice dont il sera question plus loin, c’est d’existence qu’il faut alors parler. Ainsi, si l’on considère le poème de Parménide et sa question de l’être et du non-être, les lois seules ne seraient pas car elles ne peuvent être pensées que par l’observation que l’on fait d’elles dans le réel. Il apparaît maintenant clair que les porte-paroles, leur jugement et interprétation sont intimement liés aux lois et leur sont même essentiels, rendant de ce fait ces dernières parfois peu fiables. De plus, les lois étant soumises à l’autorité en place, elles sont parfois utilisées pour oppresser et manipuler le peuple. Platon lui-même pointera d’ailleurs cette utilisation des lois comme outils de pression avec Criton.

« Pour ma part, je ressens, pour toi comme pour nous qui formons ton entourage, de la honte à la pensée qu’on impute à une certaine lâcheté de notre part la conduite de toute l’affaire, ta comparution devant le tribunal alors que tu pouvais ne pas y comparaître, le cours même qu’a pris le procès et, enfin, le dénouement de l’action qui fut dérisoire, si je puis dire […] nous qui, pas plus que toi-même, n’avons su te sauver, alors que cela était possible et qu’on pouvait y parvenir si nous avions été bons à quelque chose, si peu que ce fût. » (Criton, 46a)

 On pense alors que si Socrate avait contesté sa peine et plaidé son innocence comme il était coutume de le faire par les prisonniers, sa sentence aurait sûrement était levée ou tout du moins diminuée. Ainsi, il nous est encore une fois possible de voir que le désir que tous se conforment à l’autorité prône sur la véracité du jugement et des preuves, qui manquent d’ailleurs dans le cas de Socrate, et nous prouve donc que l’application des lois, et de ce fait les lois en elles-mêmes, ne peuvent être une doctrine à suivre impérativement.

Bien que son discours repose sur des arguments qui appartiennent plus au monde matériel qu’au monde des Idées, Criton place dès le début du dialogue la justice[1] au centre du débat que se livreront les deux amis. La confrontation entre la légitimité des lois et leur aspect légal nous forcera à admettre, non pas une seule et même justice, mais deux. Or, c’est justement cette distinction entre la justice morale et la justice juridique que Socrate ne semble pas faire. Car enfin pour lui, la justice juridique dicte la justice morale. Alors que pour Criton, s’enfuir semble être une action juste car elle rectifie l’injustice dont Socrate est victime, le philosophe prisonnier, lui, voit cette fuite comme une atteinte aux Lois de la cité. Socrate estimera alors que commettre une injustice en réponse à l’injustice n’est pas une solution adéquate.

« Qu’il faille nous attendre à être plus mal traités ou mieux, il n’en reste pas moins que commettre l’injustice est, en toutes circonstances, chose mauvaise et blâmable pour celui qui commet l’injustice. […] Par conséquent, il ne faut pas répondre à l’injustice par l’injustice et faire du tort à qui que soit, quel que soit le mal subit. » (Criton, 49b-49c)

En parlant ainsi de réaction face à l’injustice, Platon, par le biais de Socrate, vient apposer au dialogue la supposition que l’homme a pour réflexe la vengeance et non la discussion. Néanmoins, il est important de noter que la limite entre manifestation et vengeance peut s’avérer parfois très floue. Finalement, et pour en revenir à la légitimité de la justice juridique que s’efforce de défendre le Criton, il est nécessaire de distinguer en plus du légal[2] et du légitime[3], les lois qui régissent la société athénienne et les Lois auxquelles Socrate donne la parole. En effet, les « Lois » dont il est question, correspondent à un Idéal, une perfection qui, par le fait même qu’elle soit idéale, ne peut être atteinte. Ainsi, si l’on continue en suivant les idées de Platon[4], la traduction réelle d’un Idéal est imparfaite, ce qui fait des lois auxquelles on doit obéissance des copies incomplètes et donc, par ailleurs, non conformes au juste.

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