Le moyen de travail selon Marx
Dissertation : Le moyen de travail selon Marx. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar EMIEROUVEYRE38 • 13 Mars 2013 • Dissertation • 2 579 Mots (11 Pages) • 2 650 Vues
INTRODUCTION :
Dans ce texte, Marx explique ce qu'il faut entendre par « moyen de travail ». Être tout à la fois conscient et volontaire, l'homme se distingue radicalement des animaux en ceci qu'il est capable d'interposer un monde d'objets entre lui et la nature – non pas simplement des objets fabriqués, mais aussi et surtout des objets qui servent à fabriquer d'autres objets (c'est-à-dire à produire un travail), et qu'on nommera à bon droit des instruments.
À la différence de l'animal en effet, l'homme est doué de conscience et de volonté : il est capable de se représenter par avance ce qu'il veut faire, capable en d'autres termes de se proposer un « but », lequel sera le résultat de son travail. Se représentant par avance ce qu'il veut obtenir, l'homme peut donc déterminer les moyens qu'il lui faudra déployer : ces « moyens de travail » sont alors constitués de choses ou d'ensembles de choses, primitivement prélevés dans la nature, puis eux-mêmes fabriqués à mesure que la production se complexifie. Le propre du travail humain, c'est donc d'être toujours médiat : le résultat n'est jamais obtenu directement, mais toujours par l'intermédiaire d'un instrument ou d'un moyen. Le moyen de travail a alors un statut particulier : d'un côté, il est extérieur à l'homme (il n'est pas un organe naturel) ; d'un autre côté, il est utilisé comme prolongement de nos organes naturels : si le corps est lui-même l'instrument de la volonté, alors l'outil est un « allongement » de ce corps, en ceci qu'il nous rend capable de produire un effet qui est hors de portée de nos seules capacités naturelles.
Le moyen de travail est donc le point où s'entre-pénètrent intériorité et extériorité : il est volonté objective, ou volonté devenue objet, prolongement du corps propre, intermédiaire entre le travail et le produit du travail ou résultat. De ce fait la terre elle-même devient non seulement « magasin de vivres » (ce qu'elle est déjà pour l'animal), mais aussi « arsenal primitif » dans lequel l'homme prélève des choses dont il se sert comme instrument ; et plus le travail se développe, plus ces instruments seront eux-mêmes travaillés, c'est-à-dire le résultat d'un travail préalable qui les aura pris pour but (le marteau est le fruit d'un travail, il n'est pas simplement prélevé dans la nature, et une fois fabriqué, il sert lui-même d'instrument à un autre travail).
Or, et c'est là le point, cette médiation toujours plus complexe caractérise l'humanité et le travail humain : certains animaux prélèvent certes des choses naturelles dont ils se servent comme moyens, mais aucun animal ne fabrique ses propres moyens de travail ; tout au contraire, les animaux ont tôt fait d'avoir été mobilisés à titre de moyens de travail par l'humanité même. Seul l'homme, par conséquent, a un rapport véritablement médiat au monde, lui seul travaille au sens plein, lui seul met au travail l'animal qui naturellement ne travaille pas, c'est-à-dire le met au service de buts proprement humains.
À l'évidence, Marx s'appuie ici sur les analyses hégéliennes du travail comme mise à distance du donné : le travail, en ceci qu'il permet à l'homme de marquer du « sceau de son intériorité » les choses extérieures, constitue une médiation indispensable à ce qu'Hegel nomme la modalité « pratique » de la prise de conscience de soi. Il s'agira alors de voir en quel sens on peut bien affirmer, comme Marx et Hegel, que le travail est en propre une activité humanisante.
I. Analyse détaillée du texte
1. Définition de ce qu'est un moyen de travail
a) Le moyen de travail comme intermédiaire
Si la définition de ce qu'est un moyen de travail est à ce point capitale pour Marx, c'est parce que l'utilisation de moyens caractérise spécifiquement le travail humain et informe la totalité de notre rapport au monde. Mais alors, que faut-il entendre par la constitution de tels moyens ? Un moyen de travail, c'est « une chose ou un ensemble de choses que l'homme interpose entre lui et l'objet de son travail comme conducteurs de son action ». Ainsi, une hache primitive est constituée de plusieurs choses prélevées dans la nature (une pierre, un bâton pour le manche, des fibres végétales pour assembler les deux) ; cette hache sert elle-même de moyen pour effectuer un travail donné (tuer un animal par exemple) ; et une fois le moyen produit en fonction du travail à réaliser (en fonction donc du résultat que l'homme veut obtenir), il détermine en retour la façon de procéder, bref, de conduire notre action – on ne chasse pas une bête de la même façon suivant qu'on utilise une hache ou un arc.
L'homme isole donc dans la nature certaines choses dont les « propriétés » l'intéressent (la dureté de la pierre, la possibilité de tisser des fibres pour en faire une corde), et qu'il agence entre elles en fonction du résultat qu'il veut obtenir, c'est-à-dire du travail qu'il veut effectuer : l'homme est l'être qui sait combiner diverses propriétés de diverses choses « pour les faire agir comme forces sur d'autres choses » (comme il utilise la flexibilité du bois et l'élasticité de la corde pour faire un arc). En d'autres termes, l'homme est capable de se représenter par avance un « but », et de déterminer, avant que celui-ci ne soit réel, les moyens aptes à le réaliser – et voilà ce qui le distingue fondamentalement de l'animal.
b) Le travail humain comme activité médiate
L'homme est capable de se poser un but en fonction duquel il déterminera son action, et pour lequel il agencera des moyens appropriés : ce qui caractérise le travail humain donc, c'est qu'il est toujours médiat, c'est-à-dire qu'il n'obtient pas le résultat escompté directement, par l'application de nos seuls organes naturels. C'est pourquoi il faut « laisser de côté » des activités primitives comme « la cueillette des fruits », qui constituent bien un point de départ, mais ne livrent pas la spécificité du travail humain : dans la cueillette en effet, l'homme se sert de ses seuls organes naturels (ses yeux, ses mains) pour obtenir ce qu'il recherche (de quoi se nourrir) ; en d'autres termes, cette activité est primitive
...