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A-t-on de bonnes raisons de rejeter l'imitation ?

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Par   •  5 Novembre 2021  •  Dissertation  •  5 953 Mots (24 Pages)  •  550 Vues

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A-t-on de bonnes raisons de rejeter l'imitation ?

        L'imitation (du latin imitatio) est un procédé qui consiste à reproduire un certain nombre de caractéristiques propres à une entité que l'on présente comme modèle afin de créer un objet. L'action d'imiter instaure donc une relation de subordination entre deux éléments, avec un modèle qui a la primauté et une copie qui est dépendante de son modèle. Il est courant traiter du thème de l'imitation dans l'art, puisque c'est dans ce domaine que les philosophes ont premièrement abordé la question de la mimesis, cependant, il convient de rappeler que l'imitation est un phénomène qui peut s'appliquer à tous les domaines, un exemple courant étant le domaine biologique, notamment pour l'apprentissage de la parole et des comportements à adopter par l'enfant. La notion d'imitation est facilement confondue avec celles de copie, plagiat ou contrefaçon car elles font toutes référence au même type de phénomène cependant, il faut les distinguer car ces notions ont une connotation péjorative, qui pourrait en partie expliquer la peur de l'imitation à l'heure où l'originalité est un aspect essentiel de l'art.

Cependant, le rejet de l'imitation prend ses sources bien avant notre époque, puisque dès l'antiquité grecque, elle fut en partie rejetée par Platon (dans le domaine de l'art). La question de la non-adéquation à la vérité semble avoir été la principale raison concernant le rejet l'imitation pendant plusieurs siècles (bien qu'on lui reproche aujourd'hui davantage le manque d'originalité qu'elle induit).

L'imitation est pourtant un processus positif pour l'homme, puisqu'il en bénéficie pour l'apprentissage des connaissances, tout comme l'artiste en tire profit grâce à l'inspiration qu'elle lui procure, ou encore le penseur qui pour forger sa propre pensée à besoin d'assimiler d'autres concepts qui lui sont étrangers et proviennent d'autres penseurs.

Il y a donc un paradoxe évident : malgré le profit que l'homme peut tirer de l'imitation (puisque c'est une activité qui apporte à première vue de nombreux bénéfices), elle est dans la majorité des cas rejetée, sous prétexte de son manque de cohérence avec la vérité. Pour déterminer si l'imitation est justement repoussée ou non, il convient de déterminer si l'imitation nous éloigne de la vérité et donc également de la vertu, ou au contraire, si elle nous en rapproche ?

        L'imitation semble au premier abord apporter de nombreux bénéfices à ceux qui la pratiquent et qui l'observent, par conséquent, il ne semble pas justifié de la condamner. Il est courant de considérer que l’imitation permet à l’homme de mieux comprendre son environnement et de devenir meilleur intellectuellement et moralement.                                                                 Aristote est l'un des premiers penseurs à en prendre la défense, dans la Poétique. Il y soutient que l'imitation est une tendance innée à l'homme et qu'elle est une activité naturelle à laquelle l'homme prend plaisir, non seulement au niveau esthétique, mais également cognitif car l’imitation est liée à la connaissance et la reconnaissance des objets du monde. Selon Aristote, c’est la sensation qui prime dans l’élaboration de la connaissance, car même lorsque l’on pense de manière spéculative, on doit se représenter une image dans notre esprit, or cette image est forcément issue d’une image sensible. Puis, à un second niveau, c’est l’imagination qui permet la formation des images mentales. Ainsi, la perception sensible est essentielle pour l’apprentissage, particulièrement la perception visuelle, ce qui témoigne de l’importance de la mimesis et de l’image pour le fondement de la connaissance. Cette primauté accordée à la sensibilité et à l’imagination explique le fait qu’Aristote puisse valoriser l’art mimétique, étant donné qu’il permet de mettre en mouvement l’imagination en suggérant de nouvelles images à l’esprit humain. Il convient cependant de préciser qu’Aristote n’approuve pas toutes sortes d’imitation : il faut privilégier dans l’art pictural le contour et la forme du dessin, contrairement à la couleur ; de la même manière qu’il faut privilégier dans le théâtre l’action et l’histoire, et non les caractères des différents personnages. Ce parallèle entre peinture et tragédie montre que la mimesis pour Aristote ne se cantonne pas à l’art pictural, mais également au théâtre. Il permet également de comprendre la hiérarchie entre les types d’arts mimétiques : la tragédie est supérieure à la comédie car elle s’attache à représenter des histoires sensées tandis que la comédie se borne à mettre en scène des personnages hauts en couleur, de la même manière qu’en peinture, une œuvre où le tracé des contours prime sera supérieure à une œuvre qui montre l’agrément de la couleur, qui est charmante mais plus facile à réaliser et moins intéressante pour l’homme. Un second point en faveur de la mimesis pour Aristote est sa capacité cathartique, qui permet une « épuration des passions ». Dans une tragédie, la représentation sur scène et la reconnaissance des passions par les spectateurs portent un enseignement moral. Cet effet cathartique peut s’étendre à la représentation des passions en peinture également. Le travail du peintre ou du dramaturge est une alors une étape intermédiaire entre la sensation et la pensée, en stimulant l’imagination. Il serait donc faux de considérer que l’imitation dans le domaine de l’art ou même de la morale (puisqu’elle exerce une purgation des passions dans la tragédie) n’est pas un phénomène vertueux : elle permet de mettre en mouvement l’imagination (et donc la réflexion a posteriori) par la représentation d’images sensibles et purge les hommes de leurs vices en les représentants.                                                                 De plus, nous pouvons considérer que l’imitation de la nature peut donner de la valeur à ce qui n’en possède pas ou ce que nous ne remarquerions pas autrement. Dans son œuvre Esthétique, Hegel affirme que ce qui n’attire pas notre intérêt dans la vie réelle, va grâce à son imitation par un art retenir notre attention. L’imitation en peinture donne alors de la valeur à l’insignifiant, et arrache ce qui est éphémère pour lui donner une existence éternelle, ce que la nature ne saurait lui donner. L’imitation de la nature donne à son modèle (qui devrait pourtant lui être supérieur), qui est l’apparence sensible, une certaine spiritualité qui n’est visible que par le biais de sa transposition en un art. Pour atteindre cette perception de l’environnement, il faut que ce dernier soit imité pour dévoiler sa spiritualité : ainsi l’imitation par l’art donne aux idées une représentation sensible et matérielle, qui nous les rend accessibles. C’est donc l’apparence qui permet d’accéder à la spiritualité et à l’idée selon Hegel, et l’imitation est un moyen de généraliser à un grand nombre cette perception meilleure de l’environnement.                                                                                 Bergson affirme pareillement que l’homme est incapable de voir la réalité sans qu’elle soit mimée par un biais artistique pour la dévoiler. Nous découvrons ce qui existait déjà mais nous étions incapables de le voir car il fallait pour cela la méditation de l’artiste, qui a une perception différente du monde, car il est plus détaché du réel et il y voit ainsi davantage de choses : il privilégie la contemplation à l’action afin d’élargir sa vision de son environnement. Ainsi, lorsque Turner imite le brouillard, il permet aux autres hommes de bénéficier de sa vision rare. Oscar Wilde illustre clairement cette idée dans son œuvre Intentions : « A présent, les gens voient des brouillards, non parce qu'il y en a, mais parce que des poètes et des peintres leur ont enseigné la mystérieuse beauté de ces effets ».

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