Suis-je dans mon corps comme un pilote en son navire ?
Dissertation : Suis-je dans mon corps comme un pilote en son navire ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Teddy Adelise • 8 Novembre 2018 • Dissertation • 2 689 Mots (11 Pages) • 3 916 Vues
Sujet de la dissertation : Suis-je dans mon corps comme un pilote en son navire ?
Introduction
En analyse à ce sujet, il nous faut partir du constat de départ que le sentiment commun et immédiat éprouvé par la grande majorité des hommes est celui qui pousse à se considérer comme pilote qui détermine les actions exercées par son propre corps. Cette conviction intérieure est ancrée chez l’homme dès le plus jeune âge notamment via l’apprentissage de sa propre motricité et ensuite au travers de la compréhension de la relation psycho-physique par l’expérience du monde sensible : les états mentaux affectent le corps et inversement.
Toutefois sommes-nous réellement dans nos corps comme pourrait l’être un pilote en son navire ?
Le capitaine et son navire sont liés l’un à l’autre par contact matériel, cela s’illustre de manière réductrice par l’intermédiaire du gouvernail. Dès lors se pose la question de mon identité : Suis-je mon esprit et mon corps n’en est que le siège, suis-je mon corps doté d’un esprit, ou encore suis-je une manifestation vivante et matérielle de Dieu avec le corps et l’esprit en tant que propriété constitutives ? Par quel(s) intermédiaire(s) une substance agit elle sur l’autre ?
Nous tenterons de traiter ces questions dans un premier temps en évaluant la pertinence et les limites du sentiment spontané de séparation corps-esprit. Puis nous verrons comment cette expérience primitive peut être illusoire et en réalité dissimuler à l’homme une autre connaissance de lui-même beaucoup plus instinctive. Pour finir, nous verrons comment envisager une pensée du mind-body problem, si tant est qu’elle existe.
Développement
- L’esprit aux commandes du corps
- Substance étendue et substance pensante : Le dualisme de Descartes
La matière et la pensée sont des notions traitées à de multiples reprises au cours de l’histoire par nombre de scientifiques et philosophes pour tenter d’expliquer et apporter des éléments d’analyses à des concepts métaphysiques. Pour reprendre le cas du sujet, la matière en tant que corps et l’âme, siège de l’esprit, en tant que pensée. Au sens purement fonctionnel, l’analogie est évidente entre le pilote qui détermine les mouvements du navire et l’esprit qui commande ceux du corps.
Le pilote existe de façon autonome et se suffit à lui-même, sans son navire il lui est toutefois impossible de réaliser sa fonction première de navigation et ne peut donc pas exprimer sa volonté et ses intentions dans le monde sensible. Le navire quant à lui est l’objet destiné à être piloté et qui sans son pilote ne saurait pas atteindre sa destination et faire ce pourquoi il existe, il est donc subordonné aux ordres qui lui sont donnés. On voit donc bien l’interdépendance qu’il existe entre ces deux entités, l’une à besoin de l’autre pour « remplir sa fonction » avec un rapport hiérarchique vertical du capitaine vers le navire. L’esprit de l’homme lui permet de se penser et de se représenter, sa conscience de lui autorise une activité spirituelle constante qui n’a pas de représentation matérielle dans la réalité, et c’est via le corps qu’il se manifeste et devient tangible par la parole par exemple. Le corps de l’homme est ce par quoi on le représente, car c’est ce grâce à quoi il existe dans son rapport au monde. Il est lui aussi autonome, en effet l’esprit ne commande pas les organes internes du corps permettant sa respiration, et pourtant celui-ci sait dès la naissance assurer son fonctionnement interne. Pour autant, il est ancré dans la tradition occidentale moderne que l’esprit et le corps sont substantiellement de natures différentes, c'est la peut-être un héritage de la pensée antique grecque et du christianisme qui ont en commun leur dualité : L’opposition entre le monde intelligible et le monde sensible d’un côté, l’antagonisme entre l’au-delà et l’ici-bas de l’autre.
Cette réflection dualiste a été traitée notamment par Descartes dans son œuvre Méditations métaphysiques : « Le corps est une chose étendue ( res extensa) alors que l'esprit et la pensée forme une chose pensante ( res cogitans). ».
Poussons maintenant la réflexion un peu plus loin, autant la comparaison entre le donneur d’ordres et l’exécutant est recevable, comment maintenant penser l’interaction corps-esprit et les échanges naturels entre eux. Il y une séparation entre le pilote et son navire, à l’inverse l’union du corps et de l’esprit est libre.
- Interaction corps esprit
L’Activité spirituelle de l’esprit d’où proviennent les instructions envoyées aux muscles de mon corps au travers du réseau nerveux pour qu’il puisse bouger est un mécanisme complexe, et l’échange d’informations est bilatéral. Si je décide de prendre un verre posé sur une table, mon bras va se diriger intuitivement vers l’objet et le saisir avec ma main ; grâce aux sens du toucher et de la vue, mon corps saura apprécier la distance qui le sépare de l’objet et adapter sa course, mon esprit commande mon corps. A l’inverse, une fois l’objet en main, c’est mon corps qui informe mon esprit que l’opération est réalisée car les informations des capteurs sensoriels dans ma main et mes yeux me fournissent toute sorte de confirmations comme son déplacement, son poids, etc. qui valident l’achèvement de la tâche voulue. Cette tâche, choisie simple à dessein, est réalisée sans que mon esprit n’ait besoin de penser à sa réalisation, car mon expérience du monde sensible me permet de maîtriser certains de ses aspects et donc d’interagir avec lui avec lui comme s’il s’agissait de simples extensions extérieures de mon propre corps. Je n’ai par exemple pas besoin de commander mon corps pour me lever et marcher, une simple intention dans mon esprit suffit. Certaines actions de mon corps et modes de pensées se produisent automatiquement selon un cycle prédéterminé dans mon esprit.
Il s'agit ici de s'interroger sur le lien que l’esprit et le corps peuvent entretenir étant donné leurs natures profondément distinctes.
En 1998, les neuroscientifiques Matthew Botvinick et Jonathan Cohen ont montré que ce lien pouvait même être simulé entre l’esprit et un objet extérieur avec l’expérience de la main en caoutchouc. Le principe consiste à faire asseoir des participants à une table, l’un de leur bras est posé sur la table, mais il est caché par un paravent. A la place, une main en caoutchouc de dimension similaire est placée devant eux. Les chercheurs caressent alors avec un pinceau le bras réel et le bras en caoutchouc, devant eux, de façon synchrone. Ainsi, les participants sentent le pinceau sur la peau de leur main qu'ils ne voient pas, tout en regardant les allées et venues du pinceau sur la fausse main. Après 10 minutes, la majorité des participants a l'impression que la main en caoutchouc leur appartient, et certains même ont la sensation que leur bras gauche est devenu caoutchouteux ou ont le sentiment de ne plus posséder leur bras réel.
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