La question du pouvoir temporel dans la Bible

Les « idées politiques » de la Bible : la question du pouvoir temporel

Les textes visés :

1. Jg 8, 22-23
2. I S 8, 4-22
3. Mt 22, 15-22
4. Ro 13, 1-7
5. I Tim 2, 1-2

Introduction :

Lors de la séparation de l’église et de l’état français en 1904, est actée la séparation du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel qui ont très longtemps été liés dans l’histoire. En effet, les rois étaient considérés comme des messagers de Dieu et se voyaient attribuer la capacité du Christ à guérir les malades par le don thaumaturge. Précisons que le pouvoir temporel se conçoit comme le pouvoir civil attribué au souverain ou à toute autorité maîtresse des  biens et des corps ; il est opposé au pouvoir spirituel de l’Eglise qui a pour mission le maintien du dogme dans le cadre de la religion et le salut des âmes. Aujourd’hui nous vivons dans un état laïc au sein duquel la foi est considérée comme étant purement distincte de la politique. Mais cette situation actuelle et nouvelle est l’héritage d’une histoire et de traditions sociales, politiques et culturelles. Dans la Bible, la question du pouvoir temporel est controversée dans de nombreux textes. Le peuple l’Israël n’a que Yahvé pour guide et demande un roi à leur dieu. Mais si certains considèrent qu’il est du ressort d’un dieu de placer un roi sur le trône, ce n’est en rien à l’unanimité. La légitimité du pouvoir  spirituel à orienter et à imposer un pouvoir temporel est questionnée. La foi est-elle indissociable d’une idée de la société et par conséquent d’idéaux politiques ou bien  est-elle un simple croyance indifférente à la politique et à la construction d’un royaume terrestre ? Autant d’interrogations majoritairement héritées des religions du Livre et notamment de la recherche d’une nation juive par le peuple d’Israël.

Dès lors, après lecture du corpus, nous pouvons nous demander si le pouvoir temporel est inhérent au pouvoir spirituel.  

De prime abord, une réponse affirmative à cette problématique paraît tomber sous le sens. Yahvé, père créateur, guide et responsable du salut des âmes est une figure d’autorité et c’est à lui que revient la tâche de nommer un roi. On considère alors que le dieu est source de tout et que la politique n’est que l’expression temporelle de sa supériorité. Pourtant, la controverse mérite une attention particulière puisque notre république actuelle en est l’illustration. On considère alors dans ce cas que la religion et la politique, le spirituel et le temporel sont des domaines de pouvoirs distincts et même incompatibles. En conséquence, un tel amalgame serait dangereux pour l’avenir du peuple d’Israël d’autant plus que le royaume des cieux et le royaume du souverain terrestre ne peuvent tout simplement pas être envisagés sous le même rapport et sur la même échelle.

1. Oui, la domination sous toutes ses formes vient de Dieu.

Dans le livre des religions, Yahvé est dit créateur et dieu tout puissant. Telle est la raison qui pousse le peuple à demander à Yahvé un souverain pour passer de l’état de peuple religieux à celui de nation politique sous le gouvernement d’une puissance dominatrice qui les jugerait. Yahvé étant le juge des âmes des juifs, pourquoi ne pourrait-il pas leur donner un souverain qui serait l’incarnation de sa volonté sur terre ?

1. La politique est l’expression temporelle d’une volonté spirituelle supérieure

• Yahvé est créateur de justice céleste, il serait son rôle de nommer un juge terrestre qu’il pense juste et apte à gouverner (texte 2 lignes 3-4) «  établis donc sur nous un roi pour nous juger » / « le prince est pour toi ministre de Dieu pour le bien. » (ligne 8 et 9)

• Yahvé veut que son peuple vive selon des principes justes et équitables : un juge inféodé à Yahvé qui ferait appliquer cette volonté afin d’empêcher les déviances humaines serait alors le bienvenu selon le peuple « (…) j’exhorte à faire des supplications (…) pour les rois et tous ceux qui sont constitués en dignité, afin que nous puissions mener une vie calme et tranquille (…) » (texte 6)

→ Transition : Pourquoi Yahvé ne pourrait-il pas dominer lui-même plutôt que de charger un roi de le faire ? Il y aurait alors une seule figure qui concentrerait en elle l’autorité morale, politique et religieuse ; cela serait une possibilité a priori logique.

1. Un guide moral et spirituel peut être un juge pour les hommes ici-bas

• Yahvé est plus qu’un simple dominant, il est créateur et source de tout dans les textes : en créant les hommes, il a créé la politique (au sens organisation de cités ordonnées). Les autres nations ont des rois qui bâtissent des royaumes et des villes. Yahvé, en réalité est tout. « c’est Yahweh qui dominera sur vous. » (texte 1 ligne 5)

• Le peuple juif veut passer de l’état de peuple religieux à l’état de nation politique. Les autres nations ont des rois, le peuple d’Israël exige un roi. Pourtant, ce peuple n’existe que par sa religion et pas par son organisation. La religion est source de tout, il paraitrait insensé de la séparer du politique, c’est pourquoi on pourrait imaginer que les juges et les ministres, tels des prêtres, portent un message divin en eux « les magistrats sont les ministres de Dieu entièrement appliqués à cette fonction » (texte 5 lignes 15-16)

→ Transition : Mais penser le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel si étroitement liés implique que Dieu soit une entité politique et que celui qui ne croit pas n’a pas sa place dans la politique de la cité. Alors la foi et le bien commun feraient cause commune et celui qui ne croit pas serait apatride car il ne participerait pas à la construction du bien de sa cité. Imposer une religion politique ou une politique empreinte de religiosité, serait s’orienter vers une dictature de l’opinion. Or, comme chacun les sait, Yahvé a créé l’Homme libre. Comment expliquer une telle contradiction entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel au sein de la politique ?

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